L'attentat de Bastia atterre les Corses

La Corse est sous le choc. Même au plus chaud de la guerre fratricide entre nationalistes, les plus pessimistes n'ont jamais imaginé qu'un attentat à la voiture piégée puisse être perpétré dans l'île. Les auteurs qui visaient lundi soir Charles Pieri, le numéro deux de la Cuncolta, la branche politique du FLNC Canal historique, n'ont pas hésité à blesser des passants (quatorze au total dont une adolescente de quatorze ans), tuer Pierre-Louis Lorenzi, militant connu d'A Cuncolta, et blesser gravement Charles Pieri (La Tribune d'hier). Les Corses comparent leur île au Liban ou à l'Irlande à la veille d'une saison touristique qui s'annonçait déjà morose. Les compagnies maritimes, que ce soit la SNCM ou les compagnies qui assurent les liaisons sur l'Italie, enregistraient déjà fin juin des baisses de réservation de 15 à 20 %. « On ne peut plus faire de tourisme dans ces conditions, c'est fini. Le tourisme en Corse n'est plus qu'une succession de rendez-vous manqués », déclare Roland Dominici de la coordination des industries touristiques de la Corse. « Nous avons reçu de nombreux appels de touristes italiens inquiets, et l'on s'attend à des annulations en cascade dans les jours qui viennent », explique Pascal Lota, président de la Corsica Ferries. Mutisme total des autorités Officiellement, le gouvernement maintient sa position entre fermeté et règlement économique du problème Corse. Alain Juppé est toujours attendu dans l'île mi-juillet. Comme convenu, il doit présenter sur place le contenu de la zone franche en cours d'élaboration. Mais de zone franche, les Corses ne s'en soucient plus guère. Samedi dernier, ils étaient 1.500 à manifester à Bastia pour obtenir un Posei (programme d'options spécifiques lié à l'éloignement et à l'insularité), car il est aujourd'hui clairement établi que quel que soit le contenu de la zone franche, il n'est plus question de baisse de la TVA ni de maintien des taux spécifiques actuellement appliqués dans l'île. Selon les manifestants, seul un Posei, sorte de « super statut fiscal dérogatoire européen », permettrait à la Corse de négocier une dérogation dans le cadre de l'harmonisation européenne des taux prévue pour 1998. Le gouvernement n'a pas l'intention de se mobiliser sur le sujet. Ni sur une évolution institutionnelle de la Corse tant réclamée par les nationalistes. Et alors que les négociations entre Paris et certains nationalistes d'A Cuncolta se poursuivent, la haine entre groupes rivaux s'aggrave au point d'effrayer même les autorités policières et judiciaires qui ont préféré hier s'enfermer dans un mutisme total. Tout comme Jean-Louis Debré, ministre de l'Intérieur. Sur place, le brouillard s'épaissit. Et c'est depuis Londres, alors qu'il était en visite, que Philippe Séguin, président de l'Assemblée nationale, a insisté sur une action déterminée de l'Etat : « Le gouvernement a exprimé sa volonté d'emprunter la voie du dialogue et de la fermeté. Je pense que la fermeté est effectivement une nécessité. » Le Parti socialiste a demandé que le gouvernement prenne « conscience de l'ampleur de la dégradation de la situation et de l'inefficacité de sa politi- que ». « Assez de tergiversations », a lancé de son côté le maire (Radical) de Bastia Emile Zuccarelli, exigeant que « l'Etat prenne les moyens de faire respecter la loi et fasse désarmer les bandes armées ». Linda PERETTI à Ajaccio
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