« Il faut savoir prendre des risques »

« La Tribune ». En quoi consiste la réorganisation du CNRS ?Arnold Migus. La réorganisation du CNRS, dans son rôle d'opérateur et d'agence de moyens, est liée aux réformes en cours en France. Elle est conforme à ce qui se fait dans le reste du monde. Notre plan stratégique « Horizon 2020 », adopté en 2008, doit traduire cette politique grâce à trois outils : l'organisation en instituts disciplinaires, la création de pôles transverses pour répondre aux enjeux pluridisciplinaires et la création d'alliances entre organismes comme celle annoncée récemment dans les sciences de la vie et la santé. D'autres alliances sont à l'étude : dans les sciences et technologies de l'information et de la communication et dans la recherche pour l'énergie.Quelle est l'utilité de telles alliances qui, selon les chercheurs, préfigurent un démantèlement du CNRS ?Ces grands ensembles « virtuels » ne sont pas des outils de démantèlement mais permettent des actions communes concrètes. L'alliance en sciences de la vie et de la santé a ainsi permis de mobiliser des compétences pour lutter contre la grippe A H1N1, en particulier par des méthodes de diagnostic rapide. L'intérêt général prime sur les intérêts corporatistes. Il faut de tels lieux pour faire circuler l'information, stimuler la recherche fondamentale et alimenter la recherche appliquée.La recherche fondamentale est-elle menacée ?Faire de la science implique de regarder ses applications. Les organismes publics ont le devoir de répondre aux grands enjeux sociétaux et économiques, d'autant plus en période de crise. Nous souhaitons apporter notre contribution à la sortie de crise. Nous réfléchissons à une action de concert avec les entreprises en augmentant par exemple la part des directeurs de recherche associés venant de l'industrie. Pour autant, la recherche fondamentale reste bien le capital de la recherche scientifique.Quel sera le rôle du CNRS en tant qu'agence de moyens par rapport aux unités mixtes de recherche (UMR) ?Sur les 1.100 unités de recherche du CNRS, 1.000 sont partagées, dont 900 hébergées par des universités. Nous sommes donc déjà une agence de moyens. Mais il faut que les universités acquièrent la capacité de gérer financièrement ces laboratoires. Nous allons expérimenter cela avec deux universités : Paris VI et Strasbourg. Nous espérons que d'ici cinq ans, un nombre significatif d'universités obtiendra une délégation de gestion. Quant aux craintes de désengagement du CNRS, je rappelle que les UMR constituent un socle pérenne pour nous. En cinq ans, leur nombre a baissé de 15 % mais il s'agit seulement d'optimiser le dispositif afin qu'elles acquièrent une masse critique.La place de la recherche française dans le monde en matière de valorisation est jugée trop faible. Est-ce une réalité ?Le CNRS est dans le top 10 des dépôts de brevets à l'Inpi (Institut national de la propriété intellectuelle). Chaque année, nous créons en moyenne 40 entreprises et publions 300 brevets dont une cinquantaine à l'étranger. Plus de 40 % de nos brevets publiés en 2008 sont déjà exploités par les industriels. Après, faut-il privilégier un système de valorisation local ? National ? Pour ma part, je suis favorable à des initiatives locales complétées par un organisme national et des accords-cadres. Il est vrai qu'il faut simplifier les procédures. En ce sens, la décision de Valérie Pécresse d'instaurer un mandataire unique pour la valorisation de la recherche publique est indispensable. Plus globalement, le problème en France est la frilosité de l'industrie et du capital-risque, voire de l'administration. Le brevet que nous avons déposé pour lutter contre le lupus n'a intéressé aucune entreprise pharmaceutique française et nous n'avons pas obtenu l'autorisation d'effectuer les tests cliniques en France. Au final, c'est une entreprise américaine qui l'exploitera. Tout le monde a à balayer devant sa porte. Il faut savoir prendre des risques et faire confiance. Le CNRS lance d'ailleurs pour cela un fonds de dotation auprès de donateurs, en particulier les groupes industriels, destiné à ne financer que des projets risqués à long terme. L'objectif est de doter ce fonds de 200 millions d'euros. narnold migus, directeur général du c
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