Existe-t-il une sonnette d'alarme, un petit signe, un rien qui pourrait mettre les sens en alerte, détourner un regard et stopper ainsi les maléfices ? Quand la vie s'écoule monotone, sans joie, sans amour, sans espoir, l'aimant du changement abolit les défenses. Aussi est-ce en toute innocence que Miriam (Saskia Reeves) accueille Eunice (Amanda Plummer) quand elle pousse la porte de la station-service où elle travaille. Elle est bien un peu bizarre cette jeune fille qui cherche obstinément Judith, la seule fille qui lui ait écrit une lettre d'amour, mais si fascinante que Miriam la suit sans hésitation, Judith symbolique. Un film terrible sur la misère des solitudes L'histoire d'Eunice et Miriam nous parvient par à-coups, par petites doses sanglantes, surgie de la mémoire déconnectée de Miriam, définitivement passée de l'autre côté du réel. Sa petite vie ennuyeuse de caissière, elle l'a abandonnée pour accompagner Eunice. Eunice qui délire, qui cite l'Ancien Testament et ses héros vengeurs, qui tue, au nom de Dieu, dans l'absolu. Miriam, subjuguée par la conteuse et ses histoires extraordinaires, amoureuse, ira jus- qu'au bout de l'aventure, sans lendemain, sans regrets et sans Eunice. Une histoire d'amour, de sacrifices, de souffrances, que Michael Winterbottom prend bien soin de nous livrer sans mode d'emploi, laissant notre imagination errer à la recherche de la mystérieuse Eunice, de sa personnalité effervescente, de ses rêves inassouvis de justice. Un film très dur mais qui, au- delà de la fiction, nous fait toucher les réalités sous-jacentes dans la misère des solitudes. Le jury du festival du film britannique de Dinard a décerné, pour la première fois, une mention spéciale d'interprétation à Amanda Plummer et Saskia Reeves. S. CH.

latribune.fr

26 Sept 2008, 0:17

Partager :