Des blogueurs stars à la rescousse du tourisme parisien

Ben Southall et son épouse Sophee ont fait escale dans la Ville Lumière un mois après les attentats. Un détour programmé par un site de réservation français, alors que le secteur du tourisme parisien souffre depuis le 13 novembre dernier...
Marina Torre
Ben Southall et son épouse Sophee, lors d'un voyage au Maroc. Tous deux ont fait de leurs récits de voyages un business grâce à leurs publications sur des blogs et sur les réseaux sociaux.

Ben Southall a fait bien des envieux sur la planète. En 2009, ce Britannique a en effet décroché le "meilleur job du monde": gardien d'une île paradisiaque en Australie. Mais ce n'était qu'un CDD. Depuis, il a quitté son île et il parcourt le globe en compagnie de Sophee McPhee, une australienne qu'il a épousé en 2012. Tous deux racontent leurs périples sur leurs blogs respectifs et alimentent des comptes Instagram, Twitter ou Facebook. En cumulant l'ensemble de leurs abonnés sur chacun de ces supports numériques, il comptent 80.000 lecteurs chaque mois (sans doute moins si l'on déduit les personnes abonnées aux deux comptes).

Trois nuits à Paris

Font-ils pour autant des milliers d'adeptes? Un site de réservation en ligne français y croit. Sur leur chemin vers le Royaume-Uni - où le couple compte passer les fêtes de Noël - ils ont fait un crochet par Paris à l'invitation de MyRoomIn. Les responsables de ce site créé en juillet 2015 les ont invité à passer trois nuits dans deux hôtels parisiens.

"Elisa, la gagnante française du concours du 'meilleur job du monde' nous incitait à venir depuis longtemps", raconte Ben Southall. C'est par l'entremise de cette française partie faire la promotion du Queensland en 2013 que la plateforme en ligne est rentrée en contact avec le couple. "Ses équipes nous ont expliqué que c'était une belle opportunité de venir et de raconter ce qui se passe vraiment ici à Paris", ajoute-t-il.

Aux frais de la princesse

L'opportunité en question, c'était aussi celle de dormir gratuitement à l'Astor St-Honoré (Paris VIIIe), qui appartient au groupe Hilton puis à l'Hôtel Sezz (XVIe) où, à cette période de l'année, la nuit coûte entre 160 et 680 euros selon les catégories et promotions diverses. Plusieurs activités ont également été suggérées au couple.

Au programme de leur court séjour : une dégustation de fromages, une visite aux Puces de Saint-Ouen ou encore un tour dans un "bar à chats" (sorte de café d'un nouveau genre où les clients sont censés se détendre grâce aux ronronnements des félidés en liberté dans les locaux. Il en existe plusieurs à Paris.)

MyRoomIn et ses clients espèrent bien sûr des retombées en échange de ce séjour tous frais payés, grâce aux publications des deux blogueurs. Tout en affirmant que ces messages ne leurs sont pas dictés, ni même relus avant publication, Antoine Collas, responsable digital du site - et lui aussi blogueur - reconnaît qu'il s'agit bien là d'un "partenariat". C'est même avec ce type d'accords que Ben et Sophee Southall financent en partie leurs excursions.

 "Il n'y a pas de contrat, pas d'argent à la clé. En partenariat avec les hôteliers, nous assumons simplement le fait de mettre des chambres à disposition", assure Antoine Collas.

Reste que la rédaction de leurs billets laissent bien peu de place à ce hasard qui guide habituellement les récits de voyage. Sophee a déjà twitté sa "joie" d'avoir trouvé ces deux chambres. Et tandis que son mari publiera à l'attention d'un lectorat essentiellement masculin un "guide sur les activités à faire quand on est un homme à Paris", elle se chargera de raconter les expériences "authentiques" vécues lors de leur visite. Il sera aussi question des raisons éventuelles "de choisir cette destination". la note de Sophee s'attachera ainsi à répondre aux "questions que nos lecteurs peuvent se poser" sur la ville.

Quelles qu'aient pu être les circonstances, ils auraient probablement fait escale dans la capitale française à un moment où un autre. Mais il se trouve que ce détour a été programmé après les attentats du 13 novembre. Et dans ces circonstances, cette publication résonnera sans doute de façon singulière.

"Nous avons visité le Nepal peut après le tremblement de terre, nous sommes aussi allés au Pakistan à un moment où tout le monde nous disait que c'était dangereux, nous nous sommes rendus au Congo, au Nigéria... des lieux qui font les gros titres sur des sujets inquiétants. Mais une fois sur place on se rend compte que la réalité est bien différente. Les gens font preuve d'une gentillesse spontanée", raconte Ben Southall.

Sur les réseaux sociaux ou les comparateurs en ligne, d'autres internautes étrangers se sont fait les ambassadeurs de la ville en tenant un même discours dédramatisant (comme par exemple cette prolifique contributrice new-yorkaise de TripAdvisor). Mais la plupart semblaient surtout s'enquérir des conditions d'annulation et de la perte des arrhes versées le cas échéant. Tandis que peu après les attentats, la presse internationale y est allé de sa propre réponse à la question "peut-on voyager en sécurité à Paris?"

Pick-pockets

Ce média nord-irlandais publiait ainsi le témoignage d'un touriste qui a payé 10 euros son billet d'avion aller-retour.  Moins angélique, le quotidien hong-kongais South China Morning Post rappelait tout de même que les compagnies d'assurance ne couvrent pas toutes les risques d'attentats. Le britannique Daily Telegraph de son côté indiquait que le ministère des affaires étrangères britannique attribue à la France, mais aussi l'Espagne et la Turquie la même note que la Libye et l'Irak en ce qui concerne le risque terroriste. La note du ministère mise à jour le 12 décembre rappelle néanmoins que, statistiquement en France, le risque le plus élevé pour les touristes britannique, est celui de se faire dérober des affaires par des pick-pockets.

Reste qu'en dépit de messages répétés sur les renforcements de la sécurité - et même si les lieux culturels ont très vite rouverts leur portes - Paris fait bel et bien peur à une partie des voyageurs. En témoigne la baisse de fréquentation des hôtels, (voir graphique ci-dessous), les annulations de réservation ou les reports de séjour signalés depuis un mois.

Comme le montre ce graphique tiré d'une étude MKG Hospitality transmise par l'Office du Tourisme de Paris, le taux d'occupation des chambres de la capitale reste bien inférieur à celui de la même époque l'année précédente, même si l'écart semble se réduire. Seule exception: le week-end du 29 novembre, date du début de la COP21, quand les chefs d'Etats et de gouvernements de plus de 150 pays se sont réunis au Bourget. Plusieurs observateurs interrogés par la Tribune disaient surveiller de près les retombées de cette conférence. Difficile de tirer des conclusions puisque les toutes les données jusqu'à la clôture le 12 décembre ne sont pas disponibles. Mais il semble que la chute du taux de fréquentation ne se soit que très modérément réduite depuis.

Afin de gérer la baisse d'activité induite, la cellule de continuité économique de Bercy s'est à nouveau réunie la semaine dernière. Des mesures ont déjà été annoncées comme des possibilités de délai de versement des cotisations sociales pour les petits établissements. Lors du conseil des ministre du 25 novembre, le gouvernement a souligné que:

"Le travail de fond entamé depuis deux ans autour de la promotion de la destination France doit être non seulement poursuivi mais amplifié. Les rendez-vous de la COP 21 et de l'Euro 2016 seront déterminants pour convaincre l'Europe et le reste du monde que la France, première destination touristique, incarne les valeurs d'accueil et d'hospitalité."

Cette promotion de la destination se traduit donc déjà par l'accueil gracieux de blogueurs, histoire, qui sait, de rentabiliser des nuitées qui, de toutes façons, auraient été perdues. Un pari pas vraiment risqué pour vanter une destination qui, disputant déjà à Londres et Bangkok le titre de première au monde, a su trouver dans l'histoire des plumes autrement plus influentes pour en louer les attraits.

Marina Torre

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