“Le TGV est un mode populaire. Il doit rester accessible à tous ! ” Elisabeth Borne, ministre des Transports

Par Mounia Van de Casteele  |   |  825  mots
"Quand on dépense des millions pour créer des lignes à grande vitesse (LGV), on serait bien inspiré de faire rouler un maximum de trains dessus", a déclaré jeudi Elisabeth Borne, la ministre des Transports.
Lors d’un débat organisé par la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) et "La Tribune", la ministre des Transports Elisabeth Borne a rappelé le nécessaire assainissement des finances du groupe ferroviaire français. Selon elle, le train doit redevenir un mode de transport démocratique, ce pour quoi il avait été créé.

"Le train est irremplaçable sur un certain nombre de liaisons", a déclaré la ministre des Transports Elisabeth Borne jeudi lors d'un débat organisé par la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) et "La Tribune". La ministre a pris l'exemple du RER A, avec ses quelque 1,2 million de voyageurs quotidiens, qui est accessoirement la ligne la plus utilisée d'Europe. Avec 40.000 kilomètres parcourus quotidiennement, les trains de cette ligne effectuent ainsi chaque jour l'équivalent d'un tour complet de la Terre, rappelle la régie publique sur son site.

"Le TER est pleinement pertinent quand il fait de la grande capacité", poursuit Elisabeth Borne.

(Crédit photo : FNTP)

Notons à ce propos que, dans son premier rapport annuel sur le marché du transport par autocar, l'Arafer, le régulateur du rail et de la route, assure que les "cars Macron" ne concurrencent que très peu les lignes TER de train ou d'autocar, organisées et financées par les régions, contrairement à ce qu'en pensent ces dernières.

L'Etat n'a pas vocation à être trop interventionniste

Quoi qu'il en soit, "le marché des cars Macron est en train de se réguler", a estimé la ministre. Tout en précisant que "l'Etat n'est pas là pour intervenir à tout propos en France". Selon Elisabeth Borne, les pouvoirs publics doivent en revanche veiller à ne pas laisser s'installer de concurrence déloyale ni de dumping social.

Prônant une certaine facilitation de l'intermodalité, la ministre a, entre autres, estimé qu'un système de covoiturage domicile-travail tel que celui lancé récemment par la licorne française Blablacar avait tout à fait "sa place dans un système multimodal". La limite du modèle étant le recrutement des covoitureurs, qui peuvent se montrer frileux face à l'incertitude du trajet retour. "Ils n'ont pas de mal à recruter des conducteurs potentiels mais plutôt des covoitureurs qui veulent être certains de pouvoir rentrer chez eux le soir". "Il faut réfléchir à des systèmes d'incitation, et rendre visibles les offres", a analysé la ministre. De quoi confirmer le constat de la jeune pousse présentée comme leader en la matière, WayzUp, dans laquelle la RATP vient d'investir plus de 1 million d'euros.

(Crédit photo : FNTP)

La dette abyssale de la SNCF (45 milliards d'euros)

Reste un problème de taille pour la SNCF, à l'aune de l'ouverture à la concurrence : la colossale dette de SNCF Réseau, gestionnaire public du réseau français. Selon Elisabeth Borne, "il va falloir qu'on pose la question de la dette du secteur ferroviaire". Celle-ci devra être tranchée par l'exécutif, alors que le précédent gouvernement avait exclu toute reprise, même partielle, fin 2016. "L'évolution de (cette) dette du secteur ferroviaire est extrêmement préoccupante", a souligné la ministre, rappelant que l'endettement de SNCF Réseau atteint 45 milliards d'euros et que "dans les meilleures hypothèses, on augmentera encore de 50% dans les dix prochaines années". "C'est évidemment difficilement soutenable pour le secteur", a-t-elle observé, jugeant nécessaire que son gouvernement "s'attaque à ce sujet".

La ministre des Transports s'est montrée défavorable à une hausse des péages ferroviaires, qui augmenterait les recettes de SNCF Réseau mais aussi le prix des billets de train, en particulier du TGV qui doit, selon elle, être accessible au plus grand nombre. Celle qui a tout de même côtoyé pendant cinq ans Guillaume Pepy, lorsqu'elle était directrice de la stratégie de la SNCF entre 2002 et 2007, a en effet bien insisté sur ce point:

"Le TGV est un mode [de transport, Ndlr] populaire. Il doit rester accessible à tous".

Et d'enchaîner, en faisant allusion à l'inauguration, le 1er juillet, des lignes Paris-Bordeaux en 2h30 et Paris-Rennes en 1h30:

"Quand on dépense des millions pour créer des lignes à grande vitesse (LGV), on serait bien inspiré de faire rouler un maximum de trains dessus."

Lire aussi : la SNCF pousse à fond le modèle low-cost de Ouigo pour sauver le TGV

Finalement, si Elisabeth Borne n'a pas explicitement évoqué une reprise par l'Etat de la dette de SNCF Réseau, que le précédent gouvernement avait refusé d'alléger en septembre, au nom de la réduction des déficits publics, Emmanuel Macron, lui, l'avait envisagée pendant sa campagne présidentielle. Et si cette hypothèse se confirme, la SNCF sera alors sans doute sommée de redresser ses comptes.

"Il faudra que chacun fasse sa part du chemin et qu'on s'assure que chacun a fait le maximum", a averti la ministre des Transports.

Le calendrier de cette opération devrait dépendre de celui de l'ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire, prévu par étapes d'ici à 2023. Cette libéralisation "suppose d'avoir remis le secteur sur ses deux pieds, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui", a-t-elle conclu, confirmant les conclusions de l'Arafer sur ce point.

Lire aussi : L'Arafer ne cautionne pas la trajectoire financière de la SNCF