Assurance-maladie : le trompe-l'oeil du miracle allemand

Outre-Rhin, les comptes de l'assurance-maladie ont affiché un excédent de plus de 4 milliards d'euros en 2011... après le versement d'une subvention de l'État fédéral de 15,3 milliards.
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Imaginez un pays où l'assurance-maladie dispose de réserves de près de 22 milliards d'euros, dégage un excédent de près de 10 milliards d'euros en 2012 - qui permet d'effacer en grande partie le déficit des administrations fédérales et locales -et où il est question de baisser les cotisations ou de rembourser les « médecines parallèles »... Ce pays existe : l'Allemagne. De fait, la République fédérale fait souvent figure de modèle lorsque l'on parle de maîtrise des dépenses de santé. Il est vrai que l'assurance-maladie obligatoire (Gesetzliche Krankenversicherung ou GKV) était jusqu'en 2003 en déficit chronique et que, depuis, elle a toujours dégagé des excédents, sauf en 2009, année noire pour la croissance allemande.
Mais derrière ces chiffres se cache une réalité moins réjouissante. Car l'État allemand n'a jamais cessé de subventionner le système de santé et les excédents présentés incluent des transferts de fonds publics considérables. Ainsi, en 2011, les ressources de la GKV ont dépassé de 4,17 milliards d'euros ses dépenses. Certes, mais dans les recettes, il faut inclure 15,3 milliards de subventions de l'État fédéral... Pourtant, nul ne peut accuser les Allemands de n'avoir pas fait d'efforts pour maîtriser les dépenses. Entre 1996 et 2009, la part de la dépense publique dans la dépense de santé a reculé de cinq points, revenant de 82 à 77 %, soit un niveau à peine inférieur de deux points à celui de la France (79 %).

2003 : la vague de déremboursements

La plus spectaculaire de ces réformes, c'est celle du gouvernement Schröder, en 2003. Elle instaurait une contribution forfaitaire de 10 euros par trimestre et par médecin lors des visites chez les généralistes et les spécialistes, ainsi qu'une augmentation du ticket modérateur journalier à l'hôpital. Plusieurs prestations, comme les remboursements des frais des transports en ambulance, les lunettes ou les médicaments de confort, étaient supprimées.
Si l'effet des déremboursements massifs a permis en 2004 une baisse spectaculaire des dépenses de santé de 5 milliards d'euros (soit - 3,14 %), elle n'a été que passagère. En 2006, le montant des dépenses publiques de santé a dépassé celui de 2004. Depuis, la hausse n'a pas cessé. Au total, le bilan est très mitigé : entre 2005 et 2011, les dépenses publiques de santé ont progressé de 25 %, le PIB allemand, de 10 %.Depuis l'arrivée au pouvoir d'Angela Merkel, l'ambition du gouvernement fédéral est moins la maîtrise des dépenses que la pérennité du financement du système. Certes, en 2010, le ministre de la Santé, Philipp Rösler, a bataillé avec les laboratoires et obtenu une baisse des prix des médicaments. Un succès, puisqu'en 2011, les dépenses liées à leur remboursement (qui représente 15 % de l'ensemble) ont reculé de 3,73?%. Mais les dépenses globales ont progressé de 2,3 %. Aujourd'hui, Berlin tente surtout de trouver une solution au financement du système en évitant les subventions de l'État. C'est l'objet de la réforme lancée en 2011. Elle commence par le retour à un taux de cotisation à 15,5 %, contre 14,9 % depuis juillet 2009, avec une nette différence entre la part salarié (8,2 %) et la part employeur (7,3 %). Elle se poursuit avec l'introduction d'une cotisation supplémentaire qui sera demandée aux seuls salariés par les caisses. Elles peuvent en fixer librement le taux. L'objectif est d'obtenir une meilleure gestion et une baisse des coûts par le jeu de la concurrence, mais aussi le désengagement de l'État fédéral. À partir de 2015, ce dernier ne devra plus assurer qu'une « compensation sociale » dont les modalités restent à définir.
Beaucoup ont vu dans ce système une forme de « privatisation » du système général de santé, et un échec de la politique de maîtrise des dépenses qui reporte les coûts supplémentaires sur les assurés. Il est vrai que le vieillissement de la population allemande pose un problème à moyen et long terme : une étude de l'institut ZEW estime qu'il faudra relever la cotisation à la GKV à 21,3 % d'ici à trente ans. C'est dire si la maîtrise des dépenses de santé outre-Rhin semble une gageure.
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La croissance, clé du redressement canadien
Au début des années 1990, le Canada est « l'homme malade » du monde occidental avec un déficit budgétaire équivalent à près de 8,5?% de son PIB et une dette équivalente à la richesse nationale. En 1994, le nouveau gouvernement fédéral libéral cesse d'appliquer les politiques de coupes budgétaires, inefficaces, menées par ses prédécesseurs. Et décide de passer au crible l'ensemble des dispositifs. « Nous nous sommes posé la question de l'efficacité de toutes les politiques publiques », se souvient Jocelyne Bourgoin, très active dans la mise en ?uvre des réformes. En deux ans, le budget fédéral canadien a été réduit de 25?% et le nombre de fonctionnaires de 17 %. En 1998, le Canada affichait un excédent budgétaire qui allait durer onze ans.
Mais les dépenses publiques n'ont reculé en valeur qu'une seule année, en 1997. Depuis, elles n'ont cessé de progresser. Progression qui est, au total, restée moins forte que la croissance. C'est là la vraie clé du redressement canadien : la croissance économique, exceptionnellement forte, en raison de la conjoncture internationale et de l'envolée du prix des matières premières.

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