Europcar se crashe en pleine transformation stratégique

Le loueur de voitures a été frappé de plein fouet par la crise du coronavirus au moment même où il accélérait la mutation de son modèle économique. Europcar Mobility Group pourrait être contraint de réajuster certains volets de cette feuille de route s'il veut accéder à un refinancement salutaire pour l'entreprise...
Nabil Bourassi
(Crédits : REGIS DUVIGNAU)

À vrai dire, il n'y avait aucune raison que la tempête du coronavirus épargne Europcar... Après avoir mis à genoux l'industrie du transport aérien, il était logique qu'elle mette en difficulté le loueur de voitures dont l'activité est également très corrélée à l'activité touristique et aux voyages d'affaires. Confrontée à la fermeture forcée de l'essentiel de son réseau sur son marché domestique (Europe de l'Ouest) du fait des mesures de confinement obligatoire, l'entreprise dirigée par Caroline Parot fait l'objet d'une longue littérature des marchés financiers, inquiets sur l'évolution de sa trésorerie. Dès le mois de mars, les agences financières et brokers ont commencé à dégrader leur appréciation sur le profil crédit du célèbre loueur, et ce, en dépit des mots rassurants de son principal actionnaire, Eurazeo, revenu sur ses intentions, affichées l'an dernier, de quitter le navire pour stabiliser l'entreprise en pleine tempête.

Un titre en chute libre

Mardi, Europcar s'est dit proche d'un accord avec un pool bancaire pour une ligne de crédit garantie par l'État autour de 220 millions d'euros. Le groupe est en discussion avec d'autres gouvernements européens. Il vient ainsi d'obtenir un prêt de 36 millions d'euros en Espagne - où Europcar est très présent depuis le rachat de GoldCar en 2017 - pour l'aider à refinancer ses activités locales. Cette annonce a permis de circonscrire l'incendie en Bourse, et au titre de reprendre 7,3% sur la seule journée de mercredi... Oui mais le mal a été fait. Le titre est en chute libre depuis le début de l'année (-67%), et l'action ne valait plus que 1,68 euros mardi en clôture.

Il faut dire aussi que les marchés étaient déjà prudents sur le titre depuis un avertissement sur résultat publié en octobre dernier. Le groupe avait alors expliqué qu'il ne pourrait tenir ses objectifs après la défection de la clientèle britannique qui, refroidie par un Brexit incertain et à l'agenda flou, avait été peu incitée à programmer des vacances loin de ses frontières lors de la période estivale. Un manque à gagner certain, en sachant que cette population est friande de vacances au bord de la côte méditerranéenne.

Vers des réajustements stratégiques ?

Pour Caroline Parot, cette crise pourrait bien remettre en cause son ambitieuse stratégie de transformation engagée début 2018, ou tout du moins son rythme de déploiement. Rebaptisée Europcar Mobility Group à l'occasion de cette refonte stratégique, l'entreprise a élaboré un plan en trois points. L'internationalisation d'abord, avec le rachat de l'espagnol GoldCar en 2017. Cette acquisition devait également permettre au groupe d'accentuer la montée en gamme de l'enseigne Europcar tandis que la nouvelle filiale était en charge d'une offre plus entrée de gamme. Le rachat de Fox Rent en 2019, un petit acteur américain mais plutôt bien positionné sur les aéroports, permettaient à Europcar de s'implanter aux États-Unis, un marché réputé verrouillé.

Second volet de cette stratégie de transformation, la politique de digitalisation avec de nouvelles applications optimisées sur smartphone. Le loueur n'avait pas encore complètement achevé cette stratégie puisque le passage au comptoir prédominait encore largement, là où ses concurrents avaient acquis une longueur d'avance. Europcar s'apprêtait toutefois à dévoiler un plan pour accélérer sa digitalisation, mais il a été suspendu par la crise du coronavirus.

Enfin, dernier volet, Caroline Parot a enclenché la vitesse supérieure dans la stratégie de diversification à travers une série de rachats startups liées aux nouvelles mobilités (Ubeeqo, Brunel (VTC) ou Scooty) ou des prises de participation (SnappCar qui vient de racheter LeCab, ou Wanderio). Problème : le modèle des mobilités alternatives n'est pas encore rôdé et les startups consomment encore beaucoup de cash en développement.

Des fonds montent dans le capital

Pour Europcar, le refinancement à travers un prêt garanti par l'État - qui pourrait être annoncé dans les prochains jours - permettra de faire baisser la pression du marché, et de retrouver une marge de manœuvre financière, mais le flou est total quant à la reprise de l'activité. Europcar pourrait ainsi apporter des gages aux banques en passant en revue ses actifs. D'après certaines sources de marché, Europcar pourrait ainsi revoir son approche sur les nouvelles mobilités et éventuellement se séparer de certains actifs jugés non stratégiques.

Le 23 mars, le groupe avait pourtant déjà annoncé un cortège de mesures d'économies : réduction de la flotte, chômage partiel, renégociation des contrats avec les fournisseurs, gel des investissements...

Le fait qu'Eurazeo pérennise sa participation de 30% dans le capital permet également d'éloigner des fauteurs de troubles qui pourraient parier sur une consolidation du secteur ou un démantèlement. Le fonds CIAM a néanmoins monté sa participation et serait proche des 10% du capital. Cela fait plusieurs mois que le fonds augmente sa part chez Europcar estimant que la valeur est sous-valorisée. Avec la crise du coronavirus, il est vrai qu'à 275 millions d'euros de valorisation boursière, Europcar (qui a tout de même pesé 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2019) reste ainsi comme une belle pépite fragilisée...

Nabil Bourassi

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Commentaires 4
à écrit le 01/05/2020 à 4:21
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Louer un vehicule chez e. c, c'est s'exposer d'une facon ou d'une autre a une surfacturation. Eraflure, niveau d'essence etc.., n'importe quel pretexte... a eviter.

à écrit le 30/04/2020 à 14:26
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Je serai le dernier à les pleurer s'ils disparaissent après avoir été victime d'une tentative d'escroquerie de leur part en Ecosse. Small n'est pas toujours beautiful, mais big can be vraiment ugly !

à écrit le 30/04/2020 à 9:29
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Face à la concurrence Europcar est appelé à disparaître si leurs prix de location ne sont pas revus à la baisse.

à écrit le 30/04/2020 à 9:20
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Plus de tette, plus de graisse, plus d'inertie et moins de vie.

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