Haro sur les centres offshore

La guerre contre l'évasion fiscale est déclarée aux États-Unis. Deux projets de loi analogues viennent d'être présentés au Sénat et à la Chambre des représentants afin d'empêcher entreprises et particuliers de placer leurs avoirs financiers dans des paradis fiscaux tels que la Suisse et les îles Caïman. Selon le sénateur Carl Levin, qui a exhumé lundi un projet de loi qu'il avait défendu l'an dernier avec Barack Obama, alors sénateur de l'Illinois, l'évasion fiscale priverait les États-Unis de 100 milliards de dollars de recettes annuelles.« Nous pouvons combattre les juridictions secrètes et faire cesser les abus fiscaux à l'étranger si nous en avons la volonté politique », a affirmé Levin en présentant son projet de loi réactualisé. « Ces paradis fiscaux scandaleux contribuent à l'envolée du déficit budgétaire et transfèrent la pression fiscale sur les PME et les familles qui sont en conformit頻 avec la loi, a ajouté Lloyd Doggett, un élu du Texas, en présentant le texte de la Chambre.L'étau se resserre sur l'évasion fiscale alors que la justice américaine réclame à UBS la liste des 52.000 clients américains soupçonnés de disposer de comptes dissimulés, dont les avoirs représenteraient collectivement 14,8 milliards de dollars. L'établissement, qui a accepté de payer 780 millions de dollars pour avoir incité l'évasion fiscale aux États-Unis, a jusqu'à présent livré l'identité de 250 clients.Le Sénat compte aussi réclamer des comptes à la banque helvétique avec l'audition, prévue aujourd'hui, du directeur financier de sa division de gestion de fortune internationale, Mark Branson. La tension sur le dossier de l'évasion fiscale est telle entre Berne et Washington qu'Eugen Haltiner, le président du régulateur financier suisse (Finma), a qualifié le différend de « guerre économique ».Lundi, la ministre de la Justice suisse, Eveline Widmer-Schlumpf, a rencontré ses homologues américains, l'attorney general, Éric Holder, et son adjoint, David Margolis, pour discuter de « questions financières internationales »? et tenter de calmer le jeu. Éric Holder se serait refusé à évoquer spécifiquement le contentieux portant sur UBS, car il a représenté la banque lorsqu'il était avocat. À l'issue de ses entretiens, la ministre a indiqué que les États-Unis n'avaient pas exprimé la volonté de placer la Suisse sur une liste noire des paradis fiscaux, une possibilité évoquée par Nicolas Sarkozy dans la perspective du prochain G20. « Les États-Unis ne souhaitent pas une escalade mais [entendent] travailler à une solution », a précisé David Margolis.Les projets en élaboration au Capitole ne visent pas que le secteur bancaire. Le texte réactualisé que vient de présenter Carl Levin au Sénat doit aussi permettre de dépister les activités offshore des hedge funds et contraindre les entreprises étrangères gérées depuis les États-Unis à s'acquitter de leurs impôts comme s'il s'agissait de sociétés américaines. L'objectif est d'éradiquer des pratiques qui ont pris de l'ampleur au cours des dernières années aux États-Unis sous l'impulsion de consultants financiers et de fonds spéculatifs. Pour ce, le projet de loi préconise que le dépôt de brevets comptables visant à « minimiser, éviter, différer », ou diminuer le paiement d'impôts « fédéraux, locaux ou étrangers » soit prohibé. Cette chasse aux recettes fiscales pourrait s'avérer pénalisante pour l'attractivité de Wall Street. Le projet de loi présenté par Carl Levin rendrait en effet plus difficile pour les investisseurs étrangers détenant des actions américaines d'échapper à un impôt sur les dividendes dont le taux est fixé à 30 %.Éric Chalmet, à New York
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