Marion Guillou, une femme à la barrePendant vingt ans, à mo...

Marion Guillou, une femme à la barrePendant vingt ans, à mon avis, j'ai plus ramé qu'un homme dans ma situation. Après, j'étais plus repérable, donc, d'une certaine manière, c'était plus facile. » Voilà comment celle qui dirige à la fois l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) et l'École polytechnique résume son parcours. Marion Guillou n'a, il est vrai, pas choisi la facilité. Polytechnicienne, docteur en physico-chimie et ingénieur du génie rural, des eaux et forêts, cette Marseillaise a d'emblée cherché à s'imposer dans des milieux majoritairement masculins, voire « un peu machos ». Elle intègre l'X en 1973 ? la deuxième promotion ouverte aux femmes. Ses camarades de promo s'appellent Patrick Kron (PDG d'Alstom), Luc Vigneron (PDG de Thales), Philippe Varin (nouveau président de PSA Peugeot-Citroën), Xavier Huillard (président du conseil d'administration de Vinci)? « Une pépinière de personnalités », résume celle qui a été nommée en mars 2008 première présidente du conseil d'administration de Polytechnique. En 1980, elle devient la première femme conseiller d'un ministre de l'Agriculture (Pierre Méhaignerie, en l'occurrence). Seize ans plus tard, le nouveau titulaire du poste, Philippe Vasseur, la nomme directrice générale de l'alimentation. Là encore, c'est une première. Nommée par un ministre de droite, c'est un ministre de gauche, Jean Glavany, qui lui offrira plus tard le poste de directeur général de l'Inra jusque-là occupé par des hommes ! « Elle a des capacités personnelles de travail, d'intelligence et des compétences qui la mettent en situation de franchir un certain nombre d'obstacles », souligne l'ex-ministre socialiste, qui l'a maintenue et promue en dépit de ses accointances politiques.Nommée en 2004 présidente de l'Inra, elle doit affronter plusieurs tempêtes : mondia­lisation des problèmes, grippe aviaire, aujourd'hui grippe A? Sans oublier la réforme de la recherche et du CNRS. « On nous fait un procès un peu injuste, dit-elle, on n'arrête pas de dire que la recherche n'est pas évaluée, or je ne connais pas de système plus évalué ! » Mais, comme le raconte son ami Patrick Kron, jouant la métaphore : « Elle passe toutes ses vacances avec sa famille sur des bateaux à voile, donc elle a un bon sens de la navigation, y compris dans les mers tourmentées. » Cette navigatrice, adepte aussi de la marche à pied, a mené tambour battant la réforme des deux institutions qu'elle dirige. D'abord l'Inra, dès son arrivée en 2000, où, à l'agriculture, elle a associé l'alimentation et l'environnement, favorisé une internationalisation en se rapprochant du Cirad et, enfin, enclenché le rapprochement avec l'enseignement supérieur à travers les écoles d'agronomie et vétérinaires. À Polytechnique, elle a piloté « l'ouverture », un mot qui lui est cher. « L'École a beaucoup changé. Elle s'est internationalisée, les promotions ont été multipliées par plus de deux, elle s'est ouverte. » Avec, à la clé, le projet du campus de Saclay, pôle de recherche de haut niveau regroupant 23 partenaires avec un budget de l'ordre de 630 millions d'euros. Cette militante de la diversité aimerait désormais attirer davantage de jeunes et? de femmes. « Il y en a un petit peu plus mais ce n'est pas satisfaisant. Selon les années, elles sont un cinquième tout au plus. » À force de combattre, Marion­ Guillou se considère-t-elle comme femme de pouvoir ? « Pour moi, ce n'est pas être la première femme, c'est montrer qu'on peut réussir. » À bon entendeur, ou plutôt, à bonnes entendeuses?Tatiana Renard-Barzach
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