« C'est le moment de créer des fonds de pension en France »

« La Tribune ». Les assureurs sont-ils correctement réassurés contre le risque pandémique ?Denis Kessler. Ce qui me rassure, c'est la vitesse de réaction de toutes les autorités sanitaires. On dispose des moyens de lutter contre cette épidémie de grippe porcine. Cette épidémie devrait s'enrayer avec un accroissement, certes, de la morbidité, mais sans hausse significative de la mortalité. Scor réassure les assureurs contre ces déviations de mortalité. Le groupe s'est lui-même couvert contre une éventuelle pandémie, peu probable à notre sens, grâce à un swap de mortalité qui s'activerait en cas de déviation majeure de mortalité pour un montant total de 147 millions de dollars.La crise financière est-elle enrayée et comment l'avez-vous traversée ?Les systèmes d'alerte ont beaucoup moins bien fonctionné pour la finance que pour la grippe mexicaine ! Pourtant, dès la fin de 2006, nous avons anticipé la possible crise financière. Nous avons réduit nos risques, procédé à aucun rachat d'actions pour préserver notre capital, évité tout engagement hors bilan, réduit la duration de notre portefeuille obligataire et renforcé sa qualité, et accumulé les liquidités. Résultat : aujourd'hui, nous disposons de plus de 4,8 milliards d'euros de cash, soit 1,4 fois nos fonds propres. Nous sommes l'une des rares institutions financières au monde dont les fonds propres sont identiques aujourd'hui à ceux d'avant la crise, après paiement du dividende.Quelles sont les solutions pour sortir de la crise ?D'emblée, nous avons considéré que la crise serait globale, longue et difficile. On a plus de deux ans de crise derrière nous, et il faudra autant de temps pour voir la fin de la phase actuelle du cycle. Les cycles sont l'essence même des économies de marché. Nous retrouverons une phase de croissance, mais elle ne sera solide que si elle est assise sur de nouveaux modèles économiques. L'économie ne redémarrera durablement que si on lui redonne un nouveau cadre qui permette de refaire partir l'investissement et la création de richesse. Ce n'est pas qu'un problème de demande. Les marchés se sont globalisés depuis vingt ans, mais les « institutions » sont restées largement nationales, au mieux régionales. Cet écart n'est pas soutenable. Il faut que le monde se donne des règles globales nouvelles et les moyens de les faire respecter. Tout cela est en gestation, mais cela prend énormément de temps. La crise « travaille », au sens fort du terme : elle force à repenser les institutions, les législations, les pratiques. Le passage du G7 au G20 à l'automne dernier en est la preuve, il n'est plus possible aujourd'hui de traiter une telle crise par une suite de plans nationaux. Il faut aller plus loin, réformer en profondeur le FMI, l'OCDE, l'ONU, la supervision des banques et des institutions financières, sans doute l'OMC. À terme, il faudra un monde monétaire multipolaire et, par exemple, que l'Europe se dote d'un gouvernement économique. La crise conduit aussi à repenser des « business models » pour la plupart des entreprises, qu'elles soient financières ou non.Le FMI évalue à plus de 4.000 milliards de dollars le total des pertes du système financier. Vous y croyez ?La destruction de valeur a déjà été immense, mais l'assainissement des bilans, le redressement de la solvabilité des institutions financières, le débouclage de millions d'opérations ou transactions dont la bonne fin est compromise, l'absorption des nouveaux risques issus de la récession de l'économie réelle et le retour de la confiance prennent du temps. Grâce à l'intervention des États et banques centrales, nous avons pu éviter plusieurs crises de liquidité majeures, mais il faut avouer qu'il reste peu de degrés de liberté en matière monétaire et budgétaire pour lutter contre la récession que nous traversons.Est-ce que vous croyez au retour de l'inflation ?La création monétaire a été très forte depuis le début de la crise, et on ne pourra en stériliser qu'une partie. Et il existe un risque que certains États connaissent une crise de liquidité et soient obligés de se refinancer auprès des banques centrales. À la déflation actuelle succédera la reprise? et l'inflation ! À la pleine réouverture des marchés financiers, la courbe de taux sera très pentue. Cela permettra d'ailleurs au système financier de se refaire des fonds propres. Après, il faudra « manger » l'inflation par la croissance.Du coup, qui va détenir désormais les actions ?C'est un vrai problème. Certains fonds de pension ont la possibilité de conserver des actions parce qu'ils ne sont pas soumis aux mêmes règles comptables ni prudentielles. La détention des actions va donc se concentrer dans des institutions du type fonds de pension étrangers, mais aussi dans des fonds de « private equity » et des fonds souverains. On est au bas du cycle boursier. Paradoxe : c'est sans doute le moment d'inciter l'actionnariat ? au travers éventuellement de fonds de pension, d'un nouveau PEA, de produits d'épargne très longs ? pour bénéficier du retour probable à la bonne fortune et à la croissance économique dans cinq ou dix ans.Vous pourriez repartir en campagne sur ce sujet ?Non. Je n'ai plus de responsabilités, et je laisse à d'autres le soin d'animer le débat public. D'autant plus que mes responsabilités d'entreprises sont très prenantes. 90 % du chiffre d'affaires de Scor se fait à l'étranger.Vous excluez de vous présenter à la présidence du Medef ?La question que vous me posez ne se pose pas actuellement. Je crois incompatible l'exercice de responsabilités à la tête d'une entreprise globale cotée et l'exercice de fonctions tribunitiennes, surtout en France.Vous venez de publier de bons résultats au premier trimestre. Où en est Scor aujourd'hui, sept ans après votre arrivée ?Après sept ans de travail avec ma nouvelle équipe, Scor est pleinement opérationnel. L'intégration de Converium, après celle de Revios, a été faite en un an ; la nouvelle organisation en « hub » est une forme globale, décentralisée, de gestion de l'entreprise. Nous avons opté pour le statut de société européenne : ce n'est plus Scor SA, mais Scor SE. Les nouvelles politiques de souscription en vie et en dommages portent leurs fruits. Le « risk management » s'applique à tous les niveaux de l'entreprise. L'entreprise s'est redressée entre 2002 et 2004. Elle s'est redéployée entre 2004 et 2007. En 2008-2009, nous sommes en train de prendre une dimension supérieure en termes de volume de souscription, de technicité, de management des risques, de couverture globale sur les cinq continents.Qu'allez-vous faire de tout votre cash ?La réassurance est une activité contracyclique. D'une part, la demande de réassurance est liée aux risques naturels, à la mortalité ou aux accidents technologiques dont la fréquence ne dépend pas de la conjoncture économique. D'autre part, la réassurance contribue à couvrir les besoins de financement des assureurs, qui ont augmenté avec la crise. Nous sommes en partie un substitut au marché financier. Les tarifs de réassurance augmentent aussi de l'ordre de 4 %, par exemple, au renouvellement du 1er avril, à conditions et termes inchangés. Depuis le début de la crise, Scor est arrivé à maintenir sa rentabilité et a un ROE de 11,2 % au premier trimestre de 2009. Nous portons une extrême attention à la génération de cash-flow et à l'exposition de notre capital au risque, grâce à des outils sophistiqués? conjugués à un peu de bon sens. Nous diversifions les risques par marché, par client, par ligne de business, nous faisons, par exemple, de l'aérien et du satellite, de la plate-forme pétrolière et des mines, de l'automobile, de la couverture dépendance, sans oublier des risques agricoles, sans oublier de l'auto et plein d'autres risques qui ne sont pas corrélés les uns avec les autres.Donc, vous n'êtes pas tenté de faire de la croissance externe après Converium ?Nous avons réalisé 5,8 milliards de chiffre d'affaires l'année dernière, nous avons une croissance de 15,7 % au premier trimestre de 2009 par rapport au premier trimestre de l'année dernière, nous devrions croître de l'ordre de 6 % cette année. Cela représente déjà près de 400 millions d'euros supplémentaires de croissance organique. Nous avons doublé de taille en deux ans en maintenant à la fois notre rentabilité et notre profitabilité en période de crise. Scor a été l'une des rares institutions financières à avoir été « upgradée » depuis dix-huit mois par Fitch, Moody's et Standard and Poor's. Et la santé pleinement retrouvée de notre filiale de réassurance de dommages et de responsabilité a permis de réactiver tous ses crédits d'impôts ! ndenis kessler, pdg de scor
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