Sortie de crise  :

Les marchés agitent le spectre d'une inflation comme si elle était un risque probable et imminent. Et de fait, les anticipations de long terme d'inflation se sont envolées ces dernières semaines, en particulier aux États-Unis. En réalité, nous sommes encore très loin de ce cas de figure ! C'est vrai que les banques centrales ont multiplié les opérations non conventionnelles pour soutenir l'économie, avec à la clé, de la création monétaire. Mais création monétaire ne veut pas dire forcément inflation. Rien ne dit, par exemple, que la vitesse de circulation de la monnaie ne va pas évoluer en sens inverse. C'est d'ailleurs ce qui se passe actuellement aux États-Unis où il existe plus de monnaie mais qui tourne plus lentement. Pour résumer, nous sommes aujourd'hui dans un contexte macroéconomique dans lequel le risque inflationniste reste très faible mais la création monétaire récente peut rendre, dans un avenir assez lointain, plus dangereuse une situation qui serait elle-même inflationniste. Or, ce scénario n'est pas privilégié aujourd'hui. Pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le marché du travail ne se prête guère à une augmentation générale des salaires. Le principal risque inflationniste réside pourtant, dans ce que la BCE appelle « l'inflation de deuxième tour », autrement dit un mécanisme d'indexation des salaires sur les prix. Nous en sommes très loin ! Autre condition d'un éventuel retour de l'inflation : un très grand laxisme dans la gestion budgétaire courante. Or les gouvernements creusent les déficits pour financer des plans de relance et non pour accorder des hausses de salaires aux fonctionnaires ou distribuer des cadeaux tous azimuts. Enfin, il existe toujours dans le monde de larges surcapacités de production et il faudra beaucoup de temps pour les résorber. Bref, les conditions d'un retour de l'inflation ne sont pas, et ne seront pas, réunies à court et moyen terme. Bien évidemment, les autorités monétaires doivent rester vigilantes et il faudra bien revenir, surtout aux États-Unis, à une politique monétaire plus restrictive. Dans la zone euro, le risque inflationniste est encore moindre et la BCE n'acceptera de toute façon aucun compromis sur cette question. n Véronique Riches-FloresOUITous les éléments inflationnistes sont là, et c'est un moindre mal.Les éléments susceptibles d'alimenter un retour de l'inflation s'accumulent en effet. D'abord, la flambée du prix des matières premières, à commencer par ceux du pétrole, alors même qu'un rebond de la demande ne s'est pas encore concrétisé. Ensuite, le rôle fortement désinflationniste qu'a joué la Chine depuis vingt ans s'essouffle. Ses parts de marché dans les pays industrialisés plafonnent. Par ailleurs, ses exportations de produits à forte valeur ajoutée et fort contenu technologique, notamment dans le secteur des biens d'équipement industriels, se substituent de plus en plus aux ventes de produits de consommation courante à bas coût. Or le pouvoir de diffusion désinflationniste de ces biens est sans commune mesure avec celui des biens de consommation. D'autant qu'en développant son marché intérieur, la Chine devrait se montrer sensiblement moins agressive sur les marchés extérieurs. Le contexte mondial sera donc nettement moins désinflationniste qu'il ne l'était dans les années 1990, lorsque le Japon ne parvenait pas à sortir de la déflation. Quant aux contextes nationaux, ils sont d'ores et déjà marqués par un repli des économies sur elles-mêmes, et une sérieuse reprise en main de ces économies par les États. En clair, si personne ne veut y mettre le nom de protectionnisme, il faut bien reconnaître que le monde est entrain de devenir beaucoup moins ouvert et moins concurrentiel. Ceci forme un terrain plus propice à un retour de l'inflation. La question est de savoir si les salaires suivront, car eux seuls sont susceptibles d'enclencher une spirale inflationniste. Je crois que les changements en profondeur de l'environnement déjà mentionnés sont en train de modifier radicalement la question des salaires. La menace de délocalisation a considérablement reflué avec la crise. La sensibilité des salaires au chômage est à même de s'estomper. Et la remontée des prix du pétrole dopera les anticipations d'inflation des agents, comme on le voit déjà aux États-Unis. Les banques centrales ont injecté des montants astronomiques de liquidités qu'elles ne pourront pas retirer de sitôt tant la sortie de crise sera chaotique. Le retour de l'inflation me parait donc certain. Faut-il s'en inquiéter ? L'inflation n'est guère souhaitable. Mais c'est un moindre mal, qui plus est nécessaire dans un contexte économique de surendettement. L'inflation est en effet la façon la moins douloureuse de désendetter nos économies vieillissantes. nCette semaine, la chancelière allemande, Angela Merkel, s'est alarmée publiquement du danger inflationniste que fait courir la politique quantitative de la Réserve fédérale, de la Banque d'Angleterre, et dans une moindre mesure de la BCE. En achetant massivement des obligations, ces banques centrales injectent directement des liquidités dans l'économie. Un mécanisme connu sous le nom de « planche à billet ». Alors que ces liquidités sont pour l'instant replacées auprès des banques centrales, la crainte que ces dernières ne parviennent pas à les reprendre à la sortie de crise nourrit une sourde inquiétude : le spectre du retour d'une forte inflation partage les économistes. Propos recueillis parÉric Benhamou etValérie Segond NONGabriel FrançoisLe risque inflationniste reste très faible à court et moyen terme.
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