Ukraine : de la crise économique au clash social

Tout a commencé par l'industrie métallurgique, qui a chaviré en octobre avec l'effondrement des exportations. L'activité, qui emploie des centaines de milliers d'Ukrainiens et représente 43 % des ventes à l'étranger du pays, a quasiment cessé de produire autre chose que des chômeurs. L'automobile et le secteur bancaire ont été touchés à leur tour, licenciant à tour de bras : depuis, l'ensemble de l'économie tourne au ralenti. Pour Mikhaïl Galitski, directeur de l'Agence pour l'emploi ukrainienne, la situation se dégrade de manière catastrophique. « Le nombre de chômeurs pourrait doubler d'ici au printemps prochain. » Selon Konstantin Bondarchenko, directeur de l'Institut Gortchanine à Kiev, la crise jette sur le pavé quelque 100.000 nouveaux chômeurs chaque mois. Il prédit un total de 3 millions de sans-emploi au plus profond de la crise l'année prochaine (soit un taux de 17,6 %), contre 700.000 aujourd'hui. « Mon activité a baissé de 50 % », soupire Olexandr Pavlioutchouk, qui possède une petite société de taxis à Kiev. « En cette période de fêtes, nous devrions au contraire avoir trois ou quatre fois plus de clients. » Il y a quelques jours, les industriels du pain étaient dans la rue devant le Parlement, pour réclamer une aide afin d'atténuer le fardeau du surendettement : le coût de leurs crédits a doublé avec la dévaluation de la hrivna. « Nous sommes forcés de licencier car nous sommes pris à la gorge », raconte Oleg Redko, un entrepreneur de Jitomir venu manifester. Le gouvernement estime qu'un bon quart des crédits privés souscrits en devises étrangères sont de facto en situation de cessation de paiements.Le mécontentement gronde un peu partout, et plus de 5.000 personnes ont déjà défilé le 23 décembre pour protester contre l'inaction du gouvernement. Selon un institut de sondage, 16 % des Ukrainiens sont prêts à descendre dans la rue, et 45 % s'attendent à perdre leur emploi dans les mois qui viennent. « Des manifestations massives sont inévitables dans les prochains mois », prévient Konstantin Bondarchenko. « Un minimum de 20 % de la population rejettent les trois leaders politiques qui se partagent le pouvoir depuis 2003. » Soit le président ukrainien, Viktor Iouchtchenko, le Premier ministre, Ioulia Timochenko, et l'ancien Premier ministre Viktor Ianoukovitch, aujourd'hui dans l'opposition. « Le spectacle politique est lamentable : le chef de l'État et son Premier ministre s'empêchent mutuellement de travailler », estime le politologue. « En réalité, chaque parti représente les intérêts d'une poignée d'oligarques, et ceux-ci règlent leurs conflits en utilisant les leaders politiques. » inquiétudeLes oligarques ont des raisons de s'inquiéter : l'effondrement de la Bourse (? 74 % l'an dernier), la volatilisation de la demande pour l'acier bon marché ukrainien et la fermeture de l'accès aux crédits internationaux leur ont coupé les ailes, écornant sérieusement leur patrimoine. Le cas le plus frappant est celui du jeune Konstantin Jevago, qui avait le premier tenté de lever des fonds sur le London Stock Exchange. Depuis, sous la pression de ses banquiers, l'homme d'affaires a été contraint se séparer d'un quart de son entreprise Ferrexpo.Ancien président du Parlement ukrainien (la Rada), Volodymyr Lytvyn « n'exclut pas des troubles sociaux ». Soulignant que « 80 % de l'économie appartient désormais au priv頻, il récuse les mesures du gouvernement. « Il ne faut pas aider ceux qui s'assoient sur des toilettes en or », ironise ce vétéran de la politique connu pour entretenir des liens étroits avec Moscou. n
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