« Mutuelles : on va vers des produits sur mesure et low-cost »

Les comportements des Français en ma- tière de dépenses de santé évoluent-ils ?Patrick Robert. 93 % d'entre eux bénéficient aujourd'hui d'une assurance complémentaire santé, dont 6 % à 7 % grâce au système de la couverture maladie universelle (CMU). Les aides publiques pour aider les plus pauvres à financer une partie de leurs cotisations demeurent méconnues : seulement 300.000 Français ont pu en profiter, contre un objectif initial de 2 millions. Cela représente néanmoins un progrès puisque, début 2000, seuls 85 % de la population étaient couverts. Malgré cela, une complémentaire reste chère : selon les études de l'Irdes, 5 % de la population ne peuvent s'en payer une, faute de moyens. Et puis, d'autres renoncent à des soins dentaires, optiques ou entraînant des dépassements d'honoraires, peu remboursés par des contrats d'entrée de gamme.Du côté des mutuelles, assurances et instituts de prévoyance, on observe aussi une montée en puissance des forfaits individualisés?P. R. C'est la grande tendance du marché : une orientation vers des produits sur mesure et low-cost, une segmentation toujours plus grande de l'offre. Cette croissance, même lente, pose en filigrane la question du degré de mutualisation souhaitable : mais certains assurés veulent des contrats moins chers, avec quelques garanties moins élevées. Idem pour les contrats collectifs des entreprises, plus généreux, du fait entre autres de leurs avantages fiscaux, qui pèsent 57 % du marché. Mais avec la hausse de leurs charges, elles veulent davantage de rationalisation et de maîtrise des dépenses de santé.Donc le secteur répond présent en segmentant davantage son offre ?P. R. Oui. Le marché est aussi traversé par deux mouvements forts. Celui de la différenciation par des services innovants telle l'analyse des devis, etc. Et surtout la maîtrise des remboursements : via des outils informatiques ultra-sophistiqués, indispensables pour passer des accords avec les praticiens et l'analyse des devis proposés aux patients, notamment en dentaire, optique et audioprothèses. Cela baisse leur « reste à charge », voire le ramène à zéro s'ils s'adressent à un membre du réseau agréé. Ces outils améliorent l'efficience du système et contribuent à responsabiliser le patient. En pratique, ils sont peu sollicités, bien que de plus en plus accessibles, grâce au Net. Ils sont pourtant très utiles pour s'orienter dans le maquis des tarifs et bases de remboursement, avant de choisir une complémentaire. Et pour démontrer qu'une bonne « mutuelle » n'est pas forcément celle qui rembourse le plus, sans discernement.La hausse des prélèvements sociaux pour financer le revenu de solidarité active (RSA) et la récession auront-ils un impact sur les dépenses de santé des français ?P. R. La crise touchera d'abord ceux qui ne sont pas ou mal couverts par une mutuelle. Mais le secteur des complémentaires sera plus touché par la contribution exceptionnelle de 1 milliard d'euros demandée pour diminuer le déficit de la Sécurité sociale.Quel sera l'impact concret de cette augmentation des prélèvements sociaux ?P. R. Certains organismes vont augmenter leurs cotisations. Mais surtout, le mouvement de concentration et d'alliances va se renforcer, ne serait-ce que pour financer les outils de maîtrise des coûts et les nouveaux services. D'autres pourraient développer plus vite des offres collectives ou individuelles, sur mesure, moins chères et donc moins généreuses. 5 % de la population ne peuvent se payer une assurance complémentaire maladie faute de moyens. »© drPatrick Bertin est directeur associé du Bipe (une société d'études économiques et de conseil en stratégie).
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