Le rapport Cabanes met en garde le patronat contre les excès de la flexibilité

Si le Premier ministre se montre « inquiet » de la lenteur des négociations, Pierre Cabanes, le directeur général adjoint de Thomson SA chargé par le ministre du Travail d'un rapport sur les négociations de branche présenté lors du sommet de Matignon, se montre nettement moins sévère. « A ce jour, un bilan est prématuré », affirme le rapporteur, en soulignant que l'accord national interprofessionnel sur l'emploi du 31 octobre 1995 « peut marquer une date très importante dans l'histoire des relations sociales en France ». Pour ce spécialiste des affaires sociales, même si les accords signés semblent pour l'instant « partiels ou modestes », notamment du point de vue des perspectives de créations d'emplois, les négociations de branches engagées depuis neuf mois ont permis « une confrontation des points de vue respectifs », mettant fin « à des affrontements théoriques qui avaient pour conséquence ultime de reporter périodiquement sur l'Etat la solution d'un problème qui est à rechercher ailleurs ». Si, pour Pierre Cabanes, « l'essentiel est qu'un mouvement soit créé », le patronat doit prendre garde à ne pas utiliser abusivement l'aménagement du temps de travail pour introduire une flexibilité trop lourde pour les salariés. Sur ce point, le rapporteur décèle une dérive certaine dans les négociations engagées, les entreprises ayant tendance à multiplier les types de répartition de la durée du travail, ce qui « rend, dès à présent, le contrôle de l'Inspection du travail difficile ». D'où la mise en garde en direction du patronat : « La flexibilité ne saurait être associée à la notion d'excès incontrôlés », souligne Pierre Cabanes, en suggérant que les branches soient « invitées » à « réfléchir à la déontologie de la flexibilité ». Le rapporteur cite notamment « certains abus constatés dans la mise en oeuvre du travail à temps partiel ». Plus d'emplois à la clé L'examen des accords conclus fait apparaître que les branches n'ont pas abordé les quatre thèmes préconisés par l'accord du 31 octobre 1995 (annualisation-modulation, heures supplémentaires, temps partiel et compte épargne-temps). « De manière générale, la maîtrise des heures supplémentaires et leur compensation en repos ainsi que l'encouragement au temps partiel trouvent pour l'instant moins d'écho dans les accords ou les projets d'accords que les débats autour de la modulation classique ou de l'annualisation. » Cette constatation montre bien que, pour la plupart des branches, l'aménagement du temps de travail a le mérite essentiel de pouvoir introduire une plus grande flexibilité dans la réglementation du Code du travail. Pour être créatrice d'emplois, la réduction de la durée du travail doit intervenir dans un contexte de croissance suffisante, souligne le rapport. « Rechercher une réduction du temps de travail créatrice d'emplois en tenant pour acquise la stagnation de l'activité économique reviendrait à viser un partage des revenus difficilement réalisable, contestable du point de vue de l'équité sociale et en définitive contre-productif pour l'activité et la prospérité du pays. En revanche, dans le cadre d'une stratégie de croissance économique, une politique d'aménagement-réduction du temps de travail prend tout son intérêt et trouve sa justification. » Selon les simulations de la Dares réalisées en 1996, le service d'études du ministère du Travail, une réduction générale du temps de travail de 5 % (soit 37 heures en moyenne hebdomadaires) dans le secteur marchand créerait entre 146.000 et 700.000 emplois selon les paramètres retenus, notamment sur la prise en compte du temps partiel, l'impact des gains de productivité et les hypothèses de compensation salariale. D. G.
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