La main invisible de Theo Waigel

Theo Waigel a « séché » le sommet de Lyon. Pour la première fois dans l'histoire du G7, un ministre allemand des Finances a laissé ses six homologues délibérer sans lui. Explication officielle : venu voir sa famille, Theo Waigel s'est trouvé cloué au sol à Memmingen (Bavière) vendredi matin, un « problème technique » ayant interdit à l'avion de la Bundeswehr de décoller pour Lyon. Avarie diplomatique ? Rien ne permet de l'affirmer. Il est en revanche clair que l'absence de son ténor économique n'a pas empêché l'Allemagne de marquer des points à l'issue du sommet des Sept. Ce qui confirme deux choses : le communiqué du G7 est pratiquement bouclé longtemps avant la tenue des sommets ; les positions à défendre relèvent du pur bras de fer politique entre chefs d'Etat et de gouvernement. Il en est ainsi du chapitre économique et monétaire du communiqué. « Enfin une politique monétaire commune ! » titre le quotidien Süddeutsche dans son édition de samedi. Une référence au fait que les sept partagent « la même stratégie économique à moyen terme fondée sur des programmes crédibles d'assainissement des finances publiques ». Les Américains n'ont pas obtenu que soit soulignée la nécessité d'accentuer la détente monétaire en Europe continentale. « Ils ont pourtant insisté, indique cette source française, mais le chancelier Kohl a alors mis en avant les efforts titanesques de son gouvernement pour réformer l'Etat providence. » En clair : je suis en pleine bataille, n'allez pas me poignarder en désavouant la Bundesbank. Pour les parités de change - qui satisfont désormais les Allemands - Waigel n'avait pas davantage besoin de se déplacer. Le rapport des ministres sur la stabilité monétaire - bouclé depuis plusieurs semaines - donnait déjà aux Français leur « os à ronger », à savoir l'évolution positive « et prometteuse » des mouvements de change depuis un an (le billet vert s'est apprécié de 13 % face au mark). Ce qui à permis à Jean Arthuis de déclarer jeudi matin, sans risquer d'être désavoué, que « le dollar a encore une marge d'appréciation ». Autre point sensible pour les Allemands, l'aide publique au développement et le problème spécifique du financement de la facilité d'ajustement structurelle renforcée (FASR) du FMI. Bonn souhaitait la pérennisation de ce mécanisme permettant d'alléger le fardeau financier des pays les plus pauvres - ce à quoi les Sept se sont engagés à Lyon. Mais l'Allemagne ne voulait pas entendre parler d'une cession d'une partie du stock d'or du Fonds, autant pour des raisons de pure orthodoxie (on ne gage pas les bijoux de famille) que par souci de privilégier les contributions volontaires bilatérales. Seuls contre tous, les Allemands ont tenu : « Nous réfléchirons, indique le communiqué, aux options possibles pour financer [la FASR] en faisant appel principalement aux ressources détenues par le FMI, sans exclure des contributions bilatérales. » Le dénouement de cette bataille de l'or est attendu fin septembre à Washington, lors de l'assemblée annuelle du Fonds. Son directeur général, Michel Camdessus, indiquait à Lyon que, en cas de vote du conseil d'administration, 80 % des votes - sur 85 % requis - étaient d'ores et déjà favorables aux ventes d'or. L'Allemagne parviendra-t-elle à mobiliser au-delà de ses 7 % de droits de vote ? Ce n'est pas sûr mais Michel Camdessus « fera tout » pour obtenir un consensus. Ce qui est certain, c'est que, dans trois mois, l'avion de Theo Waigel ne manquera pas de décoller pour Washington ! Daniel Vigneron, envoyé spécial à Lyon
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