Le président brésilien met en garde contre les conséquences de sa destitution

Même les auteurs des novelas diffusées par TV Globo, qui regorgent d'imagination, tenant en haleine le Brésil pendant au moins 200 épisodes, n'auraient osé imaginer un scénario aussi ébouriffant. Ce que certains appellent "la novela de la corruption" offre des rebondissements inimaginables - à tel point que l'hebdomadaire Veja parle cette semaine d'un "combat de Lula contre l'"impeachment"".Cela ne fait plus l'ombre d'un doute : le président était au courant de l'ingénierie financière, en partie mafieuse, qui visait à acheter les votes de députés et à assainir les finances du PT (Parti des travailleurs), exsangues après la ruineuse campagne électorale en 2002. Le témoignage du publicitaire Duda Mendonça a rendu plausible l'hypothèse d'un impeachment. Ce génie du marketing politique, auquel est imputable la victoire du PT, a précipité la chute de Lula en faisant de tels aveux : ses prestations furent payées avec des fonds en provenance de paradis fiscaux, via une entreprise offshore qu'il avait créée après y avoir été incité par le Parti des travailleurs. Par ailleurs, des journaux évoquent un mystérieux emprunt que Lula aurait contracté auprès du PT.Perplexité. De tels éléments laissent entrevoir la possibilité d'une procédure de destitution, au cas où la situation s'aggraverait et où le peuple exprimerait, dans les rues, son indignation, comme ce fut le cas en 1992 quand le Congrès déboulonna Fernando Collor. Même si Lula devait conserver son mandat jusqu'en 2006, le mal est fait, selon l'analyste politique Rubens Figueiredo : "Le président voit sa cote de popularité s'écrouler de manière fulgurante dans les classes sociales instruites, et depuis peu les Brésiliens les plus pauvres se montrent perplexes." Or, Lula comptait sur le maintien de son charisme auprès de ces dizaines de millions d'électeurs généralement mal informés pour garantir sa réélection en 2006. La Folha de São Paulo a publié un sondage montrant que si la présidentielle avait lieu ce mois-ci, Lula serait battu par José Serra, son adversaire au second tour du scrutin en 2002.Pour tenter de sauver son mandat, Lula fait miroiter les résultats économiques obtenus par son gouvernement : excédent primaire des comptes publics record, boom des exportations, inflation au plus bas, etc. Lula insinue que si la crise politique s'approfondissait, de tels acquis pourraient se fragiliser. "Nous avons créé en moyenne 104.000 emplois par mois", a-t-il avancé lors d'une allocution télévisée vendredi dernier. "Par chance, résume l'économiste Carlos Antonio Rocca (Risk Office Consultoria), Lula peut s'enorgueillir d'avoir adopté une ligne de conduite responsable en matière fiscale, raison pour laquelle l'économie ne donne pas de signes de faiblesse, malgré la tourmente." Mauvais présage, toutefois : une vingtaine de dirigeants d'entreprises sises à São Paulo se sont réunis récemment pour faire le point sur la situation. Ils ont conclu que le mieux, pour l'instant, était de geler leurs projets d'investissements en attendant... les résultats de la prochaine élection présidentielle.Yann Le Houelleur, à São Paulo
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