Autotests Covid-19 : "la grande distribution est en train de tout piller", s'alarment les pharmaciens

Sur la première semaine, et suite au décret autorisant les enseignes de la grande distribution à proposer des autotests dans leurs rayons, près de 700.000 boîtes se sont écoulées dans les hypers et supermarchés, selon le cabinet NielsenIQ. Cette ruée provoque des tensions d'approvisionnement. Selon Olivier Véran, "un certain nombre de pharmacies ont signalé qu'elles étaient en rupture" de stocks, en raison de l'achat massif des grands distributeurs, dénonce l'Union des Syndicats de Pharmaciens d'Officine (Uspo). Les grandes enseignes peuvent en effet compter sur leur filière d'approvisionnement à l'étranger. Explications.
(Crédits : Eric Gaillard)

En pleine propagation du variant Omicron, les Français veulent pouvoir se tester eux-mêmes, et ce en plus de la vaccination qui concerne désormais 73,8% de la population (au 4 janvier 2022, Our World in Data). Lors des fêtes de fin d'année, le besoin s'est d'autant fait sentir que les familles et amis se sont réunis. Résultat, les pharmacies, jusqu'ici seules habilitées à vendre ces tests de dépistage qui se pratiquent soi-même, se sont retrouvées prises d'assaut. Les officines "ont distribué plus d'autotests en quelques jours que sur les six derniers mois", soit environ 6 millions la semaine de Noël, a indiqué le ministre de la Santé Olivier Véran fin décembre.

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Pour le gouvernement, critiqué par l'opposition pour avoir rendu payants les tests PCR, valables pour l'obtention du pass sanitaire, il fallait donc "diversifier les circuits d'approvisionnements et de ventes" des tests à faire soi-même face cette demande "sans précédent." Ainsi, mardi 28 décembre, est paru au Journal officiel le décret autorisant, dans les enseignes de la grande distribution, la vente d'autotests antigéniques "à titre exceptionnel", en dehors des pharmacies, jusqu'au 31 janvier 2022.

4,6 millions de chiffres d'affaires en moins d'une semaine

Résultat, les enseignes se sont précipitées pour être les premières à en proposer. Et alors que les pharmacies peinaient déjà à maintenir leurs stocks auprès de leurs fournisseurs, leurs commandes viennent désormais passer sous la pile de celles des distributeurs. Ainsi, la première semaine (du 27 décembre au 2 janvier), ce sont près de 700.000 boîtes d'autotests qui se sont écoulées dans les hypers et supermarchés, selon le cabinet NielsenIQ. Montant généré en six jours : 4,6 millions d'euros de chiffre d'affaires, soit "autant que les ventes moyennes hebdomadaires de thé en 2021", précise le cabinet.

Une telle ruée provoque des tensions sur les stocks. "Un certain nombre de pharmacies nous ont signalé qu'elles étaient en rupture" de stocks, tandis que "de l'autre côté des acteurs de la grande distribution (en) avaient acheté et ont dit 'nous pouvons les mettre à disposition'", temporise Olivier Véran.

Or, en France, à l'image des masques et de leur pénurie qui a poussé l'Etat à passer des commandes à l'étranger et notamment en Chine, on ne compte qu'une poignée de fabricants d'autotests. "Nous avons tous été surpris par l'ampleur et la rapidité de la vague Omicron. Aucun fabricant n'a pu anticiper suffisamment cette demande gigantesque ", confie à La Tribune le dirigeant d'un fabricant basé à Saint-Etienne qui reconnaît aussi ne pas produire en quantités suffisantes pour les besoins de la grande distribution.

La grande distribution s'approvisionne à l'étranger

Chez E.Leclerc, deux magasins sur trois devaient ainsi être approvisionnés mercredi de la première semaine suite à l'autorisation. "C'est bien d'élargir le front et d'augmenter les disponibilités. On voit bien avec le variant Omicron que l'autotest est aujourd'hui un outil indispensable pour les réunions familiales", a commenté Michel-Edouard Leclerc, président du comité stratégique des magasins E.Leclerc, auprès de l'AFP.

Chez Intermarché et Netto, on en promet dès jeudi tandis que Lidl estime que les commandes devraient prendre dix jours à arriver.

Où s'adressent ces commandes faites en urgence ?

Carrefour assure qu'une moitié de ses stocks provient de ses propres filières d'approvisionnement à l'étranger et l'autre moitié de grossistes ayant importé des autotests en France, selon l'AFP. L'enseigne en avait d'ailleurs déjà commandé en mars 2021.

Aussi, les enseignes qui sont installées dans des pays où les autotests sont déjà autorisés en grande distribution, comme l'Allemagne et la Belgique, disposent aussi de facilités d'approvisionnement.

Résultat, comme au moment de l'arrivée des masques en grandes surfaces au printemps 2020, la question de l'approvisionnement fait polémique :

"Hier on pouvait commander 16 millions d'autotests pour la fin de semaine, aujourd'hui tout a été acheté par la grande distribution, ils sont en train de tout piller", expliquait le 28 décembre dernier Pierre-Olivier Variot, président de l'Union des Syndicats de Pharmaciens d'Officine (Uspo).

Quid de la vente en ligne ?

Quant à la vente sur Internet, elle est interdite depuis le début, l'arrêté original indiquant qu'ils ne pouvaient "faire l'objet de l'activité de commerce électronique"; mais la confusion semblait régner mardi parmi les grandes enseignes de vente en ligne sur un éventuel changement. Le ministère de la Santé n'a pour le moment pas précisé ce point.

Pour l'heure, sur les sites de Carrefour, à la recherche de "tests" "Covid", seuls ceux pour les grossesses remontaient principalement. Même résultats sur les sites de Leclerc et Auchan.

A prix cassés

Disponibles en magasins, la Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD), qui représente une cinquantaine d'enseignes, s'est réjouie auprès de l'AFP d'une "bonne nouvelle qui va permettre aux Français d'avoir plus facilement accès aux autotests, à des prix accessibles".

Ces tests coûtent aujourd'hui de l'ordre de 4 à 5 euros l'unité en pharmacie. Leclerc annonce 1,95 euro l'unité; Système U et Carrefour affirment qu'ils vendront à prix coûtant, sans encore donner le montant.

"Ce n'est pas un objectif de marge ou de profit (...) C'est un objectif de service qu'on souhaite rendre et qui nous est réclamé", a déclaré le président de Système U Dominique Schelcher sur RTL, en rappelant qu'il vendait déjà des tests de grossesse.

Une dérogation contestée, la fin d'un monopole

C'est surtout la victoire d'un long lobbying de la grande distribution. En avril 2021, les patrons des groupes avaient déjà réclamé au moment du lancement des autotests en pharmacie, de pouvoir en vendre, à grand renfort de tribunes et de passages dans les matinales radio.

De l'autre côté, les pharmaciens dénoncent surtout la disparition de leur rôle de conseil avec cette vente en libre-service. "Mes confrères se sentent trahis par le gouvernement", a réagi auprès de l'AFP Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF)

Plusieurs syndicats ont signé un communiqué commun avec l'Ordre des pharmaciens qui qualifie le choix du gouvernement d'"incompréhensible et risqué pour la santé publique". "Les autotests ne doivent pas être confondus avec les tests de dépistage, car ils ne permettent pas le traçage et le criblage", rappellent-ils.

Le gouvernement a pour sa part justifié sa décision par l'explosion de la demande de tests pendant les fêtes et l'importante circulation du virus. "C'est une dérogation, mais en aucun cas cela ne doit contrevenir dans la durée à la question du monopole pharmaceutique pour les dispositifs médicaux", a assuré mercredi le ministre de la Santé Olivier Véran à l'Assemblée nationale. Et de promettre que cette autorisation "prendra fin au plus tard à la fin du mois de janvier".

(Avec AFP)

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Commentaires 3
à écrit le 30/01/2022 à 10:24
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Et les pharmaciens sont ont train de nous piller a tous... normale de leur point de vus !

à écrit le 07/01/2022 à 15:34
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Un vrai pactole pour les pharmacies qui doivent comme les labos bénir Mme Covid

à écrit le 07/01/2022 à 10:14
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Les masques sont un moyen de protection banal qui sont utilisés dans de nombreuses activités aux ambiances nocives, poussiéreuses, chimiques, vendus par de nombreuses entreprises autres que les pharmacies. Les masques ne sont que des EPI, pas des pr...

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