La loi de Robien mise à l'épreuve à Whirpool Amiens

Une première application de « sa » loi dans « sa » ville : Gilles de Robien, président du groupe UDF à l'Assemblée nationale et maire d'Amiens, inspirateur de la nouvelle loi sur la réduction du temps de travail votée le 11 juin, en rêvait. Ce n'est donc pas un hasard si, avant même la parution des décrets d'application de la loi, prévue pour la fin juillet, la direction de l'usine Whirpool, à Amiens, spécialisée dans la fabrication de sèche-linge, a décidé, dès le mois de juin, d'explorer ce chantier en ouvrant des discussions avec les syndicats. Si la direction des affaires sociales dément que les négociations sont ouvertes, les syndicats sont formels : deux réunions ont déjà eu lieu et la prochaine est fixée au 19 août. Chez Whirpool Amiens, on connaît bien le dossier du temps de travail. L'entreprise a introduit, depuis le 1er octobre 1995, l'annualisation des horaires, suite à un accord signé avec l'ensemble des organisations syndicales, réduction de la durée du travail à la clé. Avant l'accord, les salariés travaillaient 37,75 heures par semaine. Depuis, la semaine a été réduite en moyenne à 36,59 heures, soit vingt jours de travail en moins sur l'année. En contrepartie, quarante intérimaires ont été embauchés dans le cadre d'un temps partiel annualisé. Neuf mois après l'accord pointe le désenchantement. Deux syndicats, la CGT et la CFTC, l'ont dénoncé pour deux raisons. La trop grande brièveté du délai de prévenance - deux semaines en cas d'augmentation de la durée du travail, une semaine en cas de réduction - empêche les salariés de jouir du temps libéré. D'autre part, l'accord n'a pas évité onze jours de chômage partiel depuis le 1er janvier. La direction a décidé d'aller plus loin dans l'expérimentation. En application de la loi de Robien, qui accorde aux entreprises des allégements de charges quand elles réduisent collectivement l'horaire de travail et embauchent en contrepartie, elle a proposé aux syndicats une réduction du temps de tra- vail de 10 %, soit un passage de 36,59 heures à 32,93 heures hebdomadaires, en moyenne sur l'année, avec l'embauche de quatre-vingt-cinq salariés. Mais, et c'est là que les syndicats s'inquiètent, elle demande aux salariés une réduction de leurs rémunérations de 3 % la première année et un ralentissement des augmentations générales sur une durée de sept années - 0,5 % par an -, durée des allégements de charges accordés par l'Etat. Des propositions inacceptables pour la CFTC et la CGT. « Elles aboutiraient sur sept ans à des pertes de salaires de 15 % à 18 % », explique Philippe Théveniaud, le président de l'union départementale de la Somme CFTC. « Comme le salaire moyen chez Whirpool s'élève à 6.000 francs net, tous les ouvriers de production se retrouveront au Smic dans sept ans... » La CFTC comme la CGT estiment qu'une réduction du temps de travail est possible chez Whirpool, sans perte de salaire, puisque la loi de Robien accorde de fortes réductions des charges patrona- les : 40 % la première année et 30 % les six années suivantes, sur l'ensemble de la masse salariale. Le statut des embauches reste à définir Autre inquiétude : sous quel statut seront embauchés les quatre-vingt-cinq salariés supplémentai- res ? La loi ne précise pas si les embauches compensatrices doivent être impérativement à temps plein et à durée indéterminée. « Nous ne voulons pas de temps partiels annualisés payés 3.200 francs par mois », avertit la CFTC. Le blocage des discussions chez Whirpool montre bien que les décrets d'application de la loi devront être assez précis pour éviter que les entreprises ne profitent de l'effet d'aubaine, en bénéficiant des aides sans apporter des garanties suffisantes sur l'emploi, et n'imposent aux salariés de trop lourds sacrifices salariaux. D. G.
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