Le système allemand : mieux mais plus cher

Sans l'apprentissage, Hoechst ne trouverait jamais sur le marché les quelque 1.000 personnes bien formées dont l'entreprise a besoin chaque année », affirme le responsable de la politique sociale du groupe, Klaus Unterharnscheidt. Hoechst, 60.000 salariés en Allemagne, forme en ce moment même 3.400 apprentis et dépense chaque année 126 millions de marks à cet effet (430 millions de francs). Ouvriers qualifiés pour la production, assistants de laboratoire, secrétaires, mais surtout commerciaux, bénéficient d'une formation maison. Après dix années de scolarité, un tiers seulement des jeunes Allemands de 15-16 ans poursuivent vers le baccalauréat et la voie universitaire. Les deux tiers choisissent une formation en alternance, ce que les Allemands appellent le système dualiste : trois ou quatre jours par semaine se passent en entreprise, le reste du temps dans une école professionnelle. Le système de l'apprentissage relève de l'Etat fédéral (alors que le système scolaire relève lui de la compétence des Länder). Mais tous les partenaires sociaux y sont largement associés. Par exemple, les dernières négociations tarifaires dans la chimie ont prévu d'augmenter de 10 % le nombre de postes proposés aux apprentis. Main-d'oeuvre bon marché Le fonctionnement du système diffère d'une entreprise à l'autre. Hoechst ne se contente pas d'assurer la formation pratique. Elle donne aussi à ses apprentis des cours théoriques qui viennent en complément de ceux offerts par les écoles professionnelles. Les grandes entreprises possèdent en général de véritables ateliers de formation. Les « Azubis », comme on les appelle en Allemagne, ne participent pas directement à la production et l'entreprise emploie des formateurs professionnels. Dans les PMI et l'artisanat, la formation pratique est assurée par des employés plus expérimentés. Les apprentis participent directement à la production et constituent en quelque sorte une main-d'oeuvre bon marché. La convention collective de la chi- mie en Hesse (où e trouve le siège social de Hoechst) prévoit des rémunérations de l'ordre de 1.000 marks par mois (990 marks la première année, 1.095 la deuxième et 1.200 la troisième), soit plus de 3.400 francs. L'issue de la formation dépend d'un examen que 97 % des jeunes apprentis de Hoechst réussissent. « Sur les 1.245 apprentis qui ont réussi leur examen à la dernière session, nous en avons recruté 982 », explique Klaus Unterharnscheidt. « Les deux tiers de notre person- nel sont issus de l'apprentissage maison. » Mais le système coûte cher : 25 milliards de marks pour les entreprises, d'après une étude réalisée en 1991 par le BIB, l'institut fédéral pour la formation professionnelle. « Aujourd'hui, cela doit représenter peut-être 30 milliards de marks », estime Richard Von Bardeleben, qui avait dirigé l'étude. A cela s'ajoutent entre 10 et 11 milliards de marks supportés par les Länder qui soutiennent les entreprises à hauteur de 5.000 marks à 8.000 marks par jeune formé. En tout, le système allemand coûte plus de 40 milliards de marks, soit près de 140 milliards de francs... Trop nombreux, trop cher Ce coût élevé et, surtout, la diminution des besoins des entreprises expliquent les déficiences du système. « Il est vrai que l'industrie se plaint de plus en plus du poids élevé de l'apprentissage, admet Richard Von Bardeleben. La principale critique que nous entendons c'est qu'il n'y a pas besoin de former 600.000 jeunes quand les milieux économiques n'ont besoin que de 400.000 apprentis. On nous répète surtout qu'un apprenti de moins ce sont de 15.000 marks à 17.000 marks de bénéfices supplémentaires pour les entreprises. Mais il ne faut pas oublier que, si l'on intègre le facteur impôts, ce ne sont plus 18.000 marks d'économies pour les entreprises, mais peut-être seulement 8.500. » La tendance est clairement à la réduction du nombre de postes offerts, surtout par les grandes entreprises. Globalement, l'offre répond de moins en moins à la demande, suscitant de grandes inquiétudes dans l'opinion. Et le chancelier Kohl a dû monter au créneau pour encourager les entreprises à faire passer le nombre de contrats d'apprentissage à 600.000 contre 573.000 à l'heure actuelle. Déjà, 20.000 places sont offertes par le secteur public, en parfaite contradiction avec la tradition du système dont l'avenir repose sur les PMI : les deux tiers des apprentis allemands apprennent leur métier dans une entreprise de moins de cinquante salariés. NATHALIE VERSIEUX À BERLIN
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