Souvenirs « Navigation de cabotage », pa

Souvenirs « Navigation de cabotage », par Jorge Amado, traduit par Alice Raillard, éditions Gallimard, 622 pages, 160 francs. Le sous-titre de ce livre en est un excellent résumé : « Notes pour des Mémoires que je n'écrirai jamais ». Le ton est donné, car Jorge Amado, le plus grand écrivain brésilien de ce siècle, n'est pas du genre à tenir un journal de bord. Voici pourquoi, à quatre-vingts ans, en 1992, il accepte de mettre sur papier ses histoires personnelles dans un ordre qui n'a rien de chronologique, ni même de raisonné. On passe ainsi de son premier séjour réussi à Rio - lui qui ne fait pourtant que vanter sa ville, Bahia -, à une rencontre surréaliste avec Aragon, à un exil heureux en France, à une visite moins souriante à Moscou, lui le communiste de moins en moins fervent. Il se paie même le bonheur de refuser le poste d'ambassadeur du Brésil à Paris. Mais, plus que la politique, c'est un peu la littérature, beaucoup les femmes, et énormément la fête que célèbre Amado, sur un air permanent de samba. Il se souvient de tout, le bougre, de tout ce qu'il n'a pas délibérément relégué au fond de son parcours de poète de la liberté, à l'image de son ami Pablo Neruda, à qui il consacre de belles pensées, tout comme à Vinicus de Moares, autre versificateur, et inspirateur de la musique brésilienne d'aujourd'hui. Ce truculent cabotage est une vraie évasion. Biographie « Léo Ferré, une vie d'artiste », par Robert Belleret, Actes Sud Leméac, 734 pages, 180 francs. « Je t'ai rencontré par hasard, ici ou ailleurs ou autre part, il se peut que tu t'en souviennes... » Comme une chanson de Léo, sa vie est une musique. Fidèlement racontée ici par un inconditionnel, le journaliste du Monde Robert Belleret, qui, des premiers cabarets intimes à la grande scène de l'Opéra-Comique, évoque, jusque dans les détails les plus personnels, la vie de celui qui, dès huit ans, voulait être chef d'orchestre. D'une enfance bourgeoise et monégasque au libertaire adulte, le révolté roulant en Jaguar immatriculée en principauté et vivant dans une villa toscane, voici le parcours d'un homme individualiste et passionné, soucieux de reconnaissance et d'espace. La galère aura duré une moitié de sa vie d'artiste et la poésie aura rempli son entier. « Avec le temps, tout s'épanouit... » De nombreuses illustrations chronologiques complètent les innombrables anecdotes tout comme une discographie détaillée et une douzaine de pages de noms cités. Où l'on (re)découvre des textes travaillés et des musiques fignolées. Léo gratias. Roman « De si bonnes amies », de Joanna Trollope, traduit par Dominique Peters, éditions Calmann-Levy, 291 pages, 120 francs. Joanna Trollope est l'arrière-petite-nièce d'Anthony Trollope, le « Balzac anglais », dont les longues narrations font encore les délices de la bonne société britannique. Ce roman-ci, moins épais mais fort dense, se passe à Whittingbourne, dans la grande banlieue de Londres, entre pelouses rasées de près, canapés Chesterfield élimés, services à thé en argent et gens de pas si bonne compagnie. Deux amies se découvrent ennemies, l'un des maris ayant fui et l'autre étant trop présent. Il y a les enfants qui trinquent, la grand-mère qui mène une nouvelle vie, l'intellectuel qui devient restaurateur, bref le flegme local devenant commedia dell'arte. Pour, au bout de vingt chapitres, couler à nouveau au gré des convenances. Ecrit avec une plume corrosive à souhait, il s'agit là d'une étude très acidulée de la middle class d'aujourd'hui. Un livre pour cet été. J. S.
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