Le projet de directive sur les hedge funds fortement controversé

La Commission européenne a présenté la semaine dernière un projet de directive visant à harmoniser la régulation des fonds de gestion alternative. Cela concerne principalement les hedge funds et le capital-investissement (lire ci-dessous). Charly McCreevy, commissaire au Marché intérieur, a présenté ce texte comme un renforcement de la législation sur les hedge funds. Mais la version dévoilée à Bruxelles a été amputée des dispositions à l'origine de la colère des députés socialistes européens et de certains pays membres, notamment de la France et de l'Allemagne.Le principal point de discorde portait sur le champ du passeport européen. Les versions de la directive qui ont circulé ces dernières semaines prévoyaient d'accorder un passeport européen aux gérants de fonds alternatifs acceptant d'être enregistrés dans un pays de l'Union européenne (UE). En aucun cas, elle ne portait sur la régulation des fonds. Cela permettait donc la commercialisation des produits offshore domiciliés dans les paradis fiscaux. Ces derniers étant fortement critiqués par les politiques, la Commission a préféré calmer le jeu en autorisant uniquement la vente des fonds domiciliés dans un état-membre. La Commission n'a pas complètement fermé la porte aux sociétés de gestion installées hors de l'UE et aux fonds offshore. Pour distribuer ces produits dans l'ensemble de l'UE, une période de trois ans doit s'écouler à partir de l'entrée en vigueur de la directive. Si la directive est adoptée par le Parlement européen dès cette année pour une application en 2011, cela renvoie donc à 2014 au plus tôt. distorsionsEn clair, la Commission s'accorde du temps pour trouver une réglementation qui satisfasse tous les acteurs. Une fois trouvée, rien n'assure aux fonds domiciliés dans les places off- shore la possibilité d'accéder au marché européen. Sous contrôle de la Commission, ils devront montrer que les pays où ils sont enregistrés remplissent des garanties nécessaires permettant d'être vendus au sein de l'UE. Il faut des règles prudentielles équivalentes à celle de l'UE, une coopération entre les États pour lutter contre la fraude fiscale, offrir les mêmes conditions d'accès à leur marché aux gestionnaires européens.Par ailleurs, ce texte s'appliquera aux sociétés de gestion dont les encours dépassent 100 millions d'euros (plus de 500 millions si elles n'ont pas recours à l'endettement), soit 30 % des gérants et près de 90 % des actifs des fonds domiciliés en Europe. Elles devront établir un reporting régulier à l'intention du régulateur sur toutes les opérations qui peuvent générer un risque systémique (positions des fonds, interventions sur des marchés peu liquides, effets de levier?). Ces informations seront centralisées au niveau de chaque régulateur et transmises à leurs homologues afin d'établir une cartographie des risques. Mais cette obligation n'est que déclarative. « Il est illusoire de croire que, sans contrainte, les gérants procéderont à ces déclarations, avance Jean-François Bay, directeur général de Seeds Finance. Il serait préférable d'interroger le ?prime broker? ou le dépositaire pour avoir une image des risques pris par les hedge funds. »Si toutes ces contraintes sont respectées, les sociétés de gestion pourront disposer du passeport européen et commercialiser leurs produits dans toute l'Europe auprès d'investisseurs qualifiés. « Cette directive devrait permettre de mettre fin aux distorsions de concurrence entre les fonds coordonnés qui utilisent parfois des techniques de couverture et les hedge funds qui, jusqu'à présent, ne pouvaient bénéficier du passeport européen », indique Christophe Chouard, directeur général de HDF Finance. En revanche, l'impact pourrait être limité en ce qui concerne la gestion privée, un des débouchés traditionnels de la gestion alternative. « Les fonds de hedge ont une clientèle restreinte qui investit via des ?family offices? et n'a pas besoin du passeport européen pour s'intéresser à la gestion alternative. Le vrai problème est de parvenir à la rassurer compte tenu de la diabolisation des hedge funds », temporise Charles Monod, président d'Iceberg Finance.Si les Européens continentaux sont plutôt satisfaits de ce projet, ce n'est pas le cas des Anglo-Saxons, Anglais en tête. Même si « les gérants londoniens considèrent que le projet de directive ne changera rien à leur activité, relate Charles Monod. Comme pour les paradis fiscaux dans le cadre du G20, il s'agit plutôt d'un effet d'annonce. » Ainsi, dans un communiqué, Florence Lombard, directrice générale de l'Aima (Association internationale de la gestion alternative), regrette que « la Commission ait cédé aux pressions des politiques. Son rôle est de proposer une réglementation efficace et sans biais ». bataille politiqueLa crainte est de voir les professionnels et les clients fuir notamment vers la Suisse, qui n'est pas concernée par la directive. Le débat sur la réglementation des hedge funds en Europe met donc en lumière l'opposition entre les praticiens et les politiques. Les premiers, incarnés par le modèle anglais, se veulent pragmatiques pour développer cette activité en donnant aux acteurs une certaine autonomie dans un cadre souple. À l'inverse, la Commission ne souhaite pas laisser le champ libre à l'autorégulation en encadrant davantage l'industrie. C'est une bataille politique, la difficulté consistant à trouver le bon équilibre entre les deux.
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