La filière nucléaire américaine en plein doute à cause de ses déchets

Une période d'incertitude s'ouvre pour la filière nucléaire aux États-Unis. En présentant son projet de budget 2010, Barack Obama a confirmé l'abandon de facto du site de stockage des combustibles usés de Yucca Mountain, dans le Nevada. Pendant la campagne présidentielle, il s'était opposé à l'emploi de ce site unique, en préparation depuis 1982, dont il a proposé la semaine dernière d'éliminer l'essentiel du financement. De plus, alors que 6 milliards de dollars sont prévus dans ce budget pour les énergies éolienne et solaire, le nucléaire n'a rien récolté. 104 centrales nucléairesEn janvier, le choix du Nobel de physique Steven Chu pour diriger le département de l'énergie (DOE) avait pourtant réjoui les producteurs d'électricité et les constructeurs de centrales. Chu a prévenu qu'il entendait « accélérer » le programme de garantie fédérale des emprunts contractés par les électriciens pour édifier des centrales. La dernière enveloppe de 18,5 milliards de dollars, votée en 2005, n'a toujours pas été consommée alors que la filière en demande cinq fois plus. Le parc américain, vieillissant, ne compte que 104 centrales nucléaires, produisant 20 % de l'électricité du pays. Trente-trois projets de réacteurs y sont à l'étude, Areva en briguant au moins un tiers. Or Barack Obama a prévenu qu'il n'autoriserait pas de nouveau projet tant qu'il n'y aurait pas de consensus sur la sécurisation du stockage des déchets. En attendant une meilleure solution, Steven Chu a indiqué jeudi que le DOE allait solidifier les déchets liquides et les stocker de façon provisoire. Depuis 1982, les électriciens (Entergy, Duke Energy, entre autres) payent pourtant une « redevance » afin que le DOE gère leurs combustibles usés à Yucca Mountain. Le site devait être opérationnel en 2011, puis en 2020. Compte tenu du retard ? pendant lequel ils stockent à leurs frais leurs déchets dans des piscines de refroidissement sur 120 sites ?, ces producteurs ont intenté des procès au gouvernement pour récupérer une partie des 30 milliards de dollars de « redevance » ainsi versés. Areva se dit sereinDepuis l'annonce d'Obama, ils exigent une alternative à Yucca Mountain. « L'administration semble intéressée par le fait de trouver une alternative sans avoir totalement fermé la porte à Yucca Mountain », qui conserve un budget minimal visant à préserver la licence du site, note l'Institut de l'énergie nucléaire (NEI), défenseur des intérêts de la filière aux États-Unis. « Nous réclamons la constitution d'une commission d'experts et négocions pour cela avec l'administration », affirme l'un de ses porte-parole. En attendant ce « plan B », le NEI garantit que l'arrêt du financement de Yucca Mountain « n'aura aucun impact sur la construction de centrales, puisque les électriciens disposent déjà d'infrastructures sécurisées ». Selon lui, « quatre à six nouveaux réacteurs seront construits d'ici six à sept ans ». Areva se veut également serein. Le contrat de 2,5 milliards de dollars remporté par le consortium USA Repository Services, dont le français est membre, pour gérer Yucca Mountain, est garanti. Et Areva espère que l'abandon du concept de site de stockage unique favorisera le recyclage, interdit par l'administration Carter pour empêcher la prolifération du plutonium. Près de 60.000 tonnes de combustibles usés sont entreposées ? leur recyclage assurerait la production de sept ans d'électricité du pays ? et les centrales en activité en déchargent 2.000 tonnes de plus chaque année. Les besoins en électricité sont censés doubler d'ici à 2030, ce qui pourrait ouvrir la porte au recyclage, un des grands métiers d'Areva.Éric Chalmet, à New York
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