L'appétit d'ogre de Fiat

Malgré son accord avec le constructeur américain Chrysler, l'appétit de Fiat n'est pas rassasié. « Maintenant nous devons nous concentrer sur Opel : c'est lui notre partenaire idéal », a lancé, à peine revenu de New York vendredi, l'administrateur délégué du groupe italien, Sergio Marchionne. Cet artisan de la renaissance de Fiat depuis 2004, après avoir bouclé l'accord sur Chrysler avec l'administration et les syndicats américains (voir ci-contre), doit rencontrer aujourd'hui lundi à Berlin des responsables politiques et syndicaux allemands. Il s'agit de les convaincre du bien-fondé de l'intérêt de Fiat pour Opel, la filiale européenne du constructeur américain en difficulté General Motors (GM). La partie s'annonce autrement plus compliquée pour Marchionne en Allemagne.Il trouvera face à lui des interlocuteurs de la grande coalition, la cohabitation à l'allemande : le ministre de l'Économie, Karl-Theodor zu Guttenberg, issu de la CSU (le parti bavarois frère de la CDU de la chancelière Angela Merkel), le ministre des Affaires étrangères et candidat social-démocrate (SPD) à la chancellerie, Frank-Walter Steinmeier, le président du SPD, Franz Müntefering, et aussi le chef du comité d'entreprise d'Opel, Klaus Franz. À quelques mois des élections législatives de septembre prochain, les responsables politiques, tant au niveau national que dans les régions où sont implantées les quatre usines Opel outre-Rhin, qui emploient 25.000 personnes, ont tout à perdre dans l'annonce de suppressions d'emplois chez Opel. « Nous ne voulons pas de Fiat d'abord, car Opel et eux sont de forts concurrents, mais aussi car nous avons déjà eu un mariage douloureux avec Fiat durant six ans qui nous a coûté cher. Et puis Fiat n'a pas d'argent : ils veulent en se liant avec nous obtenir l'aide de l'État (allemand), c'est-à-dire sauver Fiat, aux frais des contribuables allemands, mais pas Opel », avait déclaré le chef des syndicalistes d'Opel, Klaus Franz, dès l'annonce de l'intérêt de Fiat pour le constructeur allemand. On est loin du soutien appuyé des syndicalistes américains à l'entrée de Fiat chez Chrysler. Le fonds de prestations santé des retraités de Chrysler que gère le syndicat UAW détiendra justement 55 % du « nouveau Chrysler », contre les 35 % pour Fiat, obtenus sans avoir à débourser un centime mais sur le seul engagement d'un transfert des technologies des Italiens.alliance difficileL'activisme de Fiat des deux côtés de l'Atlantique s'explique par le constat de Marchionne que pour faire partie des six constructeurs automobiles qui survivront à la crise il est « crucial de produire au moins entre 5,5 et 6 millions de véhicules par an pour gagner de l'argent ». Actuellement Fiat peut en produire 2,2 millions par an. Avec la production annuelle de 2 millions de Chrysler, le groupe s'est rapproché de ce but. En mettant la main sur le 1,5 million de véhicules produits sous les marques Opel et Vauxhall, le constructeur italien atteindrait son objectif. Mais pour devenir le second groupe automobile en Europe (soit 16,5 % du marché) après Volkswagen, Fiat entend réaliser « des économies d'échelle » entre les usines Fiat et Opel. D'après nos informations, Sergio Marchionne promettra aujourd'hui à ses interlocuteurs allemands de réduire progressivement les surcapacités de certains sites sans procéder à une intervention généralisée traumatisante, aucune usine ne devant fermer en Allemagne. Même en Italie, la perspective d'une alliance entre Fiat et Opel refroidit les syndicats, pourtant enthousiastes de l'engagement de Fiat en faveur de Chrysler. « L'accord avec Opel présenterait de sérieux problèmes de rationalisation industrielle et mettrait en danger l'emploi dans les usines italiennes », craint ainsi Giuseppe Farina, secrétaire général du syndicat du secteur FIM-CISL. Même pour Sergio Marchionne, cela fait beaucoup d'obstacles à surmonter, tout en gérant une déjà complexe intégration entre l'Italie et les États-Unis.
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