La justice française veut ouvrir une enquête sur trois chefs d'État africains

Sale temps pour les chefs d'État d'Afrique centrale. La doyenne des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Paris a donné hier son feu vert à l'ouverture d'une enquête sur le patrimoine immobilier et mobilier considérable acquis en France par les présidents Omar Bongo (Gabon), Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville) et Téodoro Obiang Nguema (Guinée équatoriale). La plainte, pour recel de détournement de fonds publics, avec constitution de partie civile, avait été déposée en décembre 2008 par l'ONG Transparency Internationale (TI France), qui lutte contre la corruption, et un contribuable gabonais, Gregory Ngbwa Mintsa.« C'est une décision historique », s'est réjoui le président de TI France, Daniel Lebègue. C'est la première fois que la justice reconnaît à Transparency International l'intérêt à agir au nom des victimes de la corruption. « Cela ouvre des perspectives considérables », poursuit l'ancien directeur du Trésor. Transparency International compte des sections aux quatre coins du monde. « La porte a été ouverte pour des actions du même type dans d'autres pays », estime Daniel Lebègue. C'est aussi la première fois que des chefs d'État en exercice font l'objet d'une information judiciaire. Un juge d'instruction devrait être désigné dans les prochains jours.Une enquête préliminaire de l'office central de la répression de la grande délinquance financière avait révélé l'étendue du patrimoine des trois chefs d'État. La famille Bongo dispose en France de 39 propriétés dont 17 au nom d'Omar Bongo. Au printemps 2007, ses enfants ont acquis un hôtel particulier pour 18,8 millions d'euros. Le patrimoine de ces trois chefs d'État se chiffrerait à 160 millions d'euros, selon TI France. « Il n'est pas vraisemblable que ce patrimoine ait été acquis autrement qu'en détournant de l'argent public », a relevé Daniel Lebègue.« Techniquement, le magistrat instructeur peut geler l'ensemble du patrimoine des trois chefs d'État et de leur famille », a souligné l'avocat William Bourdon. Son association Sherpa est à l'origine de la première plainte ayant débouché sur l'enquête préliminaire. Pour Sherpa, comme pour TI, l'objectif de cette plainte est d'obtenir la restitution des biens détournés au bénéfice des populations spoliées. La Croix-Rouge et l'Unicef ont été approchées.Embarras de l'élyséeMais il y a encore loin de la coupe aux lèvres. L'affaire est embarrassante pour l'Élysée. Le soir de son élection, Nicolas Sarkozy avait appelé Omar Bongo pour le remercier de « ses bons conseils ». Il a également rendu visite à Denis Sassou Nguesso lors de sa dernière tournée africaine fin mars. Le parquet, qui dépend de la chancellerie, a cinq jours pour faire appel de la décision de la doyenne des juges d'instruction. Xavier Harel
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