Les hedge funds n'échappent pas à la crise financière

Comme pour la gestion dite traditionnelle, les temps sont durs pour la gestion alternative, technique de gestion décorrélée des marchés. Sur fond de récession économique, de crise bancaire et de liquidité, les gérants de hedge funds traversent l'une des périodes les plus difficiles de ces dix dernières années. De l'aveu d'un gérant, " c'est pire qu'en 1998 avec la crise de LTCM [Long Term Capital Management est un hedge fund apparu en 1994, Ndlr] ". Pas un jour sans déclarations sur les défaillances d'une société de gestion. Et la France n'est pas épargnée. Pas un jour non plus sans l'annonce d'une liquidation d'un hedge fund.Selon le Hedge Fund Research (HFR), fournisseur américain de données sur l'industrie, 350 produits ont fermé au premier semestre 2008, soit 15 % de plus qu'au premier semestre 2007. Les professionnels avancent même le chiffre de 2.000 produits liquidés dans les mois à venir. La défiance s'installe. Conséquence, les investisseurs semblent prendre leur distance vis-à-vis des fonds spéculatifs.La collecte nette au deuxième trimestre est de 12,5 milliards de dollars, en baisse de presque 25 % par rapport au premier trimestre 2008 et de 94 % depuis la fin de l'année dernière. Du côté des performances, celles-ci ne sont pas toujours au rendez-vous alors que la gestion alternative est censée délivrer de la performance absolue quelles que soient les conditions de marché. Les indices HFRI Equity Hedge (arbitrage action), HFRI Event-Driven (valeurs en situations spéciales) et HFRI Relative Value (exploiter l'inefficience des cours) ont perdu, en dollars, depuis le début de l'année respectivement 8,41 %, 4,22 % et 2,25 %." EXCES DE CONFIANCEDES INVESTISSEURS"Le " global macro ", qui joue sur les changements macroéconomiques, fait figure d'exception avec une performance à fin août de + 2,50 %. C'est mieux que les grands indices boursiers, mais c'est moins bien que le monétaire... " On s'aperçoit que les fonds basés sur les stratégies actions ont finalement un bêta important, indique Vincent Gleyze, directeur général de Rivoli Fund Management. La baisse des derniers mois a mis en évidence un biais long plus ou moins important selon les fonds. " Ils ont pris de plein fouet le retournement des marchés, notamment les supports investis sur les matières premières, les pays émergents et les financières.Depuis l'éclatement de la crise des subprimes, ces dernières se sont effondrées. Pour enrayer leur baisse, des autorités boursières ont interdit leur vente à découvert. Cette mesure, temporaire, ne concerne qu'un secteur en particulier, son extension à l'ensemble du marché est inenvisageable. Surtout, " les déboires du système financier ne sont pas dus aux ventes à découvert, mais aux excès de confiance des investisseurs ", estime Christophe Chouard, directeur général de HDF Finance. Cette mesure prive les hedge funds d'un outil permettant d'offrir de la performance et de la sécurité. Elle est toutefois acceptée par les professionnels, notamment pour les ventes à découvert " nues ", c'est-à-dire celles n'ayant pas fait l'objet d'un emprunt de titres au préalable. Christophe Chouard rappelle aussi que les ventes à découvert améliorent la régulation des marchés " en contribuant à l'intégrité de prix, en réduisant la formation de bulles spéculatives et en apportant de la liquidité ".La liquidité, c'est ce qui fait défaut sur les marchés financiers. C'est aussi un sujet de préoccupation pour l'industrie des hedge funds. D'ailleurs, l'agence de notation Fitch renforce le contrôle de la liquidité des fonds de hedge funds. " Nous constatons des différences importantes sur certains produits entre la liquidité des fonds de fonds et celle des sous-jacents qui les composent ", déclare Aymeric Poizot, responsable Europe de l'activité gestion d'actifs chez Fitch. Pour contrôler ces écarts, l'agence analyse le profil de liquidité des sous-jacents par rapport à des scénarios de rachats importants. Se pose alors la question de l'équilibre entre l'actif et le passif du fonds. Ceux qui offrent trop de liquidité, comme les stratégies distressed ou sur les prêts, risquent de souffrir. Le dogme de la liquidité étant fini depuis plus d'un an. Les gérants sont aussi confrontés à une augmentation des haircuts, c'est-à-dire " la décote appliquée aux prix des actifs afin de protéger le "prime broker" contre une variation de ceux-ci, explique Erich Bonnet, directeur général de ADI. Ce phénomène a créé un "credit-crunch" sur les hedge funds. "PERTINENCE DES FONDSTout cela peut entraîner des rachats massifs de parts, les investisseurs préférant quitter le navire avant la tempête. Pour y faire face, certains hedge funds ont interdit à leurs clients de vendre leurs positions. D'autres jouent sur les périodes de souscriptions et de rachats qui peuvent varier entre un et trois mois. En prévention, ils constituent des réserves en vendant leurs actifs les plus liquides. Certains fonds de hedge funds détiennent ainsi entre 30 % et 35 % de cash . Cela permet d'éviter de prendre le wagon de la baisse et peut rassurer les investisseurs. Mais cela pose aussi la question de la pertinence des fonds." C'est une décision de gestion comme une autre, estime Vincent Gleyze. Elle doit cependant rester exceptionnelle et apporter une réponse à des contextes très particuliers. " Citigroup et Merrill Lynch évaluent à respectivement 600 milliards de dollars et 184 milliards de dollars les liquidités détenues par les hedge funds. Ces sommes sont investies sur le marché monétaire. Une importante vague de rachats pourrait déstabiliser ce marché qui n'en a, aujourd'hui, pas besoin.ADI Gestion en phase d'être rachetéeADI Gestion a annoncé qu'un processus de rapprochement était engagé avec le groupe OFI. Les deux maisons se connaissent bien puisque OFI détenait 34 % du capital au moment de la création d'ADI en juin 1998. L'ex-Ofivalmo n'était sorti du capital qu'en 2002. Mais les deux sociétés étaient toujours indirectement liées puisque la Matmut est actionnaire des deux structures. En effet, l'assureur détient, avec la Macif, 60 % du capital d'OFI et est monté, en avril de cette année, à 50,19 % dans le capital d'ADI. Le solde d'ADI est détenu par les fondateurs et salariés de la société (44,14 %) et un pool d'actionnaires (5,67 %). C'est sur fond de crise qu'intervient ce projet. ADI connaît des difficultés depuis quelques mois. Victime collatérale de la faillite de Lehman Brothers, qui était l'une de ses contreparties, la société de gestion a dû fermer 5 fonds d'arbitrages de crédit et d'obligations convertibles en septembre pour un encours de 350,14 millions d'euros. Ses actifs sous gestion sont donc passés de 6,02 milliards en décembre 2007 à un peu plus de 4 milliards d'euros neuf mois plus tard. Si les discussions aboutissent, OFI, qui gère 18 milliards d'euros à fin août, se renforcera dans la gestion alternative directe et mettra la main sur les deux filiales d'ADI, à savoir GEA, spécialiste de la multigestion alternative, et New Alpha Advisers, société de conseil financier.
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