Bjarne Corydon : "La zone euro doit régler elle-même ses problèmes"

Bjarne Corydon, ministre des Finances du Danemark, estime que son pays, non-membre de la zone euro, a tout fait durant sa présidence de l'UE - qui vient de s'achever - pour maintenir le principe de la coopération dans l'ensemble de l'UE. Il évoque aussi les « recettes » du plan de relance danois...
Bjarne Corydon : "Aucun pays de l'UE n'a relancé autant son économie que le Danemark."

La Tribune - Le Danemark vient d'achever sa présidence, très discrète, de l'Union européenne. Le sentiment général est celui d'une présidence qui a été plus spectatrice qu'actrice dans la résolution de la crise de la zone euro. N'avez-vous pas souffert de votre position de non-membre de la zone euro ?
Bjarne Corydon -
Je ne partage pas cette opinion. Nous avons fait du bon travail, dans des conditions difficiles, et nous ne nous sommes absolument pas contentés d'une position attentiste. Nous avons agi, notamment sur l'agenda de croissance que nous avons soutenu et poussé fortement. Mais évidemment, avec l'exemption de la participation à l'union économique et monétaire dont bénéficie le Danemark, notre présidence n'a pas pu être en première ligne sur les questions concernant l'avenir et la gouvernance de la zone euro. Même si ces évolutions auront naturellement une influence sur l'économie danoise.

Ceci signifie néanmoins qu'il existe aujourd'hui dans les faits deux niveaux d'intégration au sein de l'Union européenne ?
D'une certaine façon, c'est en effet une réalité. Je crois que les problèmes de la zone euro doivent d'abord être résolus par les membres de la zone euro eux-mêmes. Mais je crois aussi qu'il faut tout faire pour éviter que cette scission aille trop loin. Notre présidence s'est attachée à maintenir un lien entre les pays membres de la zone euro et les pays non-membres au sein de l'UE. Je crois que chacun reconnaît que le Danemark a, au sein de l'Europe, un rôle particulier à jouer. Notre monnaie est ancrée à l'euro et nous sommes donc très dépendants de ce qui se passe dans la zone euro. C'est pourquoi nous avons tout fait pour utiliser notre présidence pour maintenir le principe de la coopération dans l'ensemble de l'UE.

Le Danemark a été un grand défenseur du pacte budgétaire européen. Pourquoi ?
Pour nous, cela a été une étape naturelle. L'ancrage de notre monnaie par rapport au deutsche mark, puis à l'euro, est un des principes de notre politique économique depuis trois décennies. Peu importe quelle est la majorité au pouvoir, les gouvernements y ont vu la garantie de la stabilité économique, de faibles taux d'intérêts et d'une politique budgétaire saine. Le pacte budgétaire est la suite logique de ce principe et le gouvernement l'a adopté comme un fondement du prochain budget, dès le mois de mai. Le parlement ratifiera le traité à la mi-juillet, sans se soucier des retards de ratification qui pourraient intervenir en Allemagne.

Le Danemark est aujourd'hui perçu par les investisseurs comme l'un des rares pays sûrs. Certains taux d'intérêts sont déjà négatifs, ce qui est une bonne nouvelle pour vous. Mais ne craignez-vous pas que la pression sur la couronne danoise devienne si forte qu'elle remette en cause son ancrage vis-à-vis de l'euro ?
La Banque nationale du Danemark agit de façon très responsable dans ce domaine. Je crois que tout le monde ici juge que l'ancrage à l'euro n'est pas discutable. Mais je pense aussi que la pression n'est pas actuellement telle qu'on ne puisse y faire face. Il faut surtout souligner que cette crise reflète deux réalités : la force de notre politique économique et la stabilité de nos fondamentaux, mais aussi l'ampleur de la crise dans le reste de l'Europe.

Peut-on espérer, malgré tout, un jour, de voir le Danemark rejoindre la zone euro ?
Les développements actuels dans la zone euro font que l'on est aujourd'hui fort loin d'un nouveau référendum. Notre coalition de gouvernement s'est du reste fortement engagée à ne pas proposer de nouveau référendum pendant cette législature [2011-2015, ndlr].

Le Danemark est l'un des rares pays, avec la France, qui dispose d'un gouvernement de gauche aujourd'hui en Europe. Ceci est-il de nature à créer une relation particulière entre les deux pays ?
Globalement, l'opinion publique danoise a beaucoup apprécié le changement de majorité en France. L'élection de François Hollande a permis de mettre en avant l'exigence de soutien à la croissance qui a été une pièce centrale de la présidence européenne du Danemark. Je voudrais rappeler que si l'on regarde attentivement la politique de notre gouvernement depuis son arrivée au pouvoir en octobre 2011, on remarque une combinaison, assez unique en Europe, de réforme structurelle visant à assainir les finances publiques et de relance budgétaire. Aucun pays de l'UE n'a relancé autant son économie que le Danemark.

Quels sont les principaux éléments de cette relance ?
Notre programme de relance « kick start » n'est pas uniquement un programme de relance classique. Nous insistons beaucoup sur les investissements d'avenir, notamment dans l'économie « verte ». L'idée est de soutenir un développement ambitieux de ces activités d'ici à 2020 afin que le Danemark devienne un des pays leaders dans ce domaine et que la compétitivité globale du pays en soit améliorée. Au final, c'est la puissance industrielle du pays qui doit en sortir renforcée.

Parallèlement, le gouvernement a mis en place une réforme fiscale très contestée au sein même de votre propre camp...
Cette réforme verra le jour parce qu'elle est le fruit d'un compromis avec le principal parti d'opposition. Il s'agit de réduire la charge fiscale sur les revenus bas et moyens et de réduire également les charges sur les entreprises car le marché de l'emploi a été impacté par les hausses de salaires. En réduisant les impôts sur le revenu, nous voulons donner plus de revenus aux salariés, mais aussi réduire la pression sur les salaires. Nous favorisons ainsi la compétitivité des entreprises danoises vis-à-vis de l'Allemagne ou de la Suède. Cette réforme est entièrement financée par notre budget et s'accompagne également d'une prime à l'investissement pour l'achat de machines sur 2013 et 2014. Je crois que la politique que nous menons devrait permettre de voir la croissance repartir dans les prochains mois.

Comment expliquez-vous que votre gouvernement soit aujourd'hui si impopulaire au Danemark ?
C'est une tâche ardue de gouverner dans une crise et de prendre ses responsabilités pour tenter de trouver une voie de sortie. Il faut reconnaître qu'il n'y a pas de solutions faciles. Ce qui est parfois difficile à admettre pour ceux qui défendent des alternatives plus extrêmes pour résoudre les problèmes. C'est un défi auquel doivent faire face beaucoup de gouvernements qui veulent adopter une approche modérée. Les sondages sont mauvais, nous les prenons au sérieux, mais à long terme nous pensons que nous agissons bien. Il n'y a pas la moindre panique au sein du gouvernement, mais bien plutôt une ferme détermination à adapter le modèle social danois. Notre vision, c'est qu'il faut donner un avenir à ce modèle et non le maintenir comme par le passé. En permanence, il est soumis aux changements de la compétition internationale et de l'évolution technologique.
Nous devons donc en permanence le renouveler et renforcer l'efficacité de notre État pour trouver des marges de man?uvre capables de créer les moyens de l'investissement public.

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Repères
1er mars 1973 : naissance à Kolding, au centre de la péninsule du Jutland.
2000 : Diplômé de l'université de sciences politiques d'aalborg, il devient conseiller pour le parti social-démocrate danois.
2005 : Chef de cabinet de Helle thorning-schmidt, leader de l'opposition sociale-démocrate, qui deviendra en 2011 Premier ministre.
2011 : Le 15 septembre, élu député social-démocrate au parlement monocaméral danois. Le 3 octobre, il devient ministre des Finances du gouvernement de coalition dirigé par Helle thorning-schmidt. Présentation d'un plan de relance « kick start » pour l'économie danoise en 2012 et 2013.
2012 : Le 24 juin, gouvernement et opposition libérale s'accordent sur une réforme fiscale.

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