SNCF : la hausse de TVA sur les billets fragilise davantage le TGV

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  1183  mots
Le trafic TGV est en baisse en 2013 (Crédits : © 2009 AFP)
Le passage de la TVA sur les transports de 7 à 10% en 2014 est notamment un coup dur pour le TGV, déjà en difficulté. En 2013, son trafic et son chiffre d'affaires seront en recul. La valeur du parc TGV devrait être une nouvelle fois dépréciée de plus de 800 millions d'euros.

« On a les bou... Cela me ferait mal que l'on dise que la SNCF augmente ses tarifs alors que c'est l'Etat qui augmente son impôt ». En fin de semaine dernière, à l'occasion de son séminaire de presse annuel, Guillaume Pepy, le président de la SNCF, s'est empressé de prendre les devants en anticipant les grognements des voyageurs face à la hausse de 3 points de la TVA sur les transports en 2014. En dédouanant la SNCF de cette hausse des tarifs ferroviaires à venir, Guillaume Pepy a cherché à désamorcer une énième polémique sur la cherté des prix de la SNCF, laquelle a été une nouvelle fois pointée du doigt vendredi par la CLCV, une association de voyageurs. Or, en l'espèce, la SNCF se serait bien passée du passage de 7 à 10% de la TVA sur les titres de transport au 1er janvier. Au regard de la conjoncture, elle l'empêche d'augmenter ses tarifs comme elle le fait chaque année pour compenser l'inflation. « Si la TVA augmente de 3 points, la SNCF n'augmentera pas ses tarifs pour la première fois depuis longtemps. La SNCF va se manger l'inflation 2014 », a déclaré Guillaume Pepy.

Morosité économique 

Pour le consommateur, les prix vont bien progresser l'an prochain, mais la responsabilité de la hausse incombera à l'Etat. «  Reste une question, s'interroge Barbara Dalibard, directrice générale de SNCF Voyages : « le client va-t-il l'accepter ? ». Pas sûr. Il y a une grosse différence entre la valeur faciale des tarifs et la réalité des prix payés. En 2013, la SNCF avait décidé d'augmenter les prix de 2,3%. Dans les faits, le prix moyen des billets n'a progressé que de 0,5%. Depuis plusieurs années, les prix augmentent moins vite que l'inflation. Difficile en effet avec la morosité économique d'augmenter les prix sans risquer d'impacter le trafic.

Recul du trafic TGV

Surtout pour les TGV. Déjà mal en point, leur situation se complique. Après un recul de 0,5% en 2012, le trafic TGV est en baisse depuis le début de l'année de 1 à 3% selon les mois, malgré une augmentation de l'offre en sièges liée à la mise en place en avril de Ouigo, les TGV « low-cost » au départ de Marne-la-Vallée. Contrairement à l'an dernier, le chiffre d'affaires TGV est lui aussi en recul ; une performance qui va contenir de l'activité de l'ensemble du groupe à un niveau stable (entre 0 et +1%) en deçà de l'objectif d'une hausse de 2,4%. La mauvaise météo au printemps et les catastrophes ferroviaires de Brétigny et en Espagne en juillet ont impacté le trafic cet été, mais le TGV souffre surtout d'une tendance de fond liée à la conjoncture économique. Les déplacements loisirs sont frappés par le recul du pouvoir d'achat quand les entreprises serrent la vis des budgets voyages.

La concurrence des low-cost aériennes

A cela s'ajoute la concurrence  du transport aérien. « Le TGV est en concurrence de plus en plus vive avec les low-cost qui se développent fortement sur le réseau intérieur français. L'avion progresse plus vite que le train en France en voyages-kilomètres », observe Sophie Boissard, la directrice générale déléguée en charge de la stratégie et du développement de la SNCF. L'offensive des compagnies à bas coûts étrangères comme Easyjet, Vueling ou Volotea, mais aussi du groupe Air France (Hop inclus), même si la SNCF ne le cite pas, se situe essentiellement sur les lignes entre les villes de province. Et fragilise les TGV intercités. Même si les volumes de trafic aérien sont sans commune mesure avec ceux des TGV, « il n'en faut pas beaucoup pour faire plonger certaines lignes dans le rouge », fait remarquer Sophie Boissard, « car notre modèle repose sur des trains pleins ». En effet, pour rentabiliser un parc de TGV très important (400 rames), les taux de remplissage doivent être élevés. Aujourd'hui sur les 180 lignes TGV « origine-destination », entre 80 et 100 sont déficitaires.

Dépréciation du parc TGV

Au final, la marge du TGV se dégrade. Elle n'était plus que de 12% (hors investissements) en 2012, loin du seuil des 15-16% nécessaires pour conserver de manière rentable le périmètre actuel du TGV. Conséquence de ce tableau peu reluisant : la valeur du parc TGV, dépréciée de 700 millions d'euros en 2011, risque d'être une nouvelle fois revue à la baisse. Elle pourrait en effet être dépréciée cette fois-ci de plus de 800 millions d'euros, selon Mathias Emmerich, le directeur financier de la SNCF. Imposé par les normes IFRS, « ce jeu d'écritures comptable n'engendrera pas de sortie de cash, rappelle Mathias Emmerich. Pour autant, le signal donné est fort : il ne faut pas investir dans cette activité ». Comme le rappelle Sophie Boissard, cette dépréciation d'actifs indique « que sur la durée de vie de chaque rame, les cash flow sont insuffisants pour justifier le coût d'acquisition (entre 25 et 30 millions d'euros par rame) ». Et qu'il est préférable d'exploiter un certain nombre de lignes par d'autres trains que des TGV. A moyen terme, le parc TGV de la SNCF pourrait donc baisser. « Peut-être de 50 rames d'ici à une dizaine d'années », estime Mathias Emmerich. Cette baisse de capacité pourrait être compensée par un développement de l'offre Ouigo, dont les trains roulent deux fois plus que les TGV classiques (ce qui leur permet d'afficher des coûts de production inférieurs de 30%).

 TGV du futur

Dans ce contexte peu reluisant, la SNCF demande des TGV plus performants. « Nous sommes demandeurs d'une nouvelle génération de TGV pour ses moyens propres et l'export à l'horizon 2017-2018-2019. Le cahier des charges est très simple : que ce TGV permette au modèle TGV de vivre », précise Guillaume Pepy.

 La baisse d'activité serait plus forte encore si la SNCF ne tirait pas ses prix à la baisse. Contrairement à 2009, où elle avait répondu à la crise par une optimisation de ses recettes pour tenter d'augmenter le prix moyen coupon, l'entreprise multiplie cette fois les offres à bas tarifs.

25% des petits prix en 2017

Alors que les petits prix (de 30 euros ou moins) représentent habituellement 12% des billets, ils sont montés à 14% cet été, et même à 18% en tenant compte de Ouigo et IDTGV (l'offre loisirs longue distance). Et la SNCF va continuer cette stratégie. « Nous comptons atteindre 25% en 2017, à l'issue du plan Excellence 2020 », explique Guillaume Pepy. « Mais pour vendre moins cher, il faut produire moins cher », ajoute-t-il. La SNCF a lancé deux plans de réductions de coûts. Le premier, sur les frais de structure, vise à économiser 700 millions d'euros entre 2013 et 2015. La SNCF est en avance. Cette année, l'objectif de 150 millions d'économies est déjà atteint et la direction table sur 180 millions. Le second plan, qui vise à augmenter la compétitivité industrielle de la SNCF, table sur 1,3 milliard d'euros d'économies d'ici à 5 ans. Des efforts inédits dans l'entreprise. Ils sont pourtant nécessaires pour affronter l'arrivée de la concurrence sur le réseau domestique à partir de 2019.