Prix de l’énergie : la crise actuelle est « comparable au choc pétrolier de 1973 » (Bruno Le Maire)

Tandis qu’EDF fait front contre la décision de l’Etat d’augmenter le volume d’électricité que le groupe doit vendre à prix cassé à ses concurrents, le ministère de l’Economie a lui défendu le bien-fondé de sa mesure par le caractère « exceptionnel » de la crise qui secoue actuellement le marché de l’énergie, qu’il considère comme « la plus grave depuis plusieurs décennies ». Dans ces conditions, l’absence d’action aurait « ouvert en France une crise sociale et économique », a-t-il fait valoir. Et ce, à moins de trois mois de l’élection présidentielle.
Marine Godelier
(Crédits : Gonzalo Fuentes)

Alors que pas moins de 37% des salariés d'EDF ont fait grève ce mercredi contre la demande de l'Etat-actionnaire de vendre davantage d'électricité à bas prix à ses concurrents, le gouvernement persiste et signe. Et pour cause, afin de contenir la facture d'électricité des ménages et des entreprises face à la flambée des prix de l'énergie, appeler l'opérateur historique à la rescousse était en fait la « seule solution possible, non partielle ou inefficace » pour protéger les consommateurs, répète-t-il à l'envi. Et ce, même si la décision devrait coûter environ 8 milliards d'euros sur 2022 à EDF, selon les calculs provisoires du groupe.

Car la crise énergétique à laquelle l'Europe est confrontée est « exceptionnelle », martèle-t-on à Bercy. C'est même « la plus grave depuis plusieurs décennies », ajoute-t-on. Un discours éloigné de celui tenu par l'exécutif à l'automne dernier, au moment où le ministère tablait sur une « augmentation conjoncturelle » des prix.

« Le choc gazier est comparable au choc pétrolier de 1973 », a même lancé Bruno Le Maire à des journalistes.

De quoi engager la « responsabilité » de l'Etat, appelé à « utiliser tous les leviers à sa disposition pour amortir ce choc [...] avec des mesures radicales et rapides », fait-on valoir dans son entourage. « Sans quoi nous aurions ouvert en France une crise sociale et économique ». Et de rappeler les montants exorbitants en jeu : « si le gouvernement n'avait pris aucune décision [...] la facture d'électricité aurait augmenté de 35%. Soit de 300 à 350 euros en moyenne pour le consommateur. Et les sommes auraient été beaucoup plus importantes pour les milliers d'entreprises » gourmandes en énergie, a ainsi justifié le cabinet du ministre.

"Défense de l'intérêt général"

C'est dans ce cadre, et en insistant sur « l'effort collectif dans la défense de l'intérêt général », que l'exécutif a donc décidé d'augmenter « à titre exceptionnel » de 20 TWh le volume d'électricité qu'EDF devra vendre à prix cassé à ses concurrents en 2022, dans le cadre du dispositif ARENH (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique). Ce qui « sera intégralement et automatiquement répercuté sur la facture des consommateurs, ménages comme entreprises », a-t-on assuré à Bercy, rappelant que l'Etat a lui aussi mis la main à la poche, en dépensant 15,5 milliards d'euros en tout en 2022 pour protéger les consommateurs contre l'explosion des prix de l'énergie.

« Cela correspond à l'idée que nous nous faisons d'EDF : c'est un grand service public détenu à plus de 80% par la puissance publique. Jamais les Français, les entreprises et les ménages n'auraient compris qu'un grand service public de l'électricité ne prenne pas sa part, dans ces circonstances exceptionnelles, pour atténuer le choc », soutient-on à Bercy.

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Plus tôt dans la journée, le patron des députés LREM, Christophe Castaner, avait lui exprimé sur France 2 sa surprise face au mouvement de grève : « Je ne le comprends pas parce que quand vous avez la fierté d'être dans une entreprise publique comme EDF, vous assumez aussi de contribuer à la solidarité nationale ». De quoi attiser la colère de la FNME-CGT (le syndicat majoritaire), qui a dénoncé dans la foulée des « propos déplacés ».

« Nous répondons que la fierté, ça ne paie pas, et que ses propos, bien médiocres, n'ont que le seul but d'opposer les salariés, qui défendent réellement le service public de l'énergie, aux citoyens. [...] Et lui, quand portera-t-il enfin la défense de l'intérêt général en allant au bout de ses propos et en portant la sortie du marché [européen, ndlr] de l'énergie, aussi néfaste pour les usagers que pour les travailleurs ? », réagit Fabrice Coudour, son secrétaire fédéral.

En effet, ce marché s'est construit sur le principe de la vente au coût marginal, c'est-à-dire que les prix dépendent du coût nécessaire à la mise en route de la toute dernière centrale appelée en renfort pour répondre aux pics de demande sur le réseau électrique. Ce qui explique l'explosion de la facture en France lorsque les prix du gaz augmentent, alors même que la production d'électricité de l'Hexagone ne dépend pas des énergies fossiles, mais principalement du nucléaire et de l'hydraulique.

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Réforme du marché européen de l'énergie

A cet égard, le cabinet de Bruno Le Maire affirme pousser pour une réforme sur le long terme de ce marché européen de l'énergie, en plus des mesures d'urgence. « Son fonctionnement n'a pas de sens, aussi bien d'un point de vue économique qu'environnemental, en nous amenant à payer le prix de l'électricité décarbonée au prix du gaz [...] Vous ne réussirez jamais la transition énergétique comme ça », explique-t-on. Concrètement, Bercy plaide plutôt pour que le consommateur « paie son électricité à un coût de production qui reflète le mix national ».

« Cela ne veut pas dire qu'on veut complètement casser le marché européen de l'électricité, mais qu'on souhaite qu'il y ait une meilleure régulation de ce marché, notamment de détail », explique un conseiller.

Et de rappeler que le sujet a « été discuté » récemment dans des conseils européens de l'énergie et au niveau des conseils de chef d'Etat. Réunis la semaine dernière à Amiens, les ministres de l'Énergie de l'UE ont ainsi échangé sur les façons de contrer la flambée, avec d'éventuels ajustements à venir de ce système, alors que la France a pris la présidence du Conseil européen. Mais, précise-t-on à Bercy, quelles que soient les volontés de l'Hexagone, contrairement au relèvement du plafond de l'ARENH, ces règles « ne peuvent pas être changées en quelques mois ».

Marine Godelier

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Commentaires 19
à écrit le 02/02/2022 à 16:00
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Au passage, rappelons que le premier choc était avant tout la conséquence du pic du conventionnel US fin 1970 (la prod US a baissé entre 1970 et le début du pétrole de schiste). Et non Premier choc pétrolier (1973) = Embargo Arabe = "géopolitique"...

à écrit le 27/01/2022 à 20:12
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bonjour, Concernant les problèmes de production EDF, peut on parler de concurrents EDF s'ils n'ont pas physiquement des moyens de production d'une part et d'autre part ne participe pas au financement de l'entretien et a l'investissement de nouvelles...

à écrit le 27/01/2022 à 16:47
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Si notre MONSIEUR je sais tout , letait un peu plus compréhensible avec la Russie et un peu moins lèche bottes avec les états unis nous aurions moins de problèmes .d'ailleurs comme au Mali ou la population est de plus en plus anti francais

à écrit le 27/01/2022 à 13:31
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Exceptionelle ? Mes yeux oui. Largement prévisible et prévue par beaucoup depuis les passages des différents pics. Que fait l'état il tue EDF pour favoriser les milliards des petits copains qui spéculent au nom du libéralisme européen. Cette cri...

à écrit le 27/01/2022 à 9:30
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C'est bien beau de le dire et faire des comparaisons, mais les solutions apportés sont toujours les mêmes: "Gérer les "conséquences" parce que rémunératrice sans éliminer les "causes" reproductible!"

le 27/01/2022 à 11:08
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que font nos dignitaires aux manettes les belles paroles ! a beau parler ont ils cure a bien faire. ,?, jugeons les aux résultats. bilan de 5 années

à écrit le 27/01/2022 à 9:05
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Cette crise ressemble beaucoup en effet à celle de 1973. Et elle pose le même problème, l'indépendance énergétique. Mais elle est peut-être encore plus redoutable, elle concerne aussi toutes les matières premières.

le 27/01/2022 à 10:00
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Nous pourrions rajouter la disparition de nombreuses compétences, l'industrie bradée et un centre de décision supra national avec en plus les mâchoires d'une dette abyssale.. Nous sommes mal..

à écrit le 27/01/2022 à 8:34
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Quand je vais chez mes amis en Asie du Sud Est, le prix de l'énergie et des carburants est un non sujet et le pays n'est pas du tout un grand producteur d'électricité, par contre pas de taxes juste le prix du produit à payer. D'ailleurs personne n'es...

le 27/01/2022 à 10:20
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Quand on fait un comparatif pays à pays on met en perspective le cadre général si on va a aucune pertinence : social tva impôt marché main d œuvre etc… la tva a été introduite progressivement en France pour augmenter ou payer les salaires , les ...

à écrit le 27/01/2022 à 7:45
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non nous ne sommes pas en 1973 il y avait des politiques compétents pas des guignols comme lemaire qui ne comprennent rien a l économie. ke pétrole ne représente plus 80% de l énergie mais moins de 40% . ce sont les taxes et la mauvaise gestion index...

le 27/01/2022 à 14:37
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la lachete des dirigeants qui massacre le secteur automobile et continue a faire voler des avions a vide avec en 1ere ligne m macron et des gens pour qui personne a vaoter et qui dicte les lois a bruxelles

à écrit le 26/01/2022 à 21:09
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et pourtant l'état glouton nous pompe avec des taxes à hauteur de 65% du prix du litre sans le moindre état d'âme....

à écrit le 26/01/2022 à 21:08
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Le petit peuple plein de bon sens n'y comprends rien . Avec le nucléaire qui nous permet d'avoir de l'électricité moins cher ,d'avoir un avantage économique sur les autres pays ,de vendre aux pays limitrophes de l'électricité et de ne pas poluer la p...

le 27/01/2022 à 1:30
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Vous allez avoir l'occasion de faire tomber les rideaux aux prochaines elections. Virez ces incapables qui vivent sur votre dos. Z. Lui croit au nom France. Do it !

le 27/01/2022 à 9:38
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Evitez quand même de remplacer des amateurs par d'autres amateurs qui ne perçoivent que le bout de leur nez! C'est pas les mots qui font une politique!

le 28/01/2022 à 4:59
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Pour vous micron serait competent ? Regardez son quinquennat. Un echec dans les grandes largeurs. Qu'a t-il fait de notable ? Rien. Zemmour est certes tout et surtout pas un politique. Le General de Gaulle etait militaire et a conduit remarquablement...

à écrit le 26/01/2022 à 19:56
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Cette 'crise' énergétique n'est pas exceptionnelle, elle est annoncée depuis plusieurs années par les indicateurs d'extractions de pétrole et gaz. Elle est juste arrivée un peu plus tôt à cause des impacts économiques des réponses gouvernementales au...

le 27/01/2022 à 4:46
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@ Truc. Et si on parlait de la gestion de ce nul ex professeur d'allemand bombarde par le fait du prince ? Ce type ne comprend rien a l'economie, en tant que prof, j'ai aussi un doute.

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