Taxe rose : le gouvernement va s'attaquer aux stratégies marketing

Par Marina Torre  |   |  894  mots
Parmi les requêtes inscrites dans la loi Macron figure la remise d'un rapport sur les "conséquences du marketing différencié en fonction du sexe, les écarts de prix selon le sexe du consommateur et les inégalités pensant sur le pouvoir d'achat des femmes et des hommes"
Les femmes payent-elles vraiment plus chers leurs produits et service ? Pas si sûr, si l'on en croit un rapport de la DGCCRF et la SDFE remis ce vendredi au Parlement. Mais le gouvernement compte tout de même se pencher sur les effets des stratégies marketing différenciées selon le genre.

Hommes et femmes, tous égaux... devant les inégalités de prix. Les segmentations marketing entraînent un surcoût, parfois au détriment des femmes, et parfois à celui des hommes. Ainsi se résume le rapport de la Direction générale de la Consommation et du Service des Droits des Femmes et de l'Egalité remis ce vendredi aux parlementaires par les secrétaires d'Etat au Commerce et au Droit des Femmes, Martine Pinville et Pascale Boistard. Elle fait suite à une demande d'évaluation formulée dès novembre 2014 et même inscrite dans la loi Macron d'août 2015.

Changer une serrure, déménager, se faire dépanner

Dans le détail, les prix de déodorants, de rasoirs jetables et de produits hydratants pour la peau ont été étudiés grâce à des données issues de tickets de caisses dans les enseignes de la grande distribution. Le document conclut que, si certains sont parfois « plus chers » quand ils sont destinés aux femmes que lorsqu'ils sont conçus « pour des hommes » (et inversement), cela n'est pas le cas pour toutes les catégories de produits, ni toutes les gammes de prix.

D'éventuelles différences de prix pratiquées selon le genre du client ont par ailleurs été évaluées dans le domaine des services. Ce, grâce à des demandes de devis effectués par téléphone à Paris et Lyon pour un dépannage de voiture, un déménagement et un devis de réparation de serrures. Là non plus les « biais de genre » ne seraient pas évidents. La majorité des devis de serruriers présentaient par exemple des tarifs identiques que le commanditaire soit un homme ou une femme. Tandis que 19% comptaient faire payer les femmes plus cher, et, dans la même proportion, le prix proposés à des hommes étaient plus élevés.

Dans les autres catégories une corrélation entre le sexe de l'interlocuteur et un éventuel surcoût ne peut pas non plus être prouvé. Il pourrait cependant être objecté que, dans des conditions réelles, et donc en face à face, les résultats sont potentiellement différents.

Calcul complexe

Il faut dire que cette vérification tenait du casse-tête. D'autres organismes indépendants ont également tenté d'évaluer ces écarts sur lesquels des législateurs californiens s'étaient déjà penchés dès les années 1990. A Bercy, la définition d'une méthodologie jugée adéquate a elle-même pris du temps.

>> La "taxe rose", une donnée introuvable ?

Principale difficulté: dans le cas des produits d'hygiène, ceux destinés de façon plus ou moins explicite aux hommes ou aux femmes sont parfois fabriqués de façon différente, et impliquent donc des coûts différents. Ce qui peut conduire à des écarts de prix sur le ticket de caisse.

Stratégies marketing

C'est justement la conception même de stratégies marketing différenciantes qui est au coeur du problème. Les auteurs du rapport notent ainsi que:

"Les produits faisant l'objet de campagnes publicitaires ciblées (vers les femmes ou vers les hommes) sont susceptibles d'être affectés d'un surcoût, expliqué principalement par des objectifs de mercatique ou bien par la mise en œuvre de stratégies de communication ciblées, le coût devenant ainsi un élément de différenciation justifiant les qualités revendiquées.

Cela est particulièrement vérifiable pour des produits dits « de beauté » traditionnellement et majoritairement achetés par un public féminin comme les produits hydratants ; les fabricants vont alors chercher à se distinguer les uns par rapport aux autres (par l'innovation, la formulation ou la présentation) et une tendance marquée à un coût plus élevé visant un niveau  'premium' "

Martine Pinville compte saisir le Conseil national de la consommation (CNC) afin d'étudier plus en détail ces stratégies. Au delà des questions de prix, distributeurs, fabricants, associations de défense des consommateurs et des droits des femmes plancheront plus largement sur la communication. Ce, notamment dans le domaine des jouets où la division entre catégories "fillettes" et "garçons" serait susceptible d'entraîner une "pression sociale" à l'achat d'objets supplémentaires.

>> Jouets pour enfants : sous le sapin, le genre

En finir avec les rayons "hommes et femmes"?

Une pétition du collectif Georgette Sand a soulevé la problématique de la "taxe rose" fin 2014. Cette association féministe a déjà obtenu des parlementaires qu'ils votent une réduction de la TVA sur les produits d'hygiène féminine, non sans difficulté.

>> Les députés suppriment finalement la "taxe Tampon"

Tout en maintenant que, pour certain produits, il existe bien une "taxe rose", ce collectif souligne aussi les inégalités défavorables aux hommes mis à jour dans ce rapport. "Nous sommes un peu déçues que le cas des salons de coiffures et des pressings soient absents de ce rapport. Ils ont pourtant fait l'objet d'une législation aux Etats-Unis qui est d'ailleurs citée dans le document", commente une représentante de Georgette Sand. Au CNC, où le collectif a demandé à être auditionné, ce dernier compte notamment demander la réduction voire la suppression des rayons "hommes" et "femmes" dans les rayons des grandes surfaces.

(Article créé le 18/12/2015 à 13:18, mis à jour à 14:22)