Tourisme : les Français plébiscitent les destinations refuges

Par Marina Torre  |   |  984  mots
L'Espagne et en particulier les Baléares, les Canaries (photo ci-dessus) mais aussi la Grèce apparaissent comme des destinations très plébiscitées.
Un mois après les attentats de Paris, les tours-opérateurs français accusent le coup, dans un contexte déjà marqué depuis plusieurs mois par un reflux touristique vers des destination sans risque, comme l'Espagne ou la Grèce, et une transformation numérique avec laquelle ils tentent de composer. Le point.

Très léger frémissement. Les tour-opérateurs constatent depuis "six à huit jours" une amélioration relative de leur activité. Mais il n'en a évidemment pas été de même au cours des semaines qui ont suivi les attentats du 13 janvier à Paris. Des événements affectent bien sûr le tourisme en France et en particulier dans la capitale, mais qui ont aussi eu, plus largement, un impact sur les choix des Français en matière de consommation de voyages, et ce surtout vers l'étranger, accélérant un mouvement déjà en cours depuis plusieurs mois.

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"Il y a eu cette période de traumatisme total sur la demande qui était logique et que l'on retrouve dans tous les secteurs, et de façon beaucoup plus importante sur le haut de gamme. On voit des hôtels parisiens à 30% d'occupation aujourd'hui", a ainsi relevé René-Marc Chikli, le président du Seto, le syndicat du tour-opérating face aux membres de ce dernier, rassemblés à Lyon les 15 et 16 décembre pour un congrès annuel.

Dans les jours qui ont suivi ces attentats, les esprits n'étaient évidemment pas aux réservations de voyage. Aussi, plus largement, les professionnels du voyage qui proposent forfaits, circuits ou séjours à la carte pour des groupes ou des clients individuels ont-ils dans l'ensemble constaté des chutes d'activité "de l'ordre de 15 à 20% en moyenne" et pouvant même aller jusqu'à 50% pour certains.

Des voyages qui rapportent moins

Une exception toutefois : les séjours dans les établissements proposant spas ou thalassos ont très vite été à nouveau très prisés selon un spécialiste de ce type de formules. Il en avait été de même la suite des attentats de janvier 2015 en France.

Mais à part cette illustration, peut-être d'un besoin de bien-être et de réconfort qui ne répond de toute façon qu'à une part marginale de la demande de voyages, l'ensemble du secteur accuse le coup. Au mois de novembre, pour les principaux voyagistes français, la recette unitaire de chaque départ par voyageur a ainsi chuté de 5,3% en moyenne, diminuant de 8,3% pour la France à 291 euros, et de 1,4% pour le long courrier (à 2235 euros) mais augmentant encore de 2,1% pour les moyens courriers à 688 euros.

Cela fait suite à une année déjà marquée par la baisse de l'activité. Au total, le volume d'affaire des producteurs de voyages (qui parfois en distribuent aussi en direct) a chuté de 6,4% entre le 1er novembre 2014 et le 31 octobre 2015. Leur chiffre d'affaires total est désormais évalué à 4,67 milliards d'euros.

La Tunisie désertée

Là encore, toutes les destinations et tous les opérateurs ne sont pas logées à la même enseignes. Premiers affectés : les destinations touristiques d'Afrique du Nord (Tunisie, Egypte, mais aussi Maroc et Turquie). Ce n'est ni une surprise, ni une nouveauté. Mais la chute est plus forte que jamais et elle touche des voyagiste français qui étaient historiquement très présents dans ces pays.

En Tunisie en particulier, le reflux est particulièrement vif, touchant plus de la moitié du trafic, voire même davantage. Face aux tour-opérateurs, Wahida Jaiet, directrice pour la France de l'Office national du tourisme tunisien a tenté de plaider la cause de son pays:

"C'est vrai que la situation est pénible, qu'il y a encore beaucoup à faire. (...) Faire de publicité institutionnelle serait jeter de l'argent par les fenêtres. En revanche, la Tunisie a quelque chose d'important que l'on ne peut pas ne pas lui reconnaître c'est ce qu'elle défend en matière de démocratie et de paix. On vient d'avoir le prix Nobel, ce n'est pas peu. Cela illustre la volonté d'un peuple qui se bat pour se positionner dans une région difficile, marquée par des turbulences et des menaces dont nous avons fait les frais encore récemment."

Plusieurs opérateurs s'inquiètent également pour le Maroc, pourtant moins concerné par les perturbations politiques à la suite des Printemps arabes.

Des destinations refuges engorgées

Conséquences: il faudra s'attendre, dans les prochains mois, à des hausses de prix sur certaines destinations. Car l'Espagne et en particulier les Baléares, les Canaries mais aussi la Grèce apparaissent comme des destinations très plébiscitées. Mais ce sont des terrains déjà très pris d'assaut par d'autres visiteurs, notamment les Britanniques ou les Allemands.

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"Contrairement aux Français, les Britanniques s'y prennent bien plus longtemps à l'avance pour réserver leurs vacances",  souligne Pascal de Izaguirre, le patron de Tui France. "Il y a aussi le marché russe qui cherche à se rapatrier sur l'Espagne", ajoute-t-il.

Comme les lieux d'hébergement, eux, sont disponibles en nombre limité, cela risque d'influer sur les niveaux de prix. Et ce d'autant plus que les voyagistes tiennent à préserver leurs marges.

Numérique et concurrence

Ce, d'autant plus que, plus encore que d'autres secteurs, le tourisme connait une profonde recomposition de son modèle de distribution depuis l'irruption du numérique. Désormais près de la moitié des achats de voyage (comprenant transport, hébergement, transferts et activités) sont réalisés en direct par les consommateurs via des comparateurs en ligne etc. Il y a encore quelques années, ils n'étaient que 25%.

Dans ce contexte se greffe en outre des mouvements telles que l'acquisition tumultueuse de Fram par Karavel- LBO France. Ce qui a donné l'occasion à la concurrence et notamment celle de Tui, de tenter de regagner du terrain en signant par exemple des partenariats avec des hôtels et des agences de voyage autrefois dans le giron du voyagiste toulousain observent plusieurs professionnels du secteurs.

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