Pas de « fuite de carbone » dans l'industrie européenne

Dominique pialotLes quotas d'émissions de carbone n'ont entraîné ni pertes de compétitivité, ni délocalisations significatives pour les industriels européens concernés. C'est la conclusion d'une étude de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) menée dans les secteurs industriels soumis aux contraintes d'émissions de carbone sur la période 2005-2007 pour leurs activités européennes : cimentiers, raffineurs, papetiers, sidérurgistes, fabricants d'aluminium. Cette première phase de l'ETS (European Trading Scheme, le système européen d'échange de quotas de carbone) constitue une expérience grandeur nature permettant d'évaluer les risques de « carbon leakage » ou « fuites de carbone », c'est-à-dire le déplacement d'activités émettrices de carbone depuis les zones soumises à des contraintes vers des régions qui ne le sont pas.L'étude analyse les principales causes de ces fuites : pertes de compétitivité au bénéfice de concurrents non contraints ou modifications des schémas d'investissements vers des pays à la législation plus souple. « L'intensité énergétique, la possibilité et le coût de réduction des émissions et la capacité à répercuter le coût du carbone à ses clients directs ou au client final sont les principaux facteurs d'exposition d'un secteur au risque carbone », détaille Éric Dugelay, associé en charge du pôle risk management et développement durable au sein du cabinet Deloitte.courte observationSur la base d'une analyse des échanges internationaux et des schémas d'investissements, présentés comme des signes irréfutables de toute fuite réelle, l'AIE n'observe aucune évolution majeure dans les secteurs concernés, donc aucune fuite importante entre 2005 et 2007. Elle attribue ce statu quo à la gratuité des quotas de carbone, par ailleurs assez généreux, alloués aux industriels pour cette période. L'AIE reconnaît également que cette période d'observation est courte et qu'il est souvent difficile d'isoler le seul facteur carbone dans les décisions des industriels.Ces résultats, qui convergent avec ceux d'études similaires publiées notamment par la Mission Climat de la Caisse des dépôts (CDC), ne surprennent pas les experts. « Il ne devrait pas non plus y avoir de révolution sur 2008-2012, la seconde période de l'ETS », analyse ainsi Eric Dugelay. Mais la question que se posent tous les industriels concernés, c'est ce qui se passera après 2012. À partir de cette date et jusqu'en 2020, la Commission européenne prévoit en effet de supprimer totalement la gratuité des quotas. « Les industriels examinent tous les scenarii possibles afin d'étayer leur lobbying », explique Eric Dugelay. De multiples mécanismes sont envisagés pour pallier les risques de fuite aggravés par cette évolution : maintien de la gratuité des allocations, mise aux enchères progressive, prix du carbone plafonné, voire sortie pure et simple de l'ETS pour les secteurs les plus exposés. Autres solutions étudiées, des mécanismes d'ajustement aux frontières (taxes) très mal vus par l'OMC (Organisation mondiale du commerce) ou des accords sectoriels mondiaux comme celui que mettent en place les cimentiers.S'agissant d'un sujet aussi complexe, l'AIE souligne la nécessité de développer des outils pour mieux comprendre et mesurer le phénomène de fuite de carbone. « Ce type d'étude a le mérite de faire tourner et de roder des modèles qui seront très utiles aux industriels pour étébalir des simulations et élaborer des stratégies sur la base de ce qui sera décidé pour l'après-2013 », observe pour sa part Eric Dugelay.
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