Ben Smith, le nouveau patron d’Air France-KLM entre enfin dans l'arène

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  893  mots
Le nouveau patron d'Air France-KLM Benjamin Smith. (Crédits : Reuters)
Le nouveau patron d'Air France-KLM Benjamin Smith prendra ses fonctions le 17 septembre. Il est attendu par les syndicats d'Air France pour reprendre les négociations salariales.

Ben Smith, le premier directeur général étranger d'Air France-KLM prend ses fonctions. Un mois après sa nomination le 16 août dernier, laquelle fut émaillée de polémiques sur le triplement potentiel de sa rémunération par rapport à son prédécesseur (plus de 4 millions d'euros) et de son parachute doré du même ordre de grandeur, Ben Smith arrive enfin dans l'arène. L'ancien numéro deux d'Air Canada âgé de 46 ans prendra officiellement, lundi 17 septembre, les commandes du groupe aérien français.

Lire aussi : Ben Smith, le nouveau patron canadien d'Air France-KLM, arrive en terrain miné

Son arrivée referme ainsi une période de quatre mois de crise de gouvernance provoquée par la démission le 15 mai de Jean-Marc Janaillac, à la suite de son référendum perdu sur sa proposition salariale pour mettre fin aux grèves lancées par l'intersyndicale pour une revalorisation générale des salaires. Mais les problèmes à régler sont énormes pour faire à nouveau d'Air France-KLM un acteur majeur du transport aérien mondial, capable de résister à un retournement de cycle, contrairement à ce qu'il s'était passé en 2008-2009.

Trouver une issue sur les salaires, un préalable

Pour faire fonctionner le  groupe, Ben Smith devra apaiser les tensions entre Air France et KLM et remettre dans le sens de la marche Air France, qui, depuis quatre ans, vit dans le conflit permanent. Ce sera son défi. Celui sur lequel se sont cassé les dents ses deux prédécesseurs, Alexandre de Juniac et Jean-Marc Janaillac. Sous leur présidence, près d'un milliard d'euros ont été brûlés en grève, sans que celles-ci aient débouché sur une avancée structurelle en termes de compétitivité.

D'emblée, Ben Smith devra trouver une issue à ce conflit salarial. C'est un préalable obligatoire avant de se pencher sur des sujets stratégiques comme le développement de Transavia, la restructuration de HOP, et la réponse à trouver pour répondre aux low-cost long-courriers.

Des syndicats remontés

La tâche s'annonce compliquée. Il n'y aura pas d'état de grâce. Même s'ils ont calmé le jeu en ne lançant pas de grève de bienvenue comme ils menaçaient de le faire, les syndicats ne lui feront pas de cadeau. Ils ont cette nomination en travers de la gorge. D'une part parce qu'ils soutenaient un autre candidat, le Français Thierry Antinori, un ancien d'Air France puis de Lufthansa, aujourd'hui chez Emirates depuis 2010. Et d'autre part, parce qu'ils redoutent au plus haut point la nomination de ce dirigeant de culture anglo-saxonne, avec tout le pragmatisme et la brutalité que cela peut impliquer.

Lire aussi : 4,5 millions d'euros, c'est le montant du parachute doré du PDG d'Air France-KLM

La partie essentielle de sa rémunération potentielle étant liée à la réalisation des objectifs fixés (son fixe de 900.000 ne dépasse "que" de 300.000 euros celui de son prédécesseur), Ben Smith sera obligé d'avoir des résultats financiers convenables. Dans ce bras de fer qui s'annonce, le Canadien peut éventuellement compter sur une accélération de l'inflation ces derniers mois pour justifier d'aller au-delà de la dernière proposition de la direction rejetée par référendum qui tablait sur une hausse des grilles salariales de 2 % en 2018, suivie d'une augmentation de 5 % au cours des trois prochaines années (hors augmentation liée à l'ancienneté et hors augmentations individuelles).

Pour autant, il lui sera difficile, pour ne pas dire impossible, de répondre favorablement aux demandes syndicales d'augmentation de 5,1 % qui alourdiraient les coûts structurels de la compagnie de 200 millions d'euros par an (hors GVT). Le Conseil d'administration ne l'a d'ailleurs pas fait venir pour ça.

Elections professionnelles en vue

Le calendrier est complexe. Ben Smith doit tenir compte du paysage syndical et intégrer la perspective des élections au SNPL, le syndicat national des pilotes de ligne, début décembre puis celles des élections professionnelles au printemps. Trouver un accord sur les salaires apporterait une victoire sur un plateau au président du SNPL, Philippe Evain et faciliterait la reconduction de l'équipe dirigeante actuelle à la tête du syndicat. Un scénario que tous les membres de la direction et du conseil d'administration qu'il a vu depuis 15 jours, ont dû lui conseiller d'éviter. Si l'exécutif actuel du SNPL, dirigé par Philippe Evain, est reconduit pour quatre ans, les chances de reconstruire la compagnie sont quasiment nulles, assurent plusieurs observateurs.

Un accord considéré comme trop favorable à l'intersyndicale porterait un coup très dur aux deux syndicats réformateurs, la CFDT et à la CFE-CGC, qui avait accepté la première proposition de hausse salariale de la direction (+1 % hors augmentations individuelles de 1,5 % en moyenne).

"La direction doit se poser la question de savoir avec quels syndicats elle a envie de composer pour les prochaines années", indique un syndicaliste appartenant à l'un de ces deux organisations professionnelles.

Sans surprise, l'équation est donc complexe. Sa résolution permettra de lancer d'autres négociations (notamment les hausses spécifiques pour les pilotes).

Ben Smith va-t-il l'affronter seul ou va-t-il la confier aux responsables d'Air France, dirigée par Franck Terner ? Sans qu'un horizon de temps soit donné, ce dernier va être amené à devoir céder sa place.