Opération « mains propres » sur les rives du Nil

Le président égyptien Hosni Moubarak réussira-t-il à effacer l'impression désastreuse laissée par les législatives de novembre dernier ? La composition du nouveau gouvernement annoncée mercredi soir répond à l'évidence à ce souci de rassurer une communauté internationale particulièrement échaudée par le spectacle d'une parodie de démocratie dans un pays gagné par l'islamisme. Un pays dont la survie dépend, pour une large part, de l'aide des pays industrialisés, et notamment des Etats-Unis qui, chaque année, apportent 2 milliards de dollars d'argent frais d'assistance non militaire. Pour montrer la priorité qu'il donne à la poursuite des réformes économiques, le président égyptien a nommé à la tête du nouveau gouvernement Kamal el-Ganzouri qui fut, en tant que vice-Premier ministre et ministre du Plan, l'un des artisans de la politique de libéralisation lancée en 1991. Ce docteur en économie de l'université américaine du Michigan était en outre chargé de mener les négociations entre son pays et le FMI. Un point essentiel dans le différend qui oppose actuellement l'Egypte au Fonds Monétaire (voir ci-dessous). Si la majeure partie des postes clés (Défense, Affaires étrangères, Education, Information ou Intérieur) ne changent pas de titulaires, une autre nomination est lourde de signification : celle de Nawal el-Tantaoui au ministère de l'Economie. Une femme titulaire d'un doctorat de l'université américaine du Caire qui a commencé sa carrière dans les plus grandes banques égyptiennes avant de rejoindre la Banque mondiale, puis les Nations unies au sein de la commission chargée d'élaborer une stratégie de développement économique pour les pays en voie de développement (PVD). Choisis pour leur compétence reconnue, ces deux hauts fonctionnaires font en outre partie de l'élite anglophone, naturellement tournée vers les Etats-Unis. Mais surtout, ils ont les « mains propres », fait peu courant dans un pays où la corruption généralisée de la haute administration soulève une réprobation croissante et affole les investisseurs potentiels. Les dernières législatives ont porté à son comble ce sentiment de pourrissement. Le fait que 97 % des sièges du nouveau parlement aient été « raflés » par le Parti national démocrate au pouvoir ou par ses affidés « indépendants » suffisait pour jeter la suspicion sur la régularité du scrutin. De fait, les multiples exactions émanant des forces de polices et les violences qui se sont soldées par au moins une vingtaine de morts, ont débouché sur des procédures d'annulation portant sur près de 220 élus sur 444. Fait exceptionnel, cette fraude généralisée a même donné lieu à des remontrances de Washington. D'habitude si conciliants avec leur allié Egyptien, les Etats-Unis ont en effet demandé une enquête sur les irrégularités du scrutin en menaçant le Caire d'une révision des relations entre les deux pays si les fraudes étaient prouvées. L'affaire des élections truquées a, sans aucun doute, été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase et le remaniement ministériel est une façon, pour le président égyptien Hosni Moubarak, d'indiquer qu'il a bien reçu le message. FrançoisE Paoletti au Caire
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