« Nous avons répercuté la baisse du brut »

Que vous inspire la victoire de Barack Obama??C'est, avant tout, le signal fort d'une évolution profonde du monde, de notre entrée dans le XXIe siècle. C'est aussi, à mes yeux, une nouvelle preuve de l'aboutissement du brassage des cultures?: C'est, enfin, un signe d'espoir, car le monde entier a besoin du retour d'une Amérique acceptée et en bonne santé.Que répondez-vous à Ségolène Royal qui a demandé cette semaine au gouvernement de « prélever » vos « superprofits » afin de financer les entreprises en difficulté et les énergies renouvelables??Je suis malheureusement habitué à ce type de réaction. Je trouve que nous pourrions avoir d'autres débats plus constructifs sur ce que Total apporte à la société française, à l'environnement, au-delà des impôts et des taxes versés dans tous les pays où nous sommes acteurs. Cela serait plus utile que de savoir comment on va créer une taxe supplémentaire, qui ressemblerait à une punition.Participez-vous aux réflexions du gouvernement pour trouver des solutions pour relancer la croissance??La semaine dernière, François Fillon a reçu un groupe de chefs d'entreprise, afin d'échanger sur la manière dont nous voyons les choses, sur la crise financière, ses impacts, ses conséquences et la façon dont nous nous armons pour la traverser? Cela s'appelle de la concertation.L'Élysée s'intéresserait à la question des prix de l'essence à la pompe. Avez-vous été reçu sur ce sujet??Pas à ce jour. Je tiens à rappeler que l'essence est produite avant d'être distribuée, avec notamment des défis d'exploration, de production et de sécurité de plus en plus complexes. Le pétrole n'arrive pas tout seul?! Ensuite, si l'on veut savoir si nous répercutons ou non les prix du brut à la pompe, la réponse est oui. Tous les mécanismes de contrôle qui existent aujourd'hui (les audits de l'État, nos reportings quotidiens?) le prouvent. Par rapport au niveau le plus haut du baril en juillet, nous avons répercuté la baisse?: les prix à la pompe ont reculé de plus de 30 centimes d'euro. Pas davantage, parce qu'en même temps, l'euro a baissé, de 1,60 à 1,30 dollar, ce qui renchérit le coût des produits importés exprimé en euros. N'oublions pas que nous n'avons pas de pétrole en France?! Outre l'euro, la fiscalité amortit, à la hausse comme à la baisse, les variations du prix du brut. Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas augmenté nos marges. D'ailleurs, la baisse des prix du brut, entraînée par le ralentissement économique mondial, pèse déjà sur nos résultats. Plus simplement, nous n'avons pas à rougir de nos profits. Ils sont le garant de notre indépendance et de notre capacité d'investissement.Vous pensez que les prix du brut vont durablement rester autour de 60 dollars??2009 est l'année la plus difficile à prévoir. Cela dépendra de l'impact de la crise économique sur la demande de pétrole. Je ne pense pas que la crise modifie en profondeur les modes de consommation. Un exemple?: les Américains ont un parc automobile constitué de grosses voitures qui sont restées momentanément au garage, mais il n'est pas impossible que la baisse des prix du pétrole les fasse ressortir?! En Chine, la consommation de pétrole dépendra de la croissance économique du pays, qui est difficile à évaluer pour l'instant, mais qui devrait rester soutenue, même si le ralentissement se fera sentir.Comment analysez-vous la baisse du prix du baril du pétrole, passé de 147,50 dollars à 60 dollars en trois mois??Le prix du brut était monté à un niveau historiquement élevé. La hausse et la baisse des cours n'ont pas les mêmes motifs. Le baril a grimpé pour des raisons principalement macroéconomiques?: à ce moment-là, il ne s'agissait pas d'une pénurie de pétrole. En revanche, l'outil de production avait été poussé à 98 % de sa capacité. Compte tenu de la crise financière, le pétrole est aussi devenu une valeur refuge, comme les autres matières premières?; ce qui a participé à la hausse des cours. La baisse des prix à partir du mois de juillet s'est déroulée dans un contexte de surabondance de l'offre, l'Arabie Saoudite ayant augmenté sa production à ce moment-là. En même temps, la crise financière a forcé les investisseurs à trouver des liquidités en vendant, ce qui a précipité la baisse du cours des matières premières. Nous sommes confiants sur le fait que les pays de l'Opep parviennent à maîtriser la baisse des cours?: depuis qu'ils ont annoncé une baisse de leur quota (1,5 million de barils de leur production quotidienne), les cours évoluent dans une fourchette plus étroite.Quel est le prix d'équilibre du baril de pétrole selon vous??Ce n'est pas parce que les prix du pétrole passent de 60 à 50 dollars que l'économie repart?; et ce n'est pas parce que les cours passent de 60 à 70 dollars que la croissance chute?; Si les prix devaient rester à 60 dollars le baril pendant un ou deux ans, une telle situation n'aurait pas d'impact majeur sur nous, contrairement à des compagnies pétrolières plus petites et moins solides, qui pourraient perdre leurs capacités d'investissement. En revanche, si cette situation perdurait trop longtemps, le prix du baril finirait par affecter sérieusement les capacités de production de la planète. Pour ce qui nous concerne, nous ne modifions pas pour le moment nos projets d'investissement. Nous nous poserons la question fin 2009-début 2010, en particulier pour les sables bitumineux du Canada. Néanmoins, j'ai le sentiment que nous parviendrons à lancer nos trois projets « géants » compris entre 15 et 30 milliards de dollars. Il est vrai qu'un prix du baril entre 80 et 100 dollars nous permet d'investir de manière optimale. Nous pensons que cette fourchette est réaliste pour le moyen et à long terme. Ayons toujours à l'esprit dans cette industrie que les investissements d'aujourd'hui sont indispensables pour garantir les approvisionnements de demain.Allez-vous fermé des unités de raffinage en France, comme l'affirment les syndicats??Nous n'en sommes pas là. Nous travaillons en permanence à l'adaptation de notre activité de raffinage et à l'évolution de la demande?; celle-ci exige que nous produisions toujours plus de diesel et moins d'essence. Pour parvenir à l'équilibre, nous ajusterons notre outil de raffinage si nécessaire ? et lorsque cela sera nécessaire. À terme, cela se traduira probablement par de nouvelles unités diesel et une réduction des capacités de fabrication d'essence.La crise actuelle vous donne-t-elle des idées de croissance externe?? Êtes-vous intéressé par Repsol??La crise va surtout nous inciter à poursuivre notre métier d'industriel et à être encore plus rigoureux sur notre gestion des projets. Il va falloir « serrer les vis ». En ce qui concerne d'éventuelles acquisitions, il ne faut pas rêver. Peu d'actionnaires seraient disposés à vendre leurs sociétés aux cours actuels. Nous ne sommes pas les seuls à avoir des idées? et des liquidités. Cela dit, le niveau actuel du brut peut permettre des acquisitions ciblées et saines quand le marché sera plus apaisé, certains pétroliers indépendants rencontrant déjà des difficultés de financement avant la crise. Nous avons déjà dit que nous étions prêts à investir 10 milliards de dollars pour une ou deux acquisitions, qui nous permettraient d'accélérer la constitution de notre portefeuille de ressources d'hydrocarbures à un coût acceptable. Repsol ne correspond pas à cet objectif.Votre stratégie de diversification vers les énergies renouvelables, notamment le nucléaire, tarde à se concrétiser?Nous entendons effectivement prendre le temps. C'est une stratégie de long terme. Notre objectif est de consacrer 7,5 milliards de dollars en recherche et développement, notamment dans les énergies renouvelables entre 2008 et 2013. Nous venons de nous engager à financer un programme de 100 millions d'euros de l'Ademe pour améliorer l'efficacité énergétique des procédés industriels. Nous avons investi 100 millions d'euros dans des start-up qui travaillent sur l'énergie et l'innovation. Nous réfléchissons à un renforcement dans le photovoltaïque. Dans le nucléaire, Total a franchi une étape importante en s'associant, en janvier dernier, à Suez et à Areva pour proposer des centrales nucléaires à Abu Dhabi. En ce qui concerne Areva, nous sommes pleinement satisfaits du 1 % que nous détenons.Où en êtes-vous de la vente de l'activité grand public de votre filiale Hutchinson (gants Mapa, éponges Spontex, préservatifs Billy Boy)?? Le contexte est peu favorable à une telle opération.propos recueillis par Aline Robert, Marie-Caroline Lopez, Erik Israelewicz et michel cabirol
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