Notes de lecture

- David Homel : « Un singe à Moscou ». Roman traduit de l'américain par Christine Le Boeuf. Editions Actes Sud/Léméac (374 pages, 139 francs). Au milieu des années 30, des « spécialistes étrangers » vinrent à Moscou participer à l'édification du socialisme. Au nom du soi-disant internationalisme prolétarien, les deux héros de cette histoire, Sonja, une splendide jeune femme rousse, et Jack, un va-nu-pieds philosophe, quittent Chicago où ils vivaient en marginaux pour retourner dans leur pays d'origine. Leurs ancêtres en avaient été chassés par des pogroms. Eux se retrouvent, au bout de cinq ans, sans travail, et donc sans domicile, convoqués place de la Loubianka, siège du KGB. Jack rédige sa déposition car, une fois arrêté, il lui faut découvrir lui-même la faute qu'il a commise afin de pouvoir être condamné, emprisonné et peut-être un jour libéré... Imparable logique. « Je suis rentré en Union soviétique pour revenir sur mon passé... Parce que je suis venu pour des raisons que l'on pourrait considérer comme personnelles, vous me taxerez sans doute d'idéalisme... J'ai toujours cru aux buts de la Révolution et trouvé en elle le sens absent, partout ailleurs, de l'existence d'un homme sans importance. » Pathétique confession. Elle vaut à cet « ennemi du peuple » dix ans de prison pour « complot contre la nouvelle réalité ». La plupart des membres du club anglo-américain de Moscou subissent le même sort. Et le Moscow Daily News, où travaillait Sonja, finit par fermer, tandis que son directeur est défenestré lors d'un interrogatoire. Sale temps pour ces idéalistes, qui ont eu l'idée saugrenue de recueillir un singe, baptisé Oncle Jo, dont le propriétaire, un diplomate africain, s'était débarrassé avant de rentrer dans son pays... Professeur et traducteur vivant à Montréal, David Homel, dont c'est le troisième roman traduit en français, narre ici la saga de ses ancêtres. Il a effectué plusieurs voyages en Russie pour écrire ce roman, au ton drôle et enlevé, sur un épisode méconnu de l'histoire du communisme international. - Hartmut Lange : « le Houx ». Nouvelle traduite de l'allemand par Bernard Kreiss. Fayard (140 pages, 98 francs). Eichbaum, un éditeur d'art, reçoit un beau matin une étrange lettre anonyme, alors qu'il a la jambe dans le plâtre pour la deuxième fois en peu de temps. « Tu vas avoir soixante ans, et le fait que ta femme n'en ait que quarante et un ne saurait te laisser indifférent. » C'est le point de départ d'un récit, au suspense habilement entretenu, et qui se lit avec un vif plaisir. Son auteur, l'écrivain allemand Hartmut Lange, a le don de faire monter la tension et de saisir les êtres dans toute leur fragilité. Cette nouvelle, aux dimensions d'un court roman, possède un charme mélancolique, qui tranche avec la production habituelle des grosses machines germaniques que sont Heinrich Böll ou Günter Grass. F. W.
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