Notre-Dame-des-Landes : premier dossier explosif du nouveau gouvernement ?

Par Giulietta Gamberini  |   |  1245  mots
La question de l'attitude à adopter face aux opposants les plus radicaux, les "zadistes", qui occupent le site depuis près de deux ans, risque aussi d'embarrasser le gouvernement.
Opposant au projet de construction d'un nouvel aéroport au Nord de Nantes, le nouveau ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, avait accepté le résultat du référendum en faveur du "oui". Aujourd'hui, il espère que la médiation annoncée par le Premier ministre fera émerger des "alternatives". Mais Le Syndicat mixte aéroportuaire du Grand Ouest souhaite commencer les travaux dans six mois.

Le dossier a déjà été l'un des plus intriqués du quinquennat de François Hollande. La nomination de Nicolas Hulot comme ministre d'Etat du premier gouvernement d'Emmanuel Macron semble au premier abord compliquer la donne, plutôt que la simplifier. Le projet prévoyant le transfert de l'aéroport de Nantes-Atlantique du sud au nord de la ville, vers Notre-Dame-des-Landes (NNDL), sera sans doute l'un des plus délicats pour le nouvel exécutif, laissent entrevoir les prises de position affichées depuis mercredi.

"Vous n'imaginez pas une seconde qu'avec Nicolas Hulot entré au gouvernement, Notre-Dame-des-Landes puisse se faire", a notamment lâché au lendemain de la nomination du nouveau ministre de la Transition écologique et solidaire Pascal Canfin, ancien ministre du Développement et actuel directeur du WWF France, interrogé par France Inter. Nicolas Hulot s'est en effet toujours dit opposé à ce projet, dont la conception remonte à la présidence de De Gaulle et qui a été relancé par l'ancien maire de Nantes et Premier ministre sous François Hollande Jean-Marc Ayrault, puis soutenu par Manuel Valls - contre l'avis de l'ex-ministre de l'Environnement Ségolène Royal.

"Attristé" par le résultat du référendum

En 2015, Nicolas Hulot, qui était pourtant à l'époque "envoyé spécial pour la planète" du président de la République, n'avait pas ménagé ses mots: "Vieux de plus de 40 ans, ce projet est vicié, gangrené. Il porte en lui les racines de la discorde", avait-il affirmé, en reconnaissant se trouver à ce propos "en porte-à-faux" avec le président socialiste, qui n'avait jamais voulu contrarier sur ce dossier ses Premiers ministres. Répondant aux partisans d'une nouvelle infrastructure, qui faisaient valoir le nécessaire développement économique de la région, il avait expliqué:

"Il va falloir se développer dans le domaine de l'efficacité énergétique, des énergies renouvelables (...) et se désinvestir de tout ce qui encourage l'utilisation des énergies fossiles, tout ce qui consomme des terres nourricières."

Bien que sceptique quant au périmètre de la consultation (limité au département de Loire-Atlantique, soit à 500.000 personnes), et "profondément attristé" par le résultat, Nicolas Hulot avait néanmoins accepté le verdict du référendum organisé en juin 2016, où le "oui" au transfert l'avait emporté à 55%.

"On ne peut pas demander un référendum et après, sous prétexte que la réponse ne vous va pas, s'opposer aux décisions qui en découleront... Je prends acte de ce vote démocratique, je m'incline, chacun doit en tirer les leçons", avait-il déclaré à Europe 1 le 27 juin 2016.

Macron ouvert

Or, presque un an plus tard, les travaux pour le nouvel aéroport n'ont pas encore commencé. Quelques centaines de militants continuent en effet de s'y opposer, occupant toujours une Zone à défendre (ZAD). La patate chaude revient donc dans les mains du gouvernement d'Edouard Philippe, qui pour sa part, en octobre 2016, interrogé par France Info, s'était montré favorable à la construction d'un nouvel aéroport, en espérant un début des travaux "avant mai ou juin 2017". Immédiatement après sa nomination, le Premier ministre a ainsi pris les devants, en précisant, dès jeudi, l'approche choisie:

"Il y aura un médiateur qui va permettre de mettre l'ensemble des choses sur la table, d'étudier l'ensemble des options et, ensuite, nous prendrons une décision qui sera assumée, qui sera claire", a déclaré le chef du gouvernement sur France Inter.

Il s'agit notamment, comme le demandent les opposants, de réexaminer le dossier en fonction de l'ensemble des données les plus récentes (prévisions de trafic, coûts, empreinte carbone, etc.), et en comparant l'hypothèse de NDDL à celle d'une modernisation de Nantes-Altantique, l'aéroport existant. Une démarche conforme à une promesse formulée par Emmanuel Macron pendant sa campagne lors d'un Facebook Live avec le WWF. Tout en refusant "d'écarter" le résultat de la consultation publique de juin, le candidat d'En Marche s'était montré ouvert sur le dossier, affirmant vouloir se donner six mois avant de décider - un délai encore confirmé mercredi par son secrétaire d'Etat Christophe Castaner -, et était allé jusqu'à lâcher:

"Aujourd'hui, on ne lancerait pas un projet du type de Notre-Dame-des-Landes."

Hulot pour parler aux écologistes

"L'assurance qu'il y aurait une vraie étude transparente sur l'aéroport" aurait d'ailleurs été l'élément poussant Nicolas Hulot - qui avait jusqu'à présent refusé toute proposition en ce sens - à accepter "d'entrer dans un gouvernement", affirme Ouest France, citant l'un de ses proches. Dans sa première interview télévisée en tant que ministre, jeudi soir sur France 2, l'ancien journaliste est d'ailleurs lui-même revenu sur l'existence d'"alternatives" au projet controversé. Comme l'a dit explicitement vendredi sur RTL le nouveau ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, en évoquant des "écologistes qui peuvent être plus modérés" auxquels Nicolas Hulot "saura parler", le choix de Nicolas Hulot - qui comme ministre d'Etat a aussi une main sur les Transports - semble donc être aussi destiné à calmer les esprits.

Il n'empêche que les divisions au niveau local restent marquées. Le Syndicat mixte aéroportuaire du Grand Ouest, rassemblement pro-NDDL de 20 collectivités des Pays de la Loire et de Bretagne, et présidé par Bruno Retailleau (LR), a réagi immédiatement à la nomination du nouveau ministre, en essayant de tourner la nouvelle dans son sens:

"Emmanuel Macron, Edouard Philippe et Nicolas Hulot ont tous confirmé vouloir lancer les travaux de l'Aéroport du Grand Ouest. Une bonne nouvelle pour les régions de l'Ouest et également pour la démocratie", soulignait un communiqué. En appelant à respecter "le choix des citoyens" et à exécuter les "178 décisions de justice" prononcées, à "travailler à la concertation préalable à la mise en œuvre opérationnelle de cet équipement indispensable", il espérait "de débuter les travaux d'ici 6 mois".

Le collectif d'élus opposés au projet (le Cédpa), a pour sa part salué l'annonce de la médiation.

Évacuer par la force ou pas?

La question de l'attitude à adopter face aux opposants les plus radicaux, les "zadistes", qui occupent le site depuis près de deux ans, risque aussi d'embarrasser le gouvernement. Lors du Facebook Live avec le WWF, Emmanuel Macron avait exclu tout recours à la force. Mais ensuite, le 7 avril, invité de l'Emission politique sur France 2, il avait été bien moins clair:

"Il y a un problème d'ordre public. Je vais nommer un médiateur pendant six mois maximum pour faire descendre la pression. A l'issue de cette période, je prendrai mes responsabilités et je ferai évacuer la zone avec les forces de l'ordre qui s'imposent. (...) J'essayerais d'apaiser les choses", avait affirmé le futur président.

Cet aspect inquiète d'ailleurs Gérard Collomb qui, tout en insistant sur la volonté d'éviter "des mesures brutales" du gouvernement, a déploré une "certaine radicalisation", risquant de mener de "la violence du langage" à "la violence des actes". Le ministre de l'Intérieur n'a pas hésité à faire le parallèle avec "les dérives qui ont pu avoir lieu en Allemagne et en Italie" "dans (sa) génération", à savoir les crimes des Brigades Rouges ou de la Bande à Baader des années 1970 et 1980... Des propos qui soulignent bien à quel point le dossier angoisse la nouvelle équipe de Macron.