Temps de travail : l'Etat préfère la négociation à la loi

Après la famille et l'emploi des jeunes, le temps de travail. Le Premier ministre réunit aujourd'hui à Matignon le CNPF et les organisations syndicales pour un troisième sommet social sur ce thème. A la lumière des négociations de branches engagées sur l'aménagement et la réduction de la durée du travail depuis l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995, les partenaires vont définir un programme d'actions pour les mois à venir afin de mieux utiliser l'instrument du temps de travail dans la lutte contre le chômage. Pour l'heure, le bilan des négociations de branche est satisfaisant (voir encadré) compte tenu de la complexité du dossier et des réticences initiales du patronat et des syndicats. « Nous assistons à un réel changement culturel des deux côtés, souligne un conseiller du ministère du Travail. Les milieux patronaux, après bien des hésitations, acceptent de remettre en cause l'organisation du travail pour bâtir une croissance plus riche en emplois et les syndicats reconnaissent qu'une plus grande flexibilité est nécessaire pour améliorer la productivité des entreprises et développer les emplois. » Il ne faut sûrement pas attendre de ce sommet des décisions spectaculaires mais plutôt la définition d'une méthode de travail. S'appuyant sur les conclusions du groupe d'experts présidé par Pierre Cabanes, le président du CESRC (Conseil de l'emploi, des salaires, des revenus et des coûts), le gouvernement est aujourd'hui convaincu que les réformes sur le temps de travail ne peuvent venir que de la négociation et de la volonté des entreprises. Il serait inefficace, selon lui, d'imposer par la loi une approche globale de réduction de la durée du travail, comme le propose par exemple le projet de Michel Rocard . « Le grand danger que nous devons éviter, confie un proche du ministre du Travail, Jacques Barrot, c'est que les hommes politiques, pressés par une opinion impatiente, s'embarquent dans une stratégie de réglementation qui enlèverait aux partenaires sociaux le goût de négocier et coûterait très cher au budget de l'Etat. » Alors que le Premier ministre avait brandi voici quelques mois la menace d'une intervention législative pour inciter les branches à négocier, il semble aujourd'hui convaincu que ce n'est pas la bonne méthode. Des lois « garde-fous » pour gérer les dérives Au contraire, le gouvernement s'apprête à accorder un délai supplémentaire pour laisser les négociations de branches se poursuivre. « Menacer de légiférer, c'est encourager les branches récalcitrantes à ne pas négocier et à attendre la loi », confie-t-on chez Jacques Barrot. Le gouvernement envisage cependant d'utiliser la loi pour limiter certains abus. Sur deux thèmes précis s'esquissent déjà des projets de réglementation, qui pourraient être soumis au vote du Parlement dès l'automne : les conditions d'utilisation du temps partiel, dans les secteurs du commerce et de la grande distribution notamment, où les entorses sont fréquentes ; le recours abusif aux heures supplémentaires. Le Premier ministre compte bien annoncer au CNPF, lors du sommet, son intention de mettre en place des lois « garde-fous » pour l'inciter à raisonner les entreprises coupables de dérives. Sur le temps partiel, le gouvernement souhaite aussi pousser les entreprises à restituer aux salariés une partie des avantages tirés des allégements de charges et évoquer le problème des retraites. A plus long terme, il compte aussi lancer une réflexion sur la manière de lier les allégements de charges sur les bas salaires et la réduction de la durée du travail. Delphine Girard
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