Paris souhaite la tenue de sommets informels de la zone euro

Quel calendrier envisagez-vous pour la rédaction et la ratification du nouveau traité ?La conférence intergouvernementale commencera le 24 juillet sous présidence portugaise. Elle devra être assez courte dans la mesure où - et c'est une première en Europe - le mandat adopté par le Conseil européen est un mandat politique extrêmement détaillé. La présidence portugaise nous a fait part de son souhait d'avoir une conclusion de cette CIG au Conseil européen des 18 et 19 octobre à Lisbonne. Nous pouvons dans ce cas envisager une signature des actes du traité de l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union à la fin de l'année, et donc une ratification dans les toutes premières semaines de 2008 en ce qui concerne la France.À force d'accorder des dérogations au Royaume-Uni, son appartenance à l'Union européenne a-t-elle encore un sens ?Nous avons déjà une Europe qui fonctionne selon des vitesses différentes, comme la zone euro ou l'espace Schengen dans lesquels le Royaume-Uni n'est pas partie prenante. Les Britanniques ont choisi de se mettre en retrait sur la politique relative aux affaires intérieures et judiciaires ainsi que sur la charte des droits fondamentaux mais cela permet aux autres d'avancer.Que signifie concrètement le retrait de la libre concurrence des objectifs de l'Union ?Le retrait de la concurrence libre et non faussée des objectifs doit être apprécié dans le cadre d'un équilibre global. Les objectifs de l'Union européenne portent davantage sur des valeurs qui sont celles de la démocratie, de la cohésion sociale, de la diversité culturelle, de la croissance non inflationniste, de la protection des citoyens. Ce retrait signifie que la concurrence n'est pas une fin en soi. Ce n'est pas une valeur que l'Union porte dans l'ensemble du monde. Elle est un moyen, conformément à ce qui existait dans le traité de Rome, de consolidation du marché intérieur, ce qui n'a jamais été remis en cause. Le fait que l'un des éléments les plus contestés au moment de la campagne référendaire soit retiré et que la protection des citoyens soit intégrée parmi les objectifs montre qu'il y a un nouvel équilibre dans le sens donné à la construction européenne.À quoi correspond la réciprocité commerciale réclamée par Nicolas Sarkozy dans la mesure où c'est déjà le cadre de toutes les négociations à l'Organisation mondiale du commerce ?Vous avez raison, tout est fondé sur la réciprocité. L'ennui est que nous n'avons pas tous la même compréhension de ce qu'est la réciprocité. Lors de la dernière réunion du G4 à Potsdam, les Brésiliens, notamment en ce qui concerne l'accès de leur marché aux produits industriels et la réduction des droits de douane qui doivent y afférer, n'ont pas fait les efforts suffisants. Donc, au stade actuel des négociations, il apparaît un déséquilibre d'une part au sein du dispositif agricole entre l'Europe et les États-Unis, et d'autre part entre le paquet agricole et le paquet industriel, sans parler du paquet services qui est repoussé.Les pays développés doivent peut-être s'ouvrir davantage que les autres ?C'est votre analyse économique et théorique. Mais j'en ai une autre qui consiste à dire que nous n'allons pas nous laisser culpabiliser par de nouvelles grandes puissances émergentes dont la force de frappe économique sur le plan international est au moins égale - quand vous regardez la Chine, l'Inde, le Brésil - à celle des pays développés. Nous ne voulons plus de naïveté commerciale en Europe ou en France. Vous n'aurez une lutte efficace contre le réchauffement climatique que si, sur le plan commercial et sur le plan économique, vous avez une même égalité des droits et des devoirs de chacun des partenaires. Kyoto a suffisamment souffert des déséquilibres existants avec les États-Unis et la Chine pour que nous ne recommencions pas les mêmes erreurs.Est-il possible de taxer les importations en provenance des pays qui ne respectent pas le protocole de Kyoto, comme le suggère Nicolas Sarkozy ?Pascal Lamy, le directeur général de l'OMC, admet qu'il y a certaines souplesses. Il s'en est fait le porteur puisqu'il était commissaire européen en charge du commerce. Nous demandons simplement que le directeur général de l'OMC nous laisse appliquer les mêmes principes qu'il a lui-même développés lorsqu'il était commissaire européen.Nicolas Sarkozy tient aussi un discours offensif sur le terrain de la politique industrielle. Allons-nous être suivis par la Commission et les autres pays ?Il y a une prise de conscience sur la nécessité d'avoir un socle industriel fort en Europe. J'ai été frappé, lors du premier Conseil des ministres consacré à la compétitivité, auquel j'ai assisté le 20 mai, de voir qu'une partie importante était consacrée au développement de projets industriels, de nature sectorielle, ce qui n'était pas du tout la tradition il y a quelques années. Vous discutez maintenant de programmes ayant trait aux biotechnologies, à l'automobile, aux télécommunications, à la construction navale ou aux logiciels. Parler de politiques industrielles n'est plus un tabou au niveau communautaire.Quelle forme le gouvernement économique de la zone euro - que Nicolas Sarkozy appelle de ses voeux - peut-il prendre ?Il faut accroître la visibilité de l'Eurogroupe, lui donner plus de consistance, renforcer encore les prérogatives de son président. Il n'est pas normal, lorsque vous avez un dialogue avec la Chine, que l'Europe envoie successivement le président de la Banque centrale européenne, le commissaire européen en charge des affaires économiques et monétaires, le président de l'Eurogroupe, le président de l'Union à titre de présidence tournante, plus une multitude de commissaires. Nos amis chinois ont plus de facilité à savoir qui vient des États-Unis lorsqu'ils reçoivent le secrétaire d'État au Trésor. Il s'agit de l'un des dossiers européens les plus importants. On ne peut pas en rester à la coordination budgétaire et avoir de l'autre côté une politique monétaire. Il faut avoir véritablement un dialogue avec la Banque centrale européenne sur la manière dont sont articulées la politique monétaire et la politique budgétaire et savoir si nous avons le meilleur policy mix pour déboucher sur plus de croissance possible. Bref, il s'agit d'anticiper sur le nouveau traité. Par ailleurs, il faut réfléchir sur la politique de change pour savoir si elle est la plus adaptée à la croissance économique de la zone euro et à la compétitivité, comme cela se fait dans d'autres zones. Enfin, il faut faire en sorte qu'un certain nombre de réformes structurelles aillent dans le même sens, pour que les différents pays ne puissent pas agir dans des directions totalement opposées. Dernier point : il est bon, dans cette Europe à vingt-sept, que la zone euro acquière une identité politique. Une réunion informelle des chefs d'État et de gouvernement de la zone euro y contribuerait.Que met-on dans une politique de change ?Selon le traité, les orientations générales de la politique de change doivent être en adéquation avec les objectifs de croissance et d'emploi qui sont fixés par ce même traité. Ce sont les ministres des Finances qui sont responsables de ces orientations générales. Il ne faut pas l'oublier.Où en est-on de la possibilité de donner aux PME un plus grand accès aux marchés publics ?Nous devons faire en sorte de trouver le dispositif juridique adéquat qui permette de poser, dans le cadre de l'OMC, la question de l'existence d'un small business act européen de la même façon que les États-Unis sont arrivés à inscrire dans le cadre des négociations de l'OMC leur propre small business act. Avec Bruxelles, c'est plus une question de réglage juridique qu'une question de principe.
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