« Je crains la montée des tensions sociales dans les pays d'Asie. »

L'escalade de la crise fait craindre depuis des mois une forte hausse du chômage en Chine avec pour corollaire la montée des tensions sociales. Mais c'est en réalité toute l'Asie émergente, touchée par le ralentissement économique, qui est menacée, selon le directeur général de la Banque asiatique de développement (Bad), Rajat M. Nag. « Je suis préoccupé par le risque de montée des tensions sociales dans les pays d'Asie », confie-t-il à « La Tribune ». Même s'il se refuse à citer des noms précis, on devine que des nations telles que les Philippines, le Bangladesh ou le Vietnam sont, entre autres, concernées. Démunies de filets de sécurité sociale, l'immense majorité de ces populations voient poindre le chômage avec encore plus d'anxiété que dans les pays riches. « La lutte contre la pauvreté, dont l'Asie a été la championne, est compromise », s'alarme Rajat M. Nag, qui rappelle que l'Asie compte encore 620 millions d'habitants vivant avec moins de 1 dollar par jour et près de 2 milliards avec 2 dollars par jour. « Un point de croissance en moins signifie que 21 millions de personnes demeurent dans la pauvreté au lieu d'en sortir », indique le banquier. Or, selon la Bad, la croissance de la région va marquer le pas cette année et se situer entre 5 % et 6 %, après 6,7 % en 2008 et surtout 9 % en 2007. Pour les gouvernements, ce ralentissement se traduira par de moindres recettes fiscales, et donc moins de budgets pour les dépenses d'infrastructure, de santé et d'éducation. Facteur aggravant, les flux de capitaux vers les pays émergents se tarissent, une baisse estimée à près de 66 % en 2009, estime Rajat M. Nag. Pour les pays émergents, il n'est pas question de se tourner vers les marchés financiers où « il leur faut payer des taux d'intérêt rédhibitoires ». Pourtant, leurs besoins sont immenses. « Rien pour que pour financer les projets d'infrastructure, il leur faudrait plus de 300 milliards de dollars par an sur dix ans », souligne-t-il. La Bad ne sera jamais en mesure de satisfaire intégralement de tels besoins, mais elle voudrait au moins augmenter sa capacité de prêts pour compenser la période de vache maigre actuelle. Elle a lancé un appel à ses actionnaires du Nord. Dans l'idéal, « il faudrait que nous augmentions notre capital de 200 %, à 165 milliards de dollars », explique-t-il. « « On ne peut pas ignorer le risque de montée des tensions sociales en Asie, c'est une responsabilité collective », plaide le directeur général.Propos recueillis par Laurent Chemineau
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