Quand une startup (PrivateFly) veut dominer l'aviation privée en Europe

La plateforme de réservations de jets privés veut devenir le premier courtier aérien à dépasser le milliard de dollars de chiffre d'affaires dans ce secteur. Pour devenir leader du marché en Europe, PrivateFly entend participer très rapidement au mouvement de consolidation de l'aviation privée charter qui a déjà commencé aux Etats-Unis.
Fabrice Gliszczynski
Un Falcon 7X de Dassault

Lux Aviation qui a racheté ces dernières années plusieurs entreprises spécialisées dans l'aviation privée (ou les hélicoptères) en Europe; Jet Aviation qui a fait de même aux États-Unis;  Landmark qui a fusionné en début d'année avec BBA Aviation... : pas de doute, l'aviation privée est entrée dans une phase de consolidation active. Pas tant chez les constructeurs comme Dassault Aviation, Gulfstream Bombardier, Embraer Cessna, Beechcraft, Honda voire Airbus et Boeing qui produisent eux aussi des « Corporate jets », ni même au sein de la multitude d'opérateurs allant du mastodonte Netjets et ses 340 avions à la kyrielle de micro-propriétaires qui ne possèdent souvent qu'un seul avion. Mais, plutôt chez les courtiers aériens que l'on appelle aussi « brokers » dans le secteur (tel le Français Avico par exemple), qui jouent le rôle d'intermédiaire entre les clients et les propriétaires d'avions. Dans la complexité de l'aviation privée, ils sont indispensables pour dénicher un avion.

Digitalisation encore balbutiante

Et dans ce marché de l'aviation privée charter, dominé en Europe par Air Partner et Air Charter Service, la startup britannique PrivateFly, née il y a à peine dix ans en misant sur les technologies numériques encore balbutiantes dans ce secteur, nourrit de grandes ambitions en voulant carrément devenir le numéro 1 européen du marché du « business jet charter », alors qu'il ne pèse encore que 22 millions de Livres de chiffre d'affaires, loin derrière les leaders européens qui tournent autour de 300 millions de Livres. Ceci en prenant part à la création d'un « méga broker » européen à l'image de ceux qui se constitués aux États-Unis comme Blue Star Jet ou Apollo Jet.

« Le temps est arrivé pour nous de participer à ce mouvement de fusions-acquisitions en faisant des acquisitions ou en combinant nos forces avec des acteurs traditionnels intéressés par notre technologie qu'ils mettraient trop de temps à se doter. Nous voulons devenir le premier courtier aérien à dépasser le milliard de dollars de chiffre d'affaires.(...) Quand on voit que le leader du marché, Air Partner, représente moins de 2% du marché, quelque chose doit changer. Le marché est trop gros et trop fragmenté. Nous devons le faire rapidement », a déclaré à La Tribune, le Pdg fondateur de PrivateFly, Adam Twidell, de passage à Paris la semaine dernière.

Ce dernier estime que l'émergence de nouveaux modèles dans ce secteur vont chambouler de fond en comble ce secteur. Au même titre que Victor ou Jetmaster, PrivateFly est en effet l'un des pionniers de la digitalisation dans le secteur de l'aviation privée charter. Avec sa plateforme de réservation et d'achat sur Internet disponible aussi via une application mobile, qui permet aux clients de trouver, de manière instantanée, plusieurs offres de vols privés parmi les 7.000 avions référencés, la startup britannique applique à l'aviation privée les méthodes simples, directes et transparentes bien connues dans les autres secteurs de la mobilité, notamment l'aviation commerciale.

"5 à 10 compagnies vont survivre"

Les ambitions de PrivateFly sont néanmoins partagées par un grand nombre d'experts.
Selon une étude du cabinet Rolland Berger qui a interrogé 30 experts de l'aviation privée, ce type de plateformes « online » vont jouer un rôle moteur dans la consolidation du secteur, laquelle devrait déboucher d'ici à 2020 sur l'hégémonie de quelques acteurs seulement. Selon cette étude publiée en 2017, « 5 à 10 compagnies seulement survivront probablement. Les nouveaux 'disrupteurs' auront besoin de trouver des modèles économiques établis, ou devront disparaître ».

Une analyse que partage Adam Twidell :

« Notre défi est de trouver la meilleure façon de continuer de croître sur de nouveaux marchés. Certes nous devons continuer d'ouvrir des bureaux dans certains pays, mais dans le même temps nous pensons qu'une compagnie à forte croissance comme la nôtre doit prendre le temps d'avoir une présence dans les services au sol, de recruter des personnes extrêmement qualifiées alors que la qualité du recrutement et l'une des plus fortes barrières à la croissance. Aussi, nous recherchons une compagnie qui nous aide à aller plus vite que ce que nous pourrions faire de manière organique. Nous parviendrons à réaliser plus d'un milliard de chiffre d'affaires en nouant des partenariats avec des grandes entreprises et nous comptons le faire vite. »

Ce dernier a mandaté un conseiller financier, BDO, « pour explorer toutes les opportunités ». Côté financement, le Pdg qui était autrefois pilote de la Royal Air Force, se dit très confiant du fait de la disponibilité « des fonds de private equity pour des sociétés en croissance comme PrivateFly ».

La levée de fonds de 105 millions de Livres réalisée par Jet Smarter l'encourage à la confiance. Jet Smarter a été valorisée à cette occasion à 1,5 milliard de Livres pour un chiffre d'affaires quasiment identique et des pertes d'exploitation récurrentes. Le financement par la dette est également une opportunité. Quant à la Bourse, une entrée au Junior Stock Exchange reste une option.

Reprise du marché

Après avoir vu son activité bondir de 40% au cours de son exercice 2016/2017, PrivateFly compte croître dans les mêmes proportions cette année. Une croissance rentable selon la direction, comme c'est le cas chaque année depuis trois ans. Ces réflexions sur la consolidation interviennent alors que le marché a repris des couleurs, contrairement à celui des constructeurs d'avions qui reste inférieur de 40% à son niveau d'avant la crise de 2008. Le nombre de mouvements (décollages, atterrissages) d'avions privés est en hausse de 5% depuis le début de l'année en Europe.

Fabrice Gliszczynski

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Commentaire 1
à écrit le 17/11/2017 à 10:59
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L'aviation civile est déjà un non-sens économique, écologique. Que dire alors de l'aviation privée? Au moins la même chose au royaume de l'ego surdimensionné. J'ai renoncé à l'avion, j'utilise le moins possible les transports avec moteur thermique: ...

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