Vers des synergies entre la gestion d'actifs et la banque de financement

Avec la crise, les derniers résultats annuels des grandes banques ont montré les difficultés de leurs filiales de banque de financement et d'investissement (BFI). Ils ont aussi révélé celles de leur pôle gestion d'actifs (GA). Ces deux métiers ont vu leur produit net bancaire se réduire. Dans ce contexte, les directions de ces établissements ont engagé des programmes de réduction des coûts sur ces deux activités. Certaines, comme Société Généralecute; Générale, ont coupé la ligne métier gestion d'actifs, alors que d'autres, comme BNP Paribas et Natixis, ont annoncé des suppressions de postes dans la BFI. Pour Thierry Decourrière, associé au cabinet Eurogroup, « la recherche de pistes de mutualisation des moyens existants et des projets d'investissement, ainsi que l'échange de meilleures pratiques sont donc impératifs ». En d'autres termes, le consultant recommande d'identifier les synergies potentielles permettant de réaliser des économies en supprimant des postes, mutualisant des activités, ou de trouver de nouvelles sources de revenus, « véritable enjeu pour ces établissements dans les années à venir ». Les banques avouent, d'ailleurs, y réfléchir.Cela passe par une meilleure couverture des clients pour mieux répondre à leurs besoins en termes de produits. Aujourd'hui, les équipes commerciales des sociétés de gestion sont organisées par canal de distribution ou typologie de clientèle (« retail », patrimoniale, institutionnelle, privée). Elles ont adopté une stratégie « solution d'investissement ».BNP Paribas Asset Management and Services, comprenant la gestion d'actifs, vient ainsi d'être rebaptisée BNP Paribas Investment Solutions. La relation s'inscrit donc dans une relation de moyen-long terme avec les clients. Ce n'est pas forcément le cas pour la BFI, davantage dans une optique de transaction, de flux ? donc de court terme ? même si « la BFI a une activité de structuration et gère l'actif-passif de clients institutionnels », note Bruno de Saint Florent, partner chez Oliver Wyman. Par conséquent, « mettre en place une approche client et non plus produit dégagerait des opportunités commerciales et favoriserait le ?cross selling? », estime Thierry Decourrière. Car il est fréquent qu'un client se voie proposer, par la BFI et la GA, un produit concurrent, voire similaire. Par ailleurs, les banques regardent désormais à deux fois avant de mettre du « seed money » (capital d'amorçage) dans un produit. Il faut donc capter l'intérêt des clients pour lancer un nouveau support d'investissement.Privilégier le client aiderait aussi à restaurer l'image de marque très écornée de ces deux métiers en raison, entre autres, de la vente de produits opaques. « Une tendance s'appliquait à la BFI et à la GA avec une bipolarisation de la croissance du marché, d'un côté sur des produits très industrialisés de type ETF ou de flux, et d'autre part sur des produits complexes comme les options exotiques, les hedge funds, explique Bruno de Saint Florent. La crise a désamorcé ce second moteur mais ne fera pas disparaître le besoin d'innovation. » Désormais, les investisseurs demandent des produits transparents, moins complexes. Car, pour générer de plus en plus de revenus, de nombreux gérants ont mis dans leurs fonds des actifs qualifiés aujourd'hui de « toxiques », souvent fournis par les salles de marchés des BFI. Le problème est qu'ils ignoraient souvent ce que c'était, faisant courir un risque aux porteurs. Les fonds monétaires dynamiques en sont un bel exemple. Pire, ils ne savaient pas, ou très rarement, valoriser ces sous-jacents. L'industrie de la GA accuse un gros retard sur la BFI à ce niveau. Or elle se doit de pouvoir contre-valoriser les produits orientés BFI. Cela nécessite d'importants moyens humains, techniques car, à pratiquement chaque produit dérivé, correspond un outil d'analyse, de mesure spécifique. Certaines sociétés de gestion le font déjà. Ainsi, Lyxor ne fait pas appel à la BFI car il a implémenté des outils de pricing utilisés par la salle de marchés ou achetés à des prestataires de services. Cela lui permet de valoriser de manière indépendante tout type de produits qui, au c?ur de la crise, s'est avéré particulièrement utile. Une autre solution serait de développer un service de valorisation proposé par la BFI et mutualiser les compétences.Cette question de la valorisation des actifs va de pair avec la gestion du risque qui est primordiale. C'est l'un des points communs entre ces deux activités, « même si la GA a perdu beaucoup moins d'argent que la BFI », rappelle Bruno de Saint Florent. La crise a clairement mis en lumière les carences de la gestion du risque au niveau des produits et moyens techniques. Le risque de liquidité l'a bien montré. Certes, la crise du crédit n'a pas aidé mais la GA n'a pas su l'appréhender correctement. Pour preuve, la crise sur les fonds de hedge funds et les outils mis à disposition par les autorités pour limiter les rachats. L'analyse du risque en GA se fait au niveau du fonds et pas des sous-jacents qui le composent. Conséquence : on ne connaît pas le risque pris. Là encore, la BFI a un coup d'avance sur la GA. Des synergies sont donc possibles à ce niveau. Mais la gestion du risque a aussi failli au niveau des hommes, posant un vrai problème de gouvernance. Sur ce point, qui est légitime pour interdire les opérations risquées ? Le contrôleur des risques, répondent les acteurs. « Si la gouvernance avait du poids, on aurait peut-être évité certains excès », pense Thierry Decourrière. À la différence de la BFI, le risque est mal positionné, mal outillé dans la GA donc pas de légitimité pour intervenir. Il serait donc préférable, dans la BFI et la GA, de piloter par les risques plutôt que par les résultats.« Si réaliser des synergies entre BFI et GA constitue une bonne chose, c'est souvent très compliqué car c'est essayer de rapprocher deux cultures très différentes », indique Bruno de Saint Florent. La BFI a toujours été présentée comme le fleuron des banques. À l'inverse, la gestion d'actifs est considérée comme le « parent pauvre ». Les mentalités ont peut-être évolué avec la crise.
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