Débat Taxis Bleus-Uber : une "pax urbana" en vue entre taxis et VTC ?

Réunir pour une interview croisée les patrons de Taxis Bleus, Yann Ricordel, et d'Uber France, Thibaud Simphal, c'est le défi relevé par La Tribune. Un débat sans concession, mais une vraie contribution à la pacification, pour un avenir plus serein du travail et de la mobilité dans nos villes.
De gauche à droite, Thibault Simphal (Uber France) et Yann Ricordel (Taxis Bleus).

Comment pacifier les relations entre taxis et VTC après les affrontements des derniers mois ? Y a-t-il un juste milieu entre libéralisation et réglementation du secteur du transport de personnes ? La feuille de route proposée par le gouvernement à la suite du rapport du nouveau conciliateur, Laurent Grandguillaume, offre-t-elle enfin une sortie de crise ?

Pour la première fois, deux des principaux protagonistes de la filière, le patron de Taxis Bleus, Yann Ricordel, et celui d'Uber France, Thibaud Simphal, ont accepté, à l'invitation de La Tribune, la voie du dialogue. Ce que même Emmanuel Macron, après l'avoir tenté l'an dernier, n'avait pas réussi à faire... Le résultat donne un débat sans concession, mais où chacun espère trouver un meilleur équilibre et une pacification. L'enjeu : rien de moins que l'avenir du travail et de la mobilité dans la ville.

LA TRIBUNE - Alain Vidalies, le secrétaire d'État aux Transports, désormais chargé de la politique de l'État concernant les taxis, propose une nouvelle « feuille de route » pour la régulation du secteur, avec un fonds de garantie pour le rachat des licences. Cela vous semble-t-il suffisant pour trouver un compromis dans le conflit entre taxis et VTC ?

YANN RICORDEL - Le principe d'un fonds de garantie est une bonne chose pour aider les taxis qui demandent à sortir du surendettement parce qu'ils ont acheté très cher leur licence à un moment où les cartes étaient rebattues dans un secteur en plein bouleversement. Encore faut-il s'entendre sur le champ d'application et les modalités. Mais ce n'est pas pour nous le coeur du sujet. Le fond du problème, c'est l'avenir du secteur du transport de personnes dans la transition numérique. Peut-on faire cohabiter plusieurs métiers avec des statuts différents ? On nous parle d'harmonisation et de rapprochement entre deux professions qui font le même métier. C'est évident, mais, s'il s'agit du même métier, alors il faut instituer les mêmes contraintes et les mêmes prérogatives pour tous. Faut-il par exemple conserver le statut de grande remise pour les chauffeurs de luxe ? Si ce sont deux métiers différents, il faut fixer des règles simples et une concurrence équitable.

Peut-on envisager une fusion des deux professions ?

THIBAUD SIMPHAL - Je pense qu'une fusion n'est pas souhaitable. Le taxi a le monopole de la maraude car c'est un véhicule qui est identifié dans la rue, pour des raisons de sécurité, et qui peut, du coup, prendre des clients à la volée. Les véhicules sur réservation et les VTC ne peuvent pas y prétendre, et personne ne le conteste. Le taxi va donc garder cette spécificité. En revanche, il y a bien, avec la réservation par un smartphone, des points en commun sur le marché de la réservation, mais c'est un marché concurrentiel... Il faut s'interroger sur la manière dont les deux professions peuvent cohabiter.

Le prix de la licence a connu une forte spéculation dans certaines villes, comme Paris et Nice. La solution proposée, les rendre incessibles, est-elle réalisable ?

YANN RICORDEL - Je réfute le terme de spéculation, trop souvent employé pour évoquer les licences. Car le marché n'est pas très liquide. La licence constitue pour les chauffeurs de taxi la capitalisation d'un actif qu'ils vont rembourser pendant dix ou quinze ans, qu'ils vont revendre au bout de quinze à vingt ans. Donc, c'est loin d'être de la spéculation. C'est la possibilité pour certains chauffeurs, qui n'ont pas forcément de diplômes ou de formation, de se constituer un capital pour financer soit leur maison, soit leur retraite. S'agissant de l'incessibilité des licences, elle est prévue depuis la loi Thévenoud de 2014. Toute nouvelle licence émise depuis 2015 est incessible. Il reste un stock de licences, qui est exploité actuellement, et les pouvoirs publics ont fait savoir leur volonté de sortir progressivement de ce système en les « rachetant ». Tous les chauffeurs ne sont pas concernés. Ce sont ceux qui ont acheté au plus cher et le plus récemment qui seraient aidés. Cette mesure risque par conséquent de faire un flop car les représentants des taxis ne sont pas satisfaits. Ils n'attendaient pas une mesure comme celle-ci, mais davantage un accompagnement pour l'avenir, voire une indemnisation. Ils n'étaient pas en attente de sortir de ce dispositif. Néanmoins, il y a un groupe de travail qui s'est constitué et au sein duquel les débats auront lieu et permettront d'asseoir la volonté des pouvoirs publics, et donc du citoyen, et des acteurs existants.

Qui doit payer, telle est en effet la question ?

YANN RICORDEL - Le contribuable n'est pas concerné. On se tourne donc vers les plateformes de mise en relation. Simplement, si on fait un calcul rapide en fonction du marché que représentent les plate-formes aujourd'hui et celui qu'elles représenteront demain, compte tenu de l'évolution des usages, il faudrait quelque chose de l'ordre de 10 euros par commande : qui va les payer ? Le client ? Le chauffeur ? Les plateformes ? Sur quelles marges ? Quelles plateformes pourraient se le permettre ? Cela paraît un peu illusoire. Donc, on voit que nos gouvernants cherchent à arranger un financement qui soit mixte, entre de la relocation de licences et des taxes sur les plateformes... Il faut vraiment poser les chiffres sur la table, parce que ce n'est pas évident de trouver le juste financement pour ce dispositif. Mais c'est une bonne chose d'y travailler et c'est courageux de la part des pouvoirs publics que de poser ce débat-là et de voir comment on peut trouver une évolution au modèle des licences. Le débat sera mené au sein du groupe de travail créé par le gouvernement.

THIBAUD SIMPHAL - Je suis assez d'accord sur le fait qu'il faut maintenant mettre les chiffres sur la table. Et je pense que, pour cela, il faut consulter des experts indépendants qui pourront regarder concrètement, avec les données fournies par le gouvernement sur le stock de licences de taxis existant, ce que cela donne : combien elles valent, quels marqueurs dans le temps et quels critères on utilise pour établir leur valorisation financière.

Et après cela, voir si l'on rachète les licences, si l'on indemnise les chauffeurs, ou si l'on crée un fonds de transition comme Uber et d'autres plateformes l'ont déjà proposé d'ailleurs ?

THIBAUD SIMPHAL - À titre personnel, n'engageant pas Uber sur le sujet, j'imaginerais, en tant qu'économiste, que ce qui a le plus de chances de succès serait la transition dans le temps, plutôt que l'indemnisation. Dans ce dernier cas, il s'agirait d'indemniser quelqu'un qui a acheté une licence, qui à l'origine était une autorisation administrative délivrée à titre gratuit et qui est devenue un semi-actif. Or, on ne peut pas parler d'actif puisque cette dépense n'est pas inscrite au bilan de l'entreprise de taxi, mais elle est devenue de facto quelque chose qui se capitalise, sur quoi le taxi compte pour sa retraite. Sachant cela, veut-on plutôt indemniser, racheter, ou choisit-on une forme de lissage dans le temps, où l'on fournit à un certain nombre de chauffeurs de taxi qui peuvent remplir certains critères, des flux financiers sur cinq, dix, quinze ans, leur permettant, quoi qu'il arrive, de financer leur licence ? Il existe plusieurs méthodes possibles.

Cependant, il y a des chiffres qui peuvent varier du tout au tout. On entend 1 milliard, puis 5 milliards... Vous dites « 10 euros par course » ! Il y a des calculs qui faisaient état plutôt de 1 ou 2 euros, voire de 10 centimes... Je pense qu'il faut faire travailler des économistes sérieux et indépendants sur la question. Il faut une étude, et dire ensuite, concrètement, quelles sont les trois ou quatre mesures que l'on peut mettre en place et si elles ont des chances de succès.

Afin d'éviter les effets d'annonce...

THIBAUD SIMPHAL - Plus largement, je constate en effet, en parlant aux chauffeurs aussi bien VTC que taxis, que, depuis quelques années, ils ont le sentiment de ne pas être pris assez au sérieux et de ne pas être accompagnés face à des changements aussi profonds. L'iPhone a été lancé par Apple en 2007. Quand, en 2009-2010, il a commencé à se vendre en grandes quantités, Google a lancé Android, etc. Il y a eu une accélération colossale du phénomène smartphone, cet outil que l'on a dans sa poche et qui permet de faire une multitude de choses.

Cette révolution, aussi rapide que radicale, est arrivée après - je dis cela en tant qu'observateur - dix, vingt ou trente ans d'insuffisance dans l'évolution du monde des taxis, notamment de la part des pouvoirs publics. Il y avait des rapports, mais certaines mesures étaient un peu contradictoires, d'autres peut-être quelque peu compliquées à mettre en place, et d'autres encore auraient demandé beaucoup de courage politique. Il me semble donc que les taxis ont plus l'impression d'être un ennui parfois pour l'État, qui a peur de leurs mouvements sociaux, plutôt qu'une opportunité et une question économique. La réalité est pourtant économique et sociale : on parle de personnes qui veulent faire un travail qui est utile à la société, dont on pense, si on met en place un certain nombre de mesures qui encouragent la ville de demain, qu'il peut se développer. Donc oui, il y a des questions de protection sociale pour les travailleurs indépendants dans ce métier, et elles doivent être mises sur la table.

Dans certains pays, Uber a une vision plus libérale, dans d'autres, en Europe notamment, l'approche sociale-démocrate l'emporte, parce que c'est ce que le peuple et les citoyens demandent, et c'est une très bonne chose. À titre personnel, c'est ma conviction : on ne veut pas le même système qu'en Californie, ou dans l'État de Washington, ou à New York. On a la même technologie, mais le statut des chauffeurs ne peut pas être le même. Ce sont deux pays qui ont des histoires et des cultures différentes.

En revanche, ce qui ne change pas, c'est bien l'opportunité économique et sociale. Or, dans un pays où il y a 10 % de chômage, on ne peut pas faire une croix sur la discussion concernant l'accompagnement d'une telle opportunité. Ce que les chauffeurs de taxi expriment de plus en plus, c'est une certaine frustration, une angoisse et le sentiment, je pense, qu'il y a eu trop de tentatives, et qu'aucune d'entre elles n'a vraiment débouché sur une vision, un plan pour la ville de demain, avec de véritables perspectives pour les chauffeurs à titre individuel, et pour l'évolution des professions de taxis et VTC.

Vous sentez que les taxis sont lassés et délaissés. Ils souhaitent qu'une solution soit vite trouvée, avant la prochaine campagne présidentielle...

THIBAUD SIMPHAL - Les chauffeurs de taxi attendent des clarifications aujourd'hui. Pour l'heure, les pouvoirs publics se sont remis à l'ouvrage. Comme Yann Ricordel, nous saluons leur courage et celui de Laurent Grandguillaume, le médiateur, et du secrétaire d'État aux Transports, Alain Vidalies, de s'attaquer à un sujet bloqué depuis un certain nombre d'années, de prendre à bras-le-corps les problèmes les plus épineux et d'essayer d'arriver avec des solutions concrètes sur la table. C'est une très bonne chose.

Mais attention : il ne peut s'agir d'annonces qui ne seraient pas suivies d'effets. Le risque serait que le gouvernement ainsi que l'ensemble du secteur, plateformes y compris, perdent en crédibilité auprès de beaucoup de chauffeurs de taxi, voire de l'ensemble des chauffeurs probablement. Il faudrait donc vraiment que l'on parvienne, cette fois-ci - non pas comme avec la loi Thévenoud, qui n'est pourtant pas très ancienne - à résoudre la question et qu'on la transforme en opportunité. C'est le plus important, et cela demande aussi de l'implication et du courage de la part des syndicats de taxis et de VTC, la présence des différents acteurs concernés, et des propositions constructives, notamment de la part des plateformes. On dit souvent qu'Uber est arrivé tel un cow-boy du Far West. Mais la réalité est que depuis deux ans, nous avons avancé l'idée d'un fonds de transition pour les taxis. Cela fait deux ans que l'on propose un examen pour faire baisser les barrières à l'entrée des VTC et on dit que si elles baissent pour les VTC, elles doivent aussi baisser pour les taxis.

Comment évolue le marché du transport de personnes ? Y a-t-il croissance de l'activité au rythme de l'offre ou substitution entre taxis et VTC ?

YANN RICORDEL - Le sujet principal, je le répète, c'est de trouver un équilibre sur le marché. Or, toutes nos études montrent que la demande de transport de personnes ne croît pas au même rythme que l'offre. C'est vrai en France comme à New York ou à San Francisco. Selon l'Insee, la croissance du transport de personnes n'a progressé que de 2,5% en valeur sur les années 2007 à 2012, alors que le nombre de chauffeurs, taxis et VTC, a été multiplié par deux. Ce n'est pas tenable économiquement et il y a désormais des milliers de licences qui ne trouvent pas preneur, faute de rentabilité. Ce que nous voyons, c'est la substitution d'emplois stables qui faisaient vivre des milliers de familles par de nouvelles formes d'activités qui s'assimilent à des minijobs d'étudiants, au risque de provoquer une crise sociale gigantesque.

La question posée aux pouvoirs publics est simple : quel avenir veut-on pour ce secteur ? Des emplois durables, stables, pérennes qui paient des impôts et des charges en France, ou bien des emplois précaires qui créent moins de valeur ? Il y a un juste milieu à trouver entre la déréglementation totale et une réglementation, qui était sans doute trop forte dans le passé, mais nécessaire. C'est cet équilibre entre la juste protection des entreprises et des travailleurs et les exigences des consommateurs qui demandent plus de liberté, qui fait défaut.

THIBAULT SIMPHAL - Je suis d'accord, ce qu'il faut, c'est trouver le point d'équilibre entre l'intérêt des chauffeurs, taxis ou VTC, l'intérêt des consommateurs et l'intérêt de l'État. L'intérêt général, c'est au gouvernement et au Parlement de le trouver, dans le dialogue avec tous. Uber ne défend pas du tout un modèle de « microjobs » précaires. On en a fait la démonstration, dans les études de Toulouse School of Economics qui font référence, ou dans un récent sondage Ifop où 87% des chauffeurs disent : « J'ai choisi cet emploi parce qu'il m'apporte de la flexibilité et des revenus stables, et, pour la première fois, la fierté d'une insertion sociale. » Pour beaucoup, c'est l'accès à une capacité de crédit, pour acheter une voiture, une maison. C'est une chance d'inclusion dans l'emploi pour des jeunes qui vivent dans des quartiers difficiles et, contrairement à ce que vous dites, ce sont de vrais emplois qualifiés avec un accent mis sur la qualité du service, trop longtemps sous-estimée par ce secteur. C'est bien l'interaction directe entre le consommateur final et le chauffeur qui permet d'avoir un retour rapide sur la qualité du service. In fine, c'est toujours le consommateur qui décide quelle plateforme il préfère.

YANN RICORDEL - J'ai lu vos rapports et je constate que la majorité de vos chauffeurs sont à temps partiel, que le revenu horaire moyen est inférieur au Smic, voire se rapproche du RSA, charges incluses. Et j'aimerais bien connaître la rotation de l'emploi de vos chauffeurs en France car, comme Uber l'a dévoilé pour les États-Unis, un chauffeur sur deux quitte Uber dans les six mois. La question est là : comment pérennise-t-on ces emplois dans des conditions satisfaisantes ? Un chauffeur de taxi le reste en moyenne dix ans. Or, nous aussi, nous créons des emplois, y compris en banlieue. Taxis Bleus est bien placé pour en parler puisque nous sommes le deuxième employeur à Sevran, en Seine-Saint-Denis, où est situé notre siège.

THIBAUD SIMPHAL - Aux États-Unis, la législation varie selon les États. Les données que vous citez concernent des États où un particulier peut devenir chauffeur en moins de deux jours ! Il est alors logique que la moitié soit constituée par des emplois stables et l'autre par des temps partiels. Si c'est autorisé par la réglementation, en quoi est-ce mauvais ? En France, la réglementation est différente car c'est un secteur strictement professionnel et il n'est pas permis à chacun de se livrer à cette activité, même s'il existe des plateformes françaises qui le proposent. Sur les revenus, je conteste votre interprétation. Même en déduisant les charges, on n'est pas du tout en dessous du Smic : avec un chiffre d'affaires horaire moyen de 19,90 euros, une fois 40% à 50% de charges retirées, il reste aux chauffeurs environ 10 euros net par heure, soit 25% de plus que le Smic !

La principale question, dans un pays qui connaît un chômage de plus de 10%, est donc : comment peut-on se permettre, uniquement pour préserver l'acquis et l'existant, d'empêcher des gens de travailler ? Encore une fois, les barrières à l'entrée dans le secteur sont encore trop élevées, à la fois pour les VTC et, je le regrette, pour les taxis. Les taxis sont trop contraints par une réglementation d'un autre âge. Cela fait deux ans que l'on dit que c'est un secteur qui peut créer de l'emploi, près de 70.000 selon le rapport Thévenoud lui-même, et nous proposons des solutions. Seulement, nous n'avons pas toujours eu face à nous, ou dans le secteur, cette possibilité d'un dialogue. Maintenant qu'il est ouvert et que l'on arrive à asseoir tous les acteurs autour de la table, j'espère qu'il y aura des mesures concrètes, et que les gens qui les portent auront le courage de les mener à terme.

YANN RICORDEL - Nous souhaitons aussi que la profession de taxi soit plus accessible. Cependant, il faut trouver un juste milieu. À New York, il y a clairement une substitution d'un modèle vers l'autre en faveur d'Uber. Car vous cassez les prix et pratiquez une forme de dumping social pour gagner des parts de marché. C'est la réplication de ce modèle en France qui explique la colère des chauffeurs de taxi. L'essentiel est de créer un cadre qui permette de vivre décemment de ce métier.

En même temps, comment ne pas croire en la croissance de la demande alors que la voiture individuelle est de plus en plus mise en cause dans la ville de demain ?

THIBAUD SIMPHAL - C'est vrai, on le voit dans le monde entier, il y a vraiment des villes qui ont pris l'avenir de la mobilité à bras-le-corps. D'autres sont un peu plus neutres et observent. Enfin, d'autres villes sont en retard ou moins visionnaires. Je pense que Londres est un exemple de ville visionnaire, très clairement. Depuis quinze ans, Londres investit dans les transports publics et a rattrapé son retard sur Paris. La capitale britannique a engagé une action très forte sur la pollution, avec des normes sur les émissions de C02 des véhicules, et mis en place la congestion charge, le péage à l'entrée dans Londres, qui est extrêmement cher : plus de 14 euros pour entrer dans Londres une journée, avec une voiture individuelle. Pour rappel, les taxis et les VTC en sont bien évidemment exemptés. Au niveau de l'aménagement urbain, les voies ont été restructurées pour faciliter la circulation des vélos... Tout cela fait de Londres une ville visionnaire.

Paris aussi a su être visionnaire, en accompagnant des projets comme le Vélib', l'Autolib', le Grand Paris, etc. Et je vois des métropoles françaises autres que Paris, qui sont claires sur leurs objectifs en matière de mobilité. Ce que nous attendons à Paris et dans les métropoles de France, ce sont avant tout des échanges avec les mairies, car il n'y a rien de pire que des élus ou des administrations qui font des plans très ambitieux sans consulter largement. Uber ne prétend pas avoir la science infuse, ni le monopole des meilleures idées pour l'avenir, mais nous faisons partie des solutions pour la mobilité de demain. Et nous sommes l'un des leaders dans certaines villes et certains pays. Nous pensons donc être légitimes pour apporter notre point de vue. D'autant que l'on a commandé un certain nombre d'études sur le sujet à des experts, qui ont des choses intéressantes à dire. Les transports à la demande, taxis comme VTC, sont complémentaires des transports en commun et contribuent à l'intermodalité des citoyens !

Vous insistez sur la nécessité d'un dialogue entre toutes les parties prenantes...

THIBAUD SIMPHAL - Échanger et débattre est indispensable. Sans cela, on risque de faire des erreurs, et on en a fait dans le passé. Un exemple typique : le Grand Paris. Est-ce que ce projet doit se résumer à « x » milliards d'euros pour construire « x » lignes de métro, de tram et de train ? Est-ce qu'une partie de cette enveloppe ne devrait pas être allouée à la mise en place d'un péage urbain ? Est-ce qu'il y a des voies rapides qui doivent être constituées ? Il y a des arbitrages à faire et il y a parfois un risque d'aller un peu vite en besogne sans consulter. D'où la nécessité d'engager un dialogue pour envisager ensemble les tendances qui se dessinent à dix ou vingt ans. Toutes les études, y compris celles de l'Ademe sur le sujet montrent que les utilisateurs de taxis et de VTC sont les champions de l'intermodalité. Ils vont prendre un taxi ou un VTC à un moment de la journée, et, dans 70% des cas, leur trajet suivant va plutôt se faire via des transports en commun. Il y a donc une très grande complémentarité entre les deux modes de transport. Ce qu'il n'y a pas du tout dans la voiture individuelle : dans 80 % des trajets effectués en voiture personnelle, le suivant se fera également par ce moyen.

YANN RICORDEL - Il me semble que les Parisiens sont très consultés par la maire de Paris sur le sujet. Je crois que la vision est claire : c'est la diminution drastique des voitures individuelles dans la ville. Mais effectivement, il faudrait construire un plan commun intégrant les sociétés de parking, également le Stif, parce que la gouvernance aujourd'hui fait que les décideurs travaillent un peu chacun dans leur coin avec une vision globale, mais avec une problématique parisienne : un périphérique qui est une frontière physique et réelle, des déplacements de très grande périphérie qui ont largement augmenté, on les néglige souvent. Et je crois qu'à ce sujet, il y a un facteur très important dont il faut tenir compte : comment améliorer les déplacements dans la très grande couronne ? Il est question dans le plan et dans la feuille de route du gouvernement de créer le « taxi du Grand Paris ». Cela va dans le sens de cette vision moderne de la métropole parisienne et c'est une bonne chose. Les voies d'accès rapides doivent être multipliées. On en a créé aux entrées des autoroutes, c'est bien, mais on doit aller encore plus loin : faciliter les transports en bus et en taxi, et accélérer la transition énergétique. Nous nous y engageons. Nous voulons accompagner la filière dans cette transition vers la voiture propre, notamment la voiture électrique. Ce sont des sujets sur lesquels les taxis sont les premiers concernés, avec leurs usagers. Je crois que la voie est tracée. Maintenant, cela nécessite peut-être un plan encore plus structuré de la part de nos gouvernants pour accélérer dans cette direction. C'est ce dont on a besoin. Taxis Bleus et l'ensemble de la filière sont prêts pour aller plus vite dans le sens de cette transition : moins de voitures individuelles, plus de transports partagés, et notamment plus de taxis.

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>>> PREMIERE PARTIE : Taxis-VTC, la situation des deux professions

>>> DEUXIEME PARTIE : Le sujet épineux des licences

 >>> TROISIEME PARTIE : Faudra-t-il déréglementer la mobilité urbaine ?

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>>> CHRONOLOGIE DU CONFLIT

Créée par deux Américains, l'application pour mobile Uber est lancée à San Francisco en 2010. Et débarque à Paris en 2011, puis dans plusieurs villes de France. La plateforme met alors en relation passagers et chauffeurs professionnels.

  • En février 2014, la startup lance en France un service de transport entre particuliers baptisé UberPop. Avec des prix bien plus bas que ceux de l'offre UberX.
  • La loi Thévenoud d'octobre 2014 interdit le transport entre particuliers à titre onéreux.
  • L'entreprise porte alors plainte contre Bruxelles, estimant que la loi n'est pas conforme au droit européen. Au même moment, Transdev et LeCab attaquent UberPop pour concurrence déloyale devant le tribunal de commerce de Paris.
  • Le tribunal correctionnel de Paris condamne Uber à 100.000 euros d'amende pour « pratiques commerciales trompeuses », estimant que le service ne doit pas être présenté comme étant du « covoiturage ».
  • Uber fait appel. Puis finalement, c'est une peine de 200.000 euros d'amende dont écope la filiale française du géant américain Uber. Sous la pression et les actes de violence répétés, Uber suspend le service Pop au mois de juillet 2015.
  • Après plusieurs manifestations dans toute la France, qui ont atteint un pic fin juin, les préfets de plusieurs grandes villes de France, poussés par le gouvernement (qui avait promis l'interdiction d'UberPop dès le 1er janvier 2015), ont mis en place des arrêtés préfectoraux interdisant le service.
  • Pendant ce temps-là, la jeune pousse Heetch, qui met aussi en relation passagers et chauffeurs non professionnels, mais avec des revenus plafonnés, prospère, tandis que la plateforme Djump a été rachetée par le vétéciste Chauffeur-Privé.
  • 12 février 2016 : le parquet requiert un million d'euros d'amende contre Uber, pour son service UberPop, plus 50.000 euros pour son DG France Thibaud Simphal et 70.000 euros pour son DG Europe de l'Ouest Pierre-Dimitri Gore-Coty, avec l'interdiction de gestion, d'administration et de direction de toute entreprise pendant cinq ans. Le tribunal correctionnel de Paris a mis son jugement en délibéré au 9 juin. Toujours en juin, les deux dirigeants de Heetch seront jugés en correctionnelle, soupçonnés de concurrence illégale avec les taxis. La startup comparaîtra le 22 juin en tant que personne morale pour « organisation illicite de mise en relation », « complicité d'exercice illégal de l'activité d'exploitant de taxi » et « pratique commerciale trompeuse ».

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Commentaires 4
à écrit le 28/06/2016 à 20:26
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Réguler le marché du transport de personnes est une bonne chose, de là à fusionner les deux professions…çà me paraît infaisable! Personnellement je préfère utiliser des VTC comme Paris Navette ou Eden Transports pour l'accueil des chauffeurs, et les ...

à écrit le 19/04/2016 à 12:33
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Mr SYMPHAL prétend, "...d'un autre âge..."la réglementation d'une profession qu'il souhaiterait concurrencer sans entrave. A l'Américaine!! Un peu déjà en avance sur le traité transatlantique Mr SYMPHAL? Comble du cynisme, un pays qui compte 10% de c...

à écrit le 19/04/2016 à 12:06
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Les vtc pense pense avoir créé une application pour commander un véhicule mais les taxis l'on déjà fait avant l'apparition des vtc et il en existe plusieurs g7 taxi bleu Alpha taxi et maintenant une nationale LE TAXI qui marche avec environ 30000 cha...

à écrit le 18/04/2016 à 18:05
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Ce qui n'est pas compréhensible, c'est que le gouvernement qui a accepté l'ubérisation, ne comprennent pas que cela pose problème. Il a laissé se créer une organisation qui utilise des gens qui travaillent sans être déclarés, sans payer d'impôts, sa...

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