« Le marché américain vital pour les éditeurs de logiciel »

Les éditeurs français de logiciel rêvent de la conquête du marché américain et d'une introduction sur le Nasdaq. Quels conseils pouvez-vous leur donner ? Un « venture capitalist » (société de capital-risque) américain lançait récemment une boutade qui illustre bien le fossé culturel qui sépare la France des Etats-Unis. Les entrepreneurs ont deux amours, disait-il : l'entrepreneur américain : son business model et la valorisation de sa société ; l'entrepreneur français : sa technologie et le contrôle de sa société. Conquérir le marché américain commence par accepter que le marketing prenne le pas sur la technologie et que la logique financière l'emporte sur la logique patrimoniale. Rares sont les jeunes entreprises (Business Objects, NeurOagent-DataMind, Ilog, Nat systèmes, etc.) qui ont intégré dans leur plan de développement à moyen terme l'ouverture sur le marché américain. Cette démarche est pourtant souvent vitale. Pourquoi ? Le marché américain représente à lui seul plus de la moitié des logiciels achetés chaque année dans le monde. C'est dire sur quels volumes les éditeurs de logiciels américains amortissent leurs coûts de développement. De ce fait, quand bien même l'éditeur français serait parti avec une longueur d'avance technique, l'expérience montre que son concurrent américain a vite fait non seulement de combler son retard, mais aussi d'attaquer les marchés européens avec des moyens financiers plus importants. Désapprouvez-vous une stratégie uniquement européenne ? Elle est souvent beaucoup moins rentable, dans la mesure où le rapport entre le coût d'entrée et le potentiel de marché est généralement défavorable. En matière d'édition de logiciels, il faut être global ou accepter la marginalisation face à des acteurs plus puissants, une fois la fenêtre d'opportunité refermée. Concrètement, que faut-il faire pour accéder au marché américain ? La PME doit être assistée dans cette aventure. Depuis la phase « d'américanisation » du produit (refonte complète, « localisation » et non traduction des guides utilisateurs, bêta test en universités, etc.) jusqu'à la passation d'alliances (avec les entreprises supports, avec certains laboratoires, etc.), la route est longue jusqu'au Nasdaq ou la revente à un grand groupe. Les jeunes entreprises françaises sont généralement mal préparées à une telle aventure. Les différences culturelles sont énormes et le marché sanctionne immédiatement les erreurs. Est-ce que cela coûte cher ? Il faut prévoir 2 millions de dollars (plus de 10 millions de francs) pour les douze premiers mois. De plus, l'implication du dirigeant dans l'aventure américaine doit être totale. Ce qui suppose que la société soit déjà bien structurée en Europe et mobilisée autour du défi américain. Comment réussir cette course d'obstacles ? Une des clés est la prise en compte très en amont de la stratégie américaine. La préparation logistique, financière et humaine doit être minutieuse. Il faut s'attendre à tenir un sprint long d'une année pour réaliser les premières « ventes missionnaires » et connaître les premiers succès commerciaux. Ce n'est qu'une fois cette première sélection passée que l'entreprise pourra attirer une véritable équipe d'encadrement américaine de très haut niveau débauchée chez les grands concurrents à coups de stock-options. Propos recueillis par P. B.
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