Les maires, en première ligne face au dérèglement climatique, inventent des solutions nouvelles

ZERO CARBONE. Lors du Forum Zéro Carbone organisé par la Tribune à l'Hôtel de Ville de Paris, plusieurs maires et élus locaux sont venus partager leur expérience en matière de transition écologique. Avec un point commun : une approche qui conjugue pragmatisme et proximité.
(Crédits : O’Mathurins à Bagneux Architecte : MFR Architectes Illustrateur : Mysis)

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Après une COP 26 décevante, les maires français et étrangers présents en chair et en os ou par visioconférence au Forum Zéro Carbone, qui s'est déroulé mercredi 30 novembre à l'Hôtel de Ville de Paris, ont rappelé que l'échelon local pouvait être un levier efficace dans la lutte contre le dérèglement climatique. La maire de Paris Anne Hidalgo a ainsi évoqué son action pour bouter les véhicules polluants hors de la capitale, avec son cortège de polémiques et de résistances des lobbys.

Bruxelles est la capitale de la Belgique, mais aussi le siège de l'Union Européenne, qui lancé un Green Deal (Pacte Vert) de 1800 milliards d'euros pour arriver au zéro émission de CO2 en 2050. Pour le bourgmestre Philippe Close, l'aspect de justice sociale est primordial dans la transition écologique. Son plus gros budget est celui du chauffage dans les HLM, qui compte pour 40 % des émissions de GES : « dans les années 2000, nous avons aidé les propriétaires à isoler leur maison. Mais nous avons oublié les locataires, particulièrement ceux qui habitent dans des logements sociaux ». Philipe Close pense que les gens vont utiliser de moins en moins leur véhicule individuel pour se déplacer en ville : « en 2030, le diesel sera interdit à Bruxelles, et en 2035, ce seront les autres énergies fossiles. Je fais le pari que la Génération Spotify, qui n'éprouve pas le besoin de posséder des collections de vinyles ou de CD, n'aura pas plus envie d'acheter une voiture ». Grégory Doucet, maire de Lyon, pense lui aussi que les solutions concrètes viendront des villes à travers les politiques publiques municipales. « Nous avons la possibilité d'agir directement sur le quotidien des gens. Le budget d'achats publics de Lyon, c'est 200 millions d'euros par an. Ce n'est pas rien ! ».

Une dimension sociale incontournable

Lyon a postulé au Mission Board de l'UE ouvert aux villes qui veulent devenir climatiquement neutres en carbone en 2030. « Nous engager sur ce grand défi, c'est fondamental. Par exemple, en fournissant les cantines scolaires avec des produits bio » estime Grégory Doucet, qui a investi 5 millions d'euros dans sa cuisine centrale. Le maire EELV a prononcé symboliquement une « déclaration d'état d'urgence climatique » le 25 mars dernier : « le même jour, nous avons voté notre programmation pluriannuelle d'investissement soit 1250 millions d'euros, à comparer aux 800 millions de la mandature précédente ».

Plus au Sud, la métropole marseillaise est une des plus touchées en Europe par le fléau des embouteillages. « Marseille est la deuxième ville de France en temps passé dans les bouchons avec 17H30 par mois » précise Audrey Gatian, adjointe au Maire de Marseille en charge de la politique de la ville et des mobilités. Une ZFE (zone à faibles émissions) a été instaurée dans la métropole Aix-Marseille-Provence, dans un territoire où beaucoup de gens n'ont pas les moyens de s'équiper d'un véhicule électrique (VE). « Nous avons mis en place des aides jusqu'à 5 000 euros, complémentaires de celles de l'Etat. Sur les 20 000 VE qui circulent dans le département, 11 475 ont été achetés grâce à ces primes. L'impact est réel » explique Martine Vassal, présidente de la métropole, qui insiste sur la nécessité de faire œuvre de pédagogie sur ce sujet de la ZFE.

À Rouen, le maire et président de la métropole Nicolas Mayer Rossignol rappelle que « faire une transition juste ne peut pas être juste faire une transition ». En d'autres termes, la dimension sociale et sociétale est pour lui incontournable. Or, il va falloir baisser de 55 % les émissions d'ici 2030, soit 7 % par an : « soit on est tous hypocrites, soit nous devons avouer que nous ne sommes pas sur la bonne trajectoire et qu'il faut des changements radicaux ».

Nice entre démolition et art de vivre

En effet, comment demander aux classes populaires qui habitent hors de la ZFE d'être exemplaires ? « Pour changer les véhicules polluants, nous allons mettre plusieurs dizaines de millions d'euros sur la table. Mais ce n'est pas suffisant. Nos aides ne s'appliquent qu'aux personnes qui habitent à l'intérieur de la frontière administrative de la métropole. Les habitants des territoires périphériques n'y ont pas accès. Nous réclamons donc un soutien au niveau national ». Les classes moyennes et supérieures, elles, ont envie de nature et quittent de plus en plus les grandes villes. Comment les retenir ?

Président de la Métropole du Grand Paris (7 millions d'habitants et 131 municipalités), et maire de Rueil-Malmaison, Patrick Ollier construit des logements : 45 000 en 2020, soit plus que les 38 000 imposés par la loi : « nous avons lancé des concours sur 3 millions de mètres carrés dans 71 villes. Des nouveaux quartiers adaptés au changement climatique qui commencent à sortir de terre ». Nice est récemment entrée dans la liste des sites du Patrimoine mondial de l'Unesco. Son maire Christian Estrosi, également président de la métropole Nice Côte d'Azur, veut d'abord protéger ses habitants : « la ville de demain doit offrir un art de vivre : culture, ville jardin, destination événementielle ». Trois mille chambres dans l'hôtellerie haut de gamme sont en construction, soit 30 % d'hébergement en plus dans cette catégorie « Malgré la pandémie, les investisseurs se disent que cette ville vaut le coup d'y investir » se réjouit le maire de Nice, qui ne cache pas sa volonté de se débarrasser du tourisme de masse.

À Barcelone, les pollueurs mis à l'amende

Il a annoncé qu'il allait détruire le Palais des congrès Acropolis, une construction des années 40 de 21 000 m2 qui produit 1700 tonnes de CO2 par an : « dès mon élection en 2008, je savais que j'aurais des tonnes de béton à démolir. Raser cet édifice pour planter sur les huit hectares 1500 arbres qui vont absorber 50 tonnes de carbone par an va permettre de végétaliser le quartier ». Le prochain palais sera construit sur des friches anciennes pour éviter l'artificialisation des sols. Toutes ces actions des maires doivent être financées.

« En tant qu'élus locaux, nous sommes confrontés à l'un des défis les plus importants, qui consiste à financer les politiques que nous devons mettre en œuvre pour que les résidents puissent continuer à vivre dans nos villes » a rappelé Janet Sanz, maire adjointe en charge de l'écologie, de l'urbanisme, des infrastructures et de la mobilité de Barcelone. Pour aller vers une transition écologique juste, la capitale catalane a mis en place un plan de mobilité urbaine qui fixe une réduction de 25 % des trajets non durables. Et pour obtenir les ressources nécessaires, l'équipe municipale a défini trois stratégies. D'abord, une fiscalité équitable en matière environnementale et sociale.

Exemples : celui qui produit plus de déchets paye plus. Le coût du stationnement sur les parkings municipaux est plus élevé pour les véhicules polluants. Les transporteurs qui utilisent le plus l'espace urbain, comme les plateformes de e-commerce, doivent payer davantage.

Deuxième stratégie : la dette propre. « Nous voulons que l'endettement de Barcelone soit 100 % propre, ce qui veut dire emprunter à des banques éthiques et publiques qui ne soutiennent pas les producteurs d'énergies fossiles» précise Janet Sanz. Troisième choix politique : la promotion d'un tissu d'entreprises responsables. La mairie de Barcelone a ainsi créé la première compagnie municipale d'électricité en Espagne « pour mettre fin à l'escroquerie du marché de l'énergie » selon la maire adjointe qui ne mâche pas ses mots. Des actes volontaristes s'appuyant sur des dispositifs efficaces qui pourraient nourrir la réflexion de nos édiles hexagonaux.

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Commentaires 2
à écrit le 24/12/2021 à 9:31
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En effet ! Nous les nôtres ont pris l'initiative de laisser s'installer une usine à goudron !

le 25/12/2021 à 12:25
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Les maires et leur mode perpétuelle des grandes places rénovées donc bétonnées et pavées et sans arbre, sans ombre, sans aucune verdure, sans bon sens.

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