Relance de l'emploi : cinq leviers au banc d'essai

Relancer l'économie, certes, mais comment ? Faire consommer les épargnants ? Réformer la fiscalité ? Créer des emplois de service ? Partager le travail ? Abaisser les taux d'intérêt ? La peur du vide et la crainte d'obtenir un résultat contraire en n'utilisant pas le bon levier, ou en l'utilisant mal, plongent la classe politique en plein désarroi, qu'aggrave la crise sociale de décembre. La toute dernière étude de Patrick Artus, directeur des études économiques à la Caisse des dépôts, apporte à point nommé sa pierre au débat. Analysant chaque levier, il en décrit les ressorts, les limites... et parfois les risques. 1) Dissuader l'épargne ? Gare à l'investissement ! . Si, à court terme, la tentation est grande de relancer la consommation au détriment de l'épargne, cela ne peut qu'être une politique purement conjoncturelle. « La remontée du taux de croissance à long terme, explique Patrick Artus, impliquera une hausse de l'investissement, qui a baissé de 5 points en quinze ans, donc du taux d'épargne. La simulation de l'épargne est une politique indispensable à la création d'emplois, puisque les gains de productivité semblent désormais indépendants du taux de croissance tendanciel. » Ce phénomène nouveau est explicité dans l'étude. Celle-ci ne fait cependant pas allusion à la marge d'épargne dont dispose aujourd'hui la France : un excédant courant d'environ 1 point de PIB, que la France, ipso facto, prête à l'étranger... 2) Une réforme fiscale ? Prudence... L'idée est de réduire encore le coût du travail non qualifié, politique entreprise depuis 1994 avec une efficacité relative, puisque l'ensemble des salaires a faiblement évolué depuis dix ans. La diminution du Smic étant socialement impossible - et d'ailleurs économiquement douteuse, selon d'autres sources -, une réforme fiscale paraît s'imposer. Il ne pourrait s'agir, selon Patrick Artus, que de relever l'impôt sur les ménages afin de réduire les charges sociales patronales (et non pas les charges sociales salariales, comme le gouvernement est tenté de le faire : cela n'aurait, selon lui, que des effets macro-économiques faibles). Mais attention ! Une telle réforme présente au moins deux grands risques. Le premier est « une réaction très négative de l'opinion », si le temps de réaction des entreprises est long. Le second est que la réforme, pour être efficace, doit opérer un transfert important vers les chômeurs, au détriment des classes moyennes pénalisées par la hausse de la fiscalité directe. Bref, cette réforme, d'ailleurs reportée par le gouvernement, est jugée « risquée, politiquement, socialement et économiquement, surtout à court terme, lorsque ses effets positifs sur l'emploi ne sont pas encore visibles ». 3) Créer des emplois de service ? Attendre et voir . Selon Patrick Artus, c'est seulement dans le commerce qu'un déficit français d'emplois subsiste, en raison de forts gains de productivité dans les années 80. Or cela se corrige actuellement spontanément, sous l'effet de la baisse du coût du travail, et mieux vaudrait laisser faire. La création de nombreux emplois de services, si elle est favorable à l'emploi, « a des inconvénients micro- et macro-économiques », qui se traduisent en France par des pertes de compétitivité, puisque l'évolution des salaires est la même dans l'industrie et dans les services. 4) Partager le travail ? Pas de choc à espérer . Contrairement à une idée reçue, la France a déjà pratiqué un intense partage du travail, réduisant l'âge de cessation d'activité - sans précaution ni pour la mémoire des entreprises, ni pour l'équilibre des systèmes de retraites. Seulement 17,6 % des plus de cinquante-cinq ans travaillent en France, contre 22,8 % en Allemagne et... 44,7 % au Japon. Continuer sous d'autres formes ? La difficulté n'est pas de mettre en place l'arithmétique élémentaire du partage du travail : les chômeurs embauchés peuvent apporter aux entreprises leurs indemnités de chômage, et les emplois ainsi créés peuvent être exonérés de charges sociales sans baisse insupportable du pouvoir d'achat pour les salariés déjà en place. La difficulté est de ne pas réduire la capacité de production, et donc de négocier une réorganisation des entreprises. Mais, si une telle solution apparaît plus comme un effet positif à long terme des gains de productivités que comme une mesure défensive brutale visant à créer des emplois en période de récession. C'est plus un instrument de moyen terme qu'une mesure choc utilisable en période de fort chômage, selon Patrick Artus. 5) Une baisse des taux ? Indispensable . Le diagnostic de Patrick Artus se passe de commentaire : « Il est apparu que le niveau durablement excessif des taux d'intérêt réels devait contribuer à réduire la part des salaires dans la valeur ajoutée et le taux d'investissement, ce qui aboutit à la situation apparemment absurde où la hausse de la part des profits coïncide avec la baisse de l'investissement. » J.-F. C.
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