Quand les appellations cohabitent avec les technologies dernier cri

N'est pas produit du terroir qui veut, même si la tendance est à l'inflation en ce domaine ! Face à la généralisation du terme, les pouvoirs publics ont mis en place une politique de qualité des produits en leur apposant quatre garanties officielles : l'appellation d'origine contrôlée (AOC), délivrée sur proposition de l'Institut national des appellations d'origine (Inao), le label, la certification de conformité et le logo agriculture biologique (AB), tous trois dépendant de la Commission nationale des labels et certifications, du ministère de l'Agriculture. L'AOC, créée en 1925, garantit l'origine géographique du produit. Le dossier, généralement constitué par un syndicat de producteurs, doit mettre en avant : la typicité du produit liée au terroir (sol, climat...), son mode d'élaboration et sa notoriété. Après avis des comités nationaux compétents et rapport d'une commission d'enquête, le produit reçoit une nouvelle appellation (« Crémant du Jura », pour le dernier en date), assorti d'un cahier des charges rigoureux (limites de la zone géographique, quantités produites, mode de production). Les labels, créés en 1960, sont davantage orientés sur la qualité intrinsèque et le goût des produits (notamment pour les volailles, les viandes et les charcuteries). Bien visibles sur les étiquettes, ils permettent de reconnaître d'un seul coup d'oeil les produits haut de gamme. Quant aux certifications de conformité, elles asurent au consommateur depuis 1988 un suivi de la filière de production : un jambon, par exemple, peut être certifié sans polyphosphates ou sans protéines végétales. « Nous n'accordons jamais un label ou une certification de manière définitive, précise Jean-Pierre Lestoille, chef du bureau des labels et de la certification à la Direction générale de l'alimentation. D'ailleurs, nous faisons souvent progresser les critères permettant l'attribution d'un label en fonction de l'évolution générale du marché. » Triple objectif. Au final, ces garanties officielles ont un triple objectif. Elles protègent les bassins de production et favorisent l'emploi dans les régions : « La fabrication des 700 tonnes par an du fromage de Laguiole exige aujourd'hui trente-cinq emplois. Intégré dans l'industrie laitière, il n'en demanderait peut-être qu'un ou deux », explique André Valadier, président du Comité des produits laitiers à l'Inao. Elles permettent aussi de lutter contre la concurrence et de doper les ventes. « Les fromages qui affichent une AOC sont ceux qui bénéficient du plus fort taux de progression de ventes : 5 % en moyenne, contre 3 % pour les autres, ajoute André Valadier. Concrètement, quand une AOC est bien gérée, elle peut faire gagner 20 % de plus-value au produit final. » Enfin, elles ont pour rôle de guider le consommateur. « A peine 15 % d'entre eux lisent les étiquettes, explique Jean-Pierre Lestoille. Les 85 % restants doivent donc identifier rapidement les produits de qualité. » Les vins, les miels et la RMN. Mais les contraintes de production, parfois sévères et souvent traditionnelles, ne freinent-elles pas l'introduction de nouvelles technologies dans les procédés de fabrication ? « Un consommateur qui achète un produit du terroir ne souhaite pas forcément qu'il intègre la technologie dernier cri, précise-t-on à l'Inao. Récemment, certains producteurs de vins ont voulu remplacer leurs barriques en bois par des cuves en béton contenant des copeaux de chêne : nous avons refusé, car nous estimons que le procédé dénature l'essence même du produit. » En revanche, toute nouvelle technologie est acceptée si elle permet d'améliorer simultanément la productivité et la qualité. Ainsi, les fromages de Laguiole sont fabriqués - depuis peu - dans de nouvelles cuves de caillage et d'égouttage qui reprennent les gestes et la chronologie de la fabrication manuelle d'antan. Côté contrôles, les évolutions sont encore plus rapides. « On se sert déjà de la résonance magnétique nucléaire (RMN) pour déterminer, par exemple, l'origine des vins et des miels, ainsi que de l'incidence réfractométrique (IR) pour mesurer et garantir les taux de sucre des fruits », explique Jean-Pierre Lestoille. Depuis 1992, cette politique de qualité est reconnue par l'Union européenne. Les appellations d'origine protégée (AOP) protègent nos AOC au plan européen : dans ce cas, le produit doit être exclusivement obtenu et transformé dans la région, comme l'huile d'olive de Nyons. Les indications géographiques de provenance (IGP) protègent nos labels et certifications de conformité : là, le produit doit seulement bénéficier d'une réputation liée à la région, à l'image du jambon de Bayonne. Frédérique Verley
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