Bonus et bouche cousue

Il fallait s'y attendre. À mesure que les banques renouent avec les profits, et donc avec les bonus, l'exaspération de l'opinion devait aller crescendo. Quoi de plus normal ? La planète entière n'a cessé de dénoncer le « comportement irresponsable » des banquiers et tous les chefs d'État du G20 ont promis, la main sur le c?ur, de remettre la maison banque sur les voies de la sagesse. Alors il ne faut pas s'étonner de l'émotion suscitée en France par le milliard d'euros provisionnés par BNP Paribas pour ses fines lames des marchés. Et il ne faudrait pas y voir une énième manifestation de la méfiance des Français à l'égard des banques. Car le même débat fait rage à New York, surtout depuis que Goldman Sachs a imprudemment annoncé des résultats et des bonus record. La pression est si forte que le PDG de la firme a même conseillé à ses traders de dépenser leur argent dans la plus grande discrétion. C'est dire si le malaise est général et profond. Alors, que faire ? Interdire ou limiter les bonus ? C'est bien évidemment irréaliste. Le trader est un salarié sans patrie, « bankable » dans le monde entier, délocalisable d'un simple clic. Ce serait nier également la nature même des activités de marchés qui sont des activités de service, de matière grise. Il n'est pas anormal dès lors de consacrer entre 40 et 45 % des revenus aux rémunérations variables. Mais il serait grand temps que les banques elles-mêmes expliquent mieux ce que sont leurs métiers et leurs sources de profits. Ce devoir de transparence n'est pas sans risque : ce serait reconnaître une situation oligopolistique et les grandes largesses dont elles continuent de bénéficier auprès des banques centrales. L'exercice apparaît cependant inévitable pour dissiper ce sentiment diffus qu'on est trompé sur les plans de sauvetage et que c'est le citoyen moyen qui paye les bonus. Tout comme l'industrie, la banque doit désormais apporter la preuve que ses activités ne sont en rien nuisibles à l'économie ou à la société. C'est un changement radical auquel toutes les banques devront tôt ou tard se plier. Mais le tollé autour des bonus ne doit pas occulter les vrais sujets soulevés par la crise : remise en cause de certains modèles d'évaluation des risques, renforcement des fonds propres, homogénéisation des normes comptables. Ils sont tous débattus dans les instances internationales. Mais, comme pour les bonus, c'est bien le Congrès américain qui tranchera en dernier ressort. Rien ne peut aboutir sans les É[email protected] Éric Benhamou
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