Le terroir rattrapé par l'industrie agroalimentaire

Valeur affective, refuge face aux incertitudes, l'idée même du terroir colle à la consommation version années 90. Et ce après une décennie consacrée aux produits allégés. Mais, entre-temps, la guerre du Golfe est passée par là, entraînant un changement important dans le comportement du consommateur. « Outre un ralentissement réel du rythme de la consommation des ménages, ce qui a changé c'est la composition immatérielle de la consommation », écrit Robert Rochefort, directeur du Credoc (Centre de recherche et d'études sur la consommation) dans son livre publié aux éditions Odile Jacob, la Société des consommateurs. Le consommateur a, en effet, de plus en plus besoin de se rassurer. Si l'on en croit les sociologues, les produits de terroir viennent combler cette angoisse. Le thème « terroir et technologies » choisi cette année pour les 9es entretiens de Belley par le Cnac (Conseil national des arts culinaires) correspond à une des préoccupations majeures et permanentes de la filière agroalimentaire française qui doit toujours combiner évolutions technologiques et recherche de compétitivité. Les produits de terroir constituent la base du savoir-faire gastronomique français. Puisant leurs racines dans le passé, ils sont aussi porteurs d'avenir pour nombre d'entreprises. Toute la difficulté consiste à éviter leur banalisation afin de ne pas tuer la poule aux oeufs d'or. « Il ne faudrait pas, compte teu du phénomène de mode, que l'on vide du mot terroir toute sa substance », explique d'ailleurs Charles Perraud, directeur général de la coopérative du Sel de Guérande, une des grandes réussites commerciales des produits de terroir ces dernières années. 15 % du marché par filière. Les produits de terroir bénéficient d'un avantage important avec le soutien des pouvoirs publics. En effet, à l'occasion des derniers entretiens de Belley, le ministre de l'Agriculture soulignait qu'ils faisaient partie de ses priorités d'actions. Preuve en est l'objectif ambitieux que Philippe Vasseur s'est fixé concernant ces produits : « Nous devons faire en sorte que les produits bénéficiant d'un signe officiel de qualité représentent, pour chacune des filières, au moins 15 % du marché », estime le ministre de l'Agriculture. « Les produits de terroir apportent de nouveaux débouchés à nos agriculteurs et plus généralement à la filière agroalimentaire. Ils permettent de mieux valoriser les produits, apportent plus de valeur ajoutée. Dans un contexte marqué par un excès de l'offre, les produits de terroir sont une réponse aux préoccupations légitimes sur l'avenir de notre agriculture, notamment dans certaines zones difficiles. » Mais il reste à combiner terroir et technologie. Si la notion de « terroir » renvoie à la typicité des produits, à une élaboration souvent artisanale, en revanche le mot « technologie » est plutôt associé à la standardisation, à la production industrielle de masse. Pour rester vivant, le terroir se doit néanmoins d'évoluer tout en respectant les acquis du passé. L'adoption de technologies nouvelles peut permettre aux productions traditionnelles de terroir de répondre en volume ou en régularité d'approvisionnement aux demandes de la grande distribution et de surmonter les contraintes économiques, sociales et réglementaires auxquelles elles sont assujetties. Des professionnels mettent aussi en garde les industriels un peu trop pressés de tirer profit de la niche apporté par le succès des produits de terroir. Selon eux, il est primordial de se hâter lentement, de prendre le temps d'étudier les motivations scientifiques et d'évaluer l'incidence des changements apportés par les nouvelles techniques d'élaboration expérimentées. La banalisation du terroir et son exploitation commerciale sont des dangers certains. Un changement trop rapide pour satisfaire à la mode et au marché peut déstabiliser à la fois le produit et le terroir qui l'a engendré. Néanmoins il apparaît peu probable que la notion de terroir traduise une image figée du passé et qu'elle exclue toute innovation. Innovation que le consommateur est d'ailleurs prêt à accepter pour peu qu'elle ne brouille pas la vision qu'il a des produits du terroir. N. T.
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