Les islamistes turcs semblent convertis au libéralisme

Poursuite des privatisations, lutte contre l'inflation, encouragement des investissements étrangers, ... « La Bourse monte, tout va bien. » Derrière la boutade d'un responsable du patronat turc, force est de constater que les milieux économiques d'Istanbul réagissent plutôt sereinement à l'annonce de la formation d'un gouvernement de coalition entre les islamistes de Necmettin Erbakan et la formation de droite DYP de Tansu Çiller, ancien Premier ministre, et de son programme économique, dans la ligne des gouvernements précédents. Hier, à l'ouverture de la Bourse d'Istanbul, l'indice composite a même bondi de 473 points avant de retomber en clôture à 70.328 points, contre 70.489 vendredi soir. Un très léger recul de 161 points qualifié d' « insignifiant » par les professionnels et qu'Eren Kiliclioglu, directeur de la Bourse pour les affaires internationales, explique par la nécessaire période d'attente avant le vote d'investiture du futur gouvernement par les députés, en début de semaine prochaine. Pour autant, les milieux patronaux restent attentifs à la suite des événements. « A part une grande déception vis-à-vis de Tansu Çiller, qui avait pourtant promis que jamais elle ne s'associerait aux islamistes, il nous faut bien admettre cette alternance, à condition que le Refah (parti de Necmettin Erbakan) reste dans le cadre de la Constitu-tion ... », commente ainsi Ugur Yuce, président du Conseil des affaires franco-turc, en faisant allusion au respect du caractère laïc de l'Etat, auquel une grande majorité de Turcs, depuis Mustafa Kemal Atatürk, est très attachée. D'ailleurs, poursuit Ugur Yuce comme pour se rassurer, « nombreux sont nos compatriotes qui estiment qu'associer les islamistes au pouvoir est le meilleur moyen d'empêcher qu'ils continuent à progresser dans l'opinion ». Sur le strict plan économique, ce responsable patronal juge que « rien ne sera changé car Tansu Çiller a imposé, dans le protocole de gouvernement, que ce secteur resterait de sa compétence ». La seule vraie inquiétude, selon lui, porterait sur les risques « d'infiltration » des islamistes dans les rouages de l'administration, « partout où ils le pourront ». Certains opérateurs français, qui ont eu récemment à traiter avec les municipalités d'Ankara ou d'Istanbul, gérées par le Refah, n'ont cependant pas eu à s'en plaindre... Reste à savoir si le futur gouvernement, quel qu'il soit, saura dégager la « stratégie économique crédible » que l'OCDE appelait de ses voeux dernièrement, souhaitant une plus grande « stabilité budgétaire ». Ce sera là le grand défi de l'équipe gouvernementale, qui peut tabler sur une croissance soutenue (4,5 % en 1996, selon l'OCDE), bien qu'en recul par raport à celle de l'an dernier (8,1 %), mais qui doit faire face à une inflation toujours galopante (70 % prévus cette année) et à un endettement très important (44 milliards de dollars de remboursement de dette extérieure sur les cinq prochaines années). Une des prochaines décisions du futur gouvernement, retardée justement par la crise politique, pourrait être de faire adopter par les députés la nouvelle législation libéralisant le système des concessions aux entreprises étrangères. ALAIN BARON
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