L'IASB veut lever les doutes sur la « juste valeur »

Rarement les questions comptables auront suscité une telle agitation politique?! Après plusieurs coups de semonce, Christine Lagarde a, mardi à Bruxelles, accentué la pression sur l'IASB, l'entité indépendante qui édicte les normes comptables internationales IFRS, utilisées en Europe depuis 2005. La ministre de l'Économie a exigé que la Commission européenne fasse pression sur l'IASB pour qu'il assouplisse la « juste valeur », une méthode qui consiste à valoriser les actifs financiers au plus près de leur prix de marché. En asséchant la liquidité, la crise financière a en effet mis en évidence les problèmes d'application de ce concept lorsque les marchés sont peu actifs. Pour Christine Lagarde, le normalisateur comptable américain, le FASB, a « assoupli » début octobre la juste valeur, ce qui pourrait avantager les banques américaines.Si l'argument semble convaincant, le fond du dossier est plus nuancé. Car le FASB s'est en réalité borné à préciser, dans un guide d'application (« guidance »), qu'un marché inactif ne permet pas de déterminer si les prix observés reflètent la juste valeur, ou s'il s'agit de prix cassés relevant de transactions forcées. Les sociétés sont donc invitées à exercer leur jugement.La question est de savoir si cette « guidance » est en ligne avec celle publiée en octobre par l'IASB et approuvée par les régulateurs français. Pour Jean-Paul Caudal, de la Fédération Bancaire Française (FBF), « le guide d'application publié par l'IASB peut être lu comme l'équivalent du texte américain en termes de principes, mais il n'est pas aussi clair sur les critères de caractérisation des marchés illiquides et des prix observés sur ces marchés, ceux-ci ne reflétant pas nécessairement la juste valeur des instruments objets de rares transactions ». Un doute que l'IASB compte bien dissiper une fois pour toutes. Selon nos informations, le normalisateur international s'apprête en effet à publier mi-mai, pour consultation, un projet précisant la façon de mesurer la juste valeur. « Pour éviter ces problèmes de compréhension, nous suggérons que l'IASB utilise, dans ce domaine sensible, la même terminologie que celle du texte américain », explique Jean-Paul Caudal. Un conseil que l'IASB semble prêt à prendre en compte. « Ce projet de norme va faire en sorte que les textes européens et internationaux soient aussi proches que possible en reprenant les mêmes concepts et le même vocabulaire que la décision du FASB du 2 avril », indique Philippe Danjou, membre de l'IASB. Il souligne au passage que cette nouvelle norme n'aura « aucun impact sur les comptes », sauf pour des sociétés qui auraient mal appliqué les règles en vigueur. De quoi relativiser les appels à l'assouplissement de la juste valeur émis par Christine Lagarde comme par d'autres responsables européens.Autant de prises de position maximalistes qu'il faut interpréter dans le contexte de la lutte d'influence engagée entre les politiques européens, poussés par leur secteur bancaire, et le normalisateur international. Cette lutte n'est d'ailleurs pas près de prendre fin, puisque l'IASB travaille actuellement à une refonte totale de sa norme IAS 39 sur la valorisation des actifs financiers. Il espère publier un projet conjoint avec le FASB dans les six mois. B. J.la crise financière a mis en évidence les problèmes d'application de la « juste valeur ».
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